En Algérie, Il est clair que le paramètre de l’emploi, tel qu’il est appréhendé par les pouvoirs publics, semble constituer l’une des premières priorités du gouvernement particulièrement en dans le contexte actuel caractérisé par la menace d’une période de “vaches maigres’’, comme a eu à l’annoncer le président Bouteflika à Ghardaïa en automne dernier. Comment en serait-il autrement dans un pays où les problèmes sociaux ont tendance, dans leur infernale progression et dans leur enchevêtrement continu, à évoluer vers une grave dérive qu’aucune mesure d’ordre policière ne saurait juguler.
En effet, 11,8 % de taux de chômage dans un pays qui n’arrive plus à compter ses harragas, ses suicidés et tous les desperados que peut recueillir n’importe quelle entreprise criminelle ou association de malfaiteurs, peuvent prêter à une espèce d’ironie nationale. Il est vrai que certains aspects du chômage sont escamotés par des dispositifs sociaux, coûteux mais sans lendemain. Toujours est-il que l’une des données les plus déterminantes qu’un gouvernement, quelle que soit sa tendance politique ou sa feuille de route, se doit d’intégrer dans sa stratégie de gestion est, sans contredit, la situation de l’emploi. Facteur de cohésion sociale et de dignité individuelle, le travail constitue la véritable source de richesse des individus, des ménages, des nations et des peuples. Cela peut paraître un truisme ; mais, sous le ciel d’Algérie enivré par la rente et le gain facile, la perversion des valeurs du travail a fini par mettre à la marge le potentiel de la jeunesse au point d’envoyer les enfants d’Algérie guerroyer à des milliers de kilomètres d’ici pour des causes qui n’en sont pas, et de provoquer aussi un mouvement inverse du transfert de technologie en poussant les compétences algériennes à alimenter les laboratoires étrangers.
Le pays a pourtant engrangé des recettes conséquentes au cours des dix dernières années, recettes issues de l’exportation des hydrocarbures et qui sont supposées pouvoir “faire le bonheur’’ des Algériens. Cependant, il se trouve que tous les efforts qu’on nous dit tendus vers cet objectif n’arrivent guère à insuffler espoir et alacrité à sa jeunesse.
Rançon de la stabilisation macroéconomique
Le fossé séparant les couches de la société n’a jamais sans doute été aussi béant. Ce drame est psychologiquement moins supportable, par les individus et les communautés, que la pauvreté elle-même en tant que situation sociale généralisée à une population. Depuis bientôt une décennie, les efforts de rationalisation budgétaire ont abouti à la stabilisation des indices macroéconomiques (très faible encours de la dette extérieure, inflation maîtrisée, taux de croissance appréciable du PIB, taux de chômage officiellement réduit à moins de 12 % de la population active). Au cours de cette période de transition de l’économie nationale-étape sensible pour tous les pays passant d’une économie administrée à une économie de marché-le hiatus entre les différentes couches de la société se fait de plus en plus important, menaçant parfois même la stabilité du pays et la paix civile. Le nombre d’exclus ne cesse, en effet, d’augmenter, même si le gouvernement à travers certains de ses différents dispositifs sociaux essaye de contenir le cercle de la pauvreté en venant en aide aux catégories les plus vulnérables. Ces leviers et relais sociaux mis en œuvre par les pouvoirs publics ne font, en tout cas, qu’amortir le choc, différer les contestations et émousser temporairement l’esprit de jacquerie.
La donnée la plus admise pour notre économie est qu’elle repose presque exclusivement sur la rente pétrolière dont la redistribution pose plus de problèmes qu’elle n’en résout. Après plus de trois décennies de navigation à vue, de mauvaise gestion, de rapine et de clientélisme, les classes sociales qui en furent le produit ont globalement respecté le trinôme de la stratification classique observée dans toutes les économies dirigistes et rentières : la nomenklatura et ses satellites, la classe moyenne et la classe pauvre.
