Par Fédoua Tounassi
Fisc. La chasse au fricL’administration fiscale est accusée d’appliquer majoration et taxes supplémentaires pour combler les 20 milliards de dirhams de manque à gagner, dû à la baisse de l’Impôt sur le revenu.
Mardi 29 janvier, 20h45, le journal de la deuxième chaîne nationale diffuse une annonce de la Direction des impôts qui provoque un vent de panique chez de nombreux contribuables : tous ceux qui ont réalisé une transaction immobilière en 2008 doivent obligatoirement déclarer ladite opération au fisc. Jusque-là rien d’alarmant. Sauf que cette déclaration
Piège à contribuable ?
Cafouillage, manque de professionnalisme… comment expliquer tant d’amateurisme de la part d’un département tenu d’une poigne de fer par Noureddine Bensouda ? “Ce n’est pas délibéré. La Direction des impôts est pleine de bonne volonté, mais nous manquons cruellement de ressources humaines”, confie un responsable au sein d’une délégation régionale. Pour les nombreux détracteurs du fisc, cet épisode relève de la mauvaise foi caractérisée. “La Direction des impôts use de stratagèmes pour piéger les contribuables et leur faire payer des majorations”, déplore un expert comptable sous couvert d’anonymat. Et de citer en exemple la taxe professionnelle qui devait être déclarée dans les mêmes délais, sachant qu’ils sont insuffisants. “Cette déclaration demande des semaines de travail. Nous avons fait plusieurs nuits blanches pour arriver dans les temps et cela n’a pas été possible”, témoigne Samir Ahamrouch, directeur financier d’une société de textile. Son patron espère une entrevue avec la délégation régionale du fisc pour négocier un délai supplémentaire.
Des recettes record
Les recettes fiscales ont enregistré une progression de 29%, selon les résultats provisoires de l'année 2008, totalisant plus de 116 milliards de dirhams contre 90,3 milliards de dirhams en 2007. Un record. Le taux de croissance n’a cessé d’augmenter ces dernières années, enregistrant 14,9% en 2005, 18,8% en 2006 et 21,4 en 2007. Et pourtant, ces bons résultats ne sont pas satisfaisants au regard de la Direction générale des impôts. “Nous irons chercher l’argent là où il se trouve”, avait lancé Noureddine Bensouda. Et pour cause, le Trésor a un gap de 20 milliards de dirhams à combler cette année, creusé par la baisse de 2 points de l’Impôt sur le revenu consentie par le gouvernement dans le cadre des négociations du dialogue social. “Cela signifie-t-il pour autant piéger le contribuable en l’astreignant à des deadlines impossibles à respecter pour ensuite lui faire payer son retard”, s’indigne Mohamed Yahyaoui. L’accusation est à peine voilée : la Direction des impôts est accusée de vouloir reprendre d’une main ce que l’Etat a lâché de l’autre. “Le Maroc ne met pas en balance différents types d’impôts en finançant l’allègement de la charge fiscale par l’alourdissement de la fiscalité sur la consommation”, se défend un responsable au sein de la Direction générale des impôts.
Et pourtant, on serait tenté de le croire. 2009 a vu l’augmentation de la TVA sur plusieurs produits de première nécessité. “Il s’agit d’une uniformisation de la taxe sur la valeur ajoutée, pas d’une hausse”, justifie notre source. “Quoi qu’il en soit, ce n’est pas dans les poches des classes moyennes qu’il faut chercher des ressources, c’est plutôt au niveau des entreprises”, rétorque cet acteur social. Il est vrai (même l’administration fiscale le reconnaît) que seule une minorité de sociétés paye vraiment ses impôts. Si depuis 2007, les contributions des sociétés ont dépassé celles des personnes physiques, l’évasion fiscale perdure. Seules 50 sociétés ont contribué à hauteur de 56% aux recettes totales de l’Impôt sur les sociétés (IS). Et sur ces 56% de recettes, la part du secteur public représente 17,5% et celle du secteur des télécommunications 17,4%. Idem pour la TVA : en 2007, sur les 50 sociétés qui ont versé 56% des recettes totales de l’IS, 32 se sont acquittées de 48% des recettes totales de la TVA. A cela, il faut ajouter les nombreuses exonérations fiscales qui profitent à des secteurs en pleine forme et qui occasionnent un manque à gagner estimé à 21,5 milliards de dirhams.
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