Au vu de l’impasse historique qui a frappé d’obsolescence le système politique et l’ordre socioéconomique algériens, le Plan d’ajustement structurel, issu du rééchelonnement de la dette extérieure, a essayé de créer un équilibre dans les indices macroéconomiques au prix que l’on connaît : libéralisation des prix, plans sociaux pour les entreprises publiques, un taux de chômage effarant et, fait dont on ne mesure pas encore assez les conséquences, le laminage de la classe moyenne qui, partout dans le monde, représente l’ossature culturelle et idéologique de la cohésion sociale et de la construction du projet démocratique.
Après la décennie de terrorisme et d’instabilité politique, les contradictions sociales et les contrastes de statut se sont davantage aiguisés. Les riches ont continué de s’enrichir et les pauvres à s’appauvrir.
À l’échelle internationale, des institutions financières et des organisations non gouvernementales s’échinent à baliser le phénomène de la pauvreté et de la dégradation des conditions sociales sur le plan théorique et à contribuer à le faire prendre en charge sur le plan pratique. Les économistes, les médias et les pouvoirs publics ont essayé de cerner la problématique de la pauvreté et il est, alors, constaté que les manifestations de ce mal sur le plan social et sur le plan de la cohésion des peuples et des nations n’aident pas nécessairement à le définir d’une façon définitive et uniforme. Si l’on retient, pour des commodités de raisonnement, le principe de la Banque mondiale qui désigne comme pauvre une personne vivant avec moins d’un dollar par jour, le compte serait bon pour que l’écrasante majorité des Algériens soit déclarée comme vivant sous le seuil de pauvreté. Si on prend l’exemple d’une petite famille de cinq personne, et l’on prend la valeur la plus stable du dollar par rapport au dinar valable pour les deux dernières années (70 DA pour 1$), il en résulte que cette famille devrait avoir un revenu minimum de 12 000 DA par mois. C’est le seuil de pauvreté correspondant à sa taille.
De nouvelles grilles d’analyse
Ce critère adopté par la Banque mondiale s’applique plutôt à une situation idéale dont il reste à définir le niveau de vie ciblé. C’est pourquoi son utilisation est sujette à réserves de la part de certains spécialistes en économie de développement.
Le taux de chômage, à lui seul, n’explique pas non plus la dimension de la pauvreté. Actuellement revu à la baisse dans notre pays- moins de 12 % pour les statistiques officielles, ce phénomène quantifiable ne permet pas, à son tour, de quantifier la pauvreté et de l’appréhender dans sa dimension dramatique. Cela est d’autant plus vrai que plusieurs chefs de ménage déclarés comme étant employés ne possèdent pas les ressources nécessaires pour vivre décemment, scolariser leurs enfants, avoir des loisirs, se soigner, se chauffer,…
A ce niveau, on peut faire une jonction avec la définition de la Banque mondiale sans la prendre, en valeur absolue, comme argent comptant. Pour mieux approcher cette dure réalité, c’est le PNUD (Programme des nations unies pour le développement) qui a instauré, au début des années 1990, une autre ‘’échelle’’ de mesure sous le concept générique d’Indice de développement humain (IDH). Les Indicateurs de développement humain retiennent trois composantes : la longévité, le savoir et le niveau de vie. Ils permettent de classer les pays selon une nouvelle grille plus “humanisée’’, en tout cas plus réaliste que les simples indicateurs de la performance économique des pays considérés. Il s’agit de “pallier les insuffisances d’une approche en termes de revenus par habitant’’. Dans ce contexte le développement humain est défini comme un développement donnant aux hommes la liberté d’utiliser pleinement leurs capacités dans tous les domaines : économique, social, culturel et politique. Donc, en plus de l’appréciation quantitative, qui demeure non seulement valable mais indispensable, la classification par les IDH introduit la vision qualitative qui exprime mieux les contrastes liées au niveau de vie et au mode de vie des populations. l’Algérie est classée 102e en matière de développement humain. Le rapport annuel du PNUD publié à Genève et relatif aux données de l’année 2006, confère un Indice de développement humain de 0,72 à notre pays. Cet indice est un “agrégat’’ qui récapitule les données relatives à l’espérance de vie à la naissance (71 ans pour l’Algérie), le taux d’alphabétisation des adultes (70%) et le niveau de vie (PIB/habitant : de 73 dollars). Cette forme d’évaluation sociale concerne 177 pays.
Les échelles de la pauvreté
La pauvreté absolue implique que les ressources ne permettent pas la couverture des besoins jugés essentiels à l’époque considérée. Elle se mesure généralement par rapport un “panier’’ (échantillon) de biens considérés comme vitaux ; tandis que la pauvreté relative est mesurée par rapport à un niveau de revenu donné. Cette pauvreté peut rassembler aussi bien des personnes ou ménages ne vivant que des prestations sociales (pensions) ou des personnes travaillant mais ne recevant que des revenus faibles. Le prix Nobel d’économie 1998, Amartya Sen, définit la pauvreté par rapport à la capacité de l’individu : " Être relativement pauvre dans un pays riche constitue un grand handicap, du point de vue des capacités, même lorsqu’on dispose d’un revenu élevé, au regard des normes internationales. " Pour participer à la vie communautaire, il faut parfois satisfaire à certaines exigences en matière d’équipements techniques.
En effet, 11,8 % de taux de chômage dans un pays qui n’arrive plus à compter ses harragas, ses suicidés et tous les desperados que peut recueillir n’importe quelle entreprise criminelle ou association de malfaiteurs, peuvent prêter à une espèce d’ironie nationale. Il est vrai que certains aspects du chômage sont escamotés par des dispositifs sociaux, coûteux mais sans lendemain. Toujours est-il que l’une des données les plus déterminantes qu’un gouvernement, quelle que soit sa tendance politique ou sa feuille de route, se doit d’intégrer dans sa stratégie de gestion est, sans contredit, la situation de l’emploi. Facteur de cohésion sociale et de dignité individuelle, le travail constitue la véritable source de richesse des individus, des ménages, des nations et des peuples. Cela peut paraître un truisme ; mais, sous le ciel d’Algérie enivré par la rente et le gain facile, la perversion des valeurs du travail a fini par mettre à la marge le potentiel de la jeunesse au point d’envoyer les enfants d’Algérie guerroyer à des milliers de kilomètres d’ici pour des causes qui n’en sont pas, et de provoquer aussi un mouvement inverse du transfert de technologie en poussant les compétences algériennes à alimenter les laboratoires étrangers.
Le pays a pourtant engrangé des recettes conséquentes au cours des dix dernières années, recettes issues de l’exportation des hydrocarbures et qui sont supposées pouvoir “faire le bonheur’’ des Algériens. Cependant, il se trouve que tous les efforts qu’on nous dit tendus vers cet objectif n’arrivent guère à insuffler espoir et alacrité à sa jeunesse.
Rançon de la stabilisation macroéconomique
Le fossé séparant les couches de la société n’a jamais sans doute été aussi béant. Ce drame est psychologiquement moins supportable, par les individus et les communautés, que la pauvreté elle-même en tant que situation sociale généralisée à une population. Depuis bientôt une décennie, les efforts de rationalisation budgétaire ont abouti à la stabilisation des indices macroéconomiques (très faible encours de la dette extérieure, inflation maîtrisée, taux de croissance appréciable du PIB, taux de chômage officiellement réduit à moins de 12 % de la population active). Au cours de cette période de transition de l’économie nationale-étape sensible pour tous les pays passant d’une économie administrée à une économie de marché-le hiatus entre les différentes couches de la société se fait de plus en plus important, menaçant parfois même la stabilité du pays et la paix civile. Le nombre d’exclus ne cesse, en effet, d’augmenter, même si le gouvernement à travers certains de ses différents dispositifs sociaux essaye de contenir le cercle de la pauvreté en venant en aide aux catégories les plus vulnérables. Ces leviers et relais sociaux mis en œuvre par les pouvoirs publics ne font, en tout cas, qu’amortir le choc, différer les contestations et émousser temporairement l’esprit de jacquerie.
La donnée la plus admise pour notre économie est qu’elle repose presque exclusivement sur la rente pétrolière dont la redistribution pose plus de problèmes qu’elle n’en résout. Après plus de trois décennies de navigation à vue, de mauvaise gestion, de rapine et de clientélisme, les classes sociales qui en furent le produit ont globalement respecté le trinôme de la stratification classique observée dans toutes les économies dirigistes et rentières : la nomenklatura et ses satellites, la classe moyenne et la classe pauvre.
Au vu de l’impasse historique qui a frappé d’obsolescence le système politique et l’ordre socioéconomique algériens, le Plan d’ajustement structurel, issu du rééchelonnement de la dette extérieure, a essayé de créer un équilibre dans les indices macroéconomiques au prix que l’on connaît : libéralisation des prix, plans sociaux pour les entreprises publiques, un taux de chômage effarant et, fait dont on ne mesure pas encore assez les conséquences, le laminage de la classe moyenne qui, partout dans le monde, représente l’ossature culturelle et idéologique de la cohésion sociale et de la construction du projet démocratique.
Après la décennie de terrorisme et d’instabilité politique, les contradictions sociales et les contrastes de statut se sont davantage aiguisés. Les riches ont continué de s’enrichir et les pauvres à s’appauvrir.
À l’échelle internationale, des institutions financières et des organisations non gouvernementales s’échinent à baliser le phénomène de la pauvreté et de la dégradation des conditions sociales sur le plan théorique et à contribuer à le faire prendre en charge sur le plan pratique. Les économistes, les médias et les pouvoirs publics ont essayé de cerner la problématique de la pauvreté et il est, alors, constaté que les manifestations de ce mal sur le plan social et sur le plan de la cohésion des peuples et des nations n’aident pas nécessairement à le définir d’une façon définitive et uniforme. Si l’on retient, pour des commodités de raisonnement, le principe de la Banque mondiale qui désigne comme pauvre une personne vivant avec moins d’un dollar par jour, le compte serait bon pour que l’écrasante majorité des Algériens soit déclarée comme vivant sous le seuil de pauvreté. Si on prend l’exemple d’une petite famille de cinq personne, et l’on prend la valeur la plus stable du dollar par rapport au dinar valable pour les deux dernières années (70 DA pour 1$), il en résulte que cette famille devrait avoir un revenu minimum de 12 000 DA par mois. C’est le seuil de pauvreté correspondant à sa taille.
De nouvelles grilles d’analyse
Ce critère adopté par la Banque mondiale s’applique plutôt à une situation idéale dont il reste à définir le niveau de vie ciblé. C’est pourquoi son utilisation est sujette à réserves de la part de certains spécialistes en économie de développement.
Le taux de chômage, à lui seul, n’explique pas non plus la dimension de la pauvreté. Actuellement revu à la baisse dans notre pays- moins de 12 % pour les statistiques officielles, ce phénomène quantifiable ne permet pas, à son tour, de quantifier la pauvreté et de l’appréhender dans sa dimension dramatique. Cela est d’autant plus vrai que plusieurs chefs de ménage déclarés comme étant employés ne possèdent pas les ressources nécessaires pour vivre décemment, scolariser leurs enfants, avoir des loisirs, se soigner, se chauffer,…
A ce niveau, on peut faire une jonction avec la définition de la Banque mondiale sans la prendre, en valeur absolue, comme argent comptant. Pour mieux approcher cette dure réalité, c’est le PNUD (Programme des nations unies pour le développement) qui a instauré, au début des années 1990, une autre ‘’échelle’’ de mesure sous le concept générique d’Indice de développement humain (IDH). Les Indicateurs de développement humain retiennent trois composantes : la longévité, le savoir et le niveau de vie. Ils permettent de classer les pays selon une nouvelle grille plus “humanisée’’, en tout cas plus réaliste que les simples indicateurs de la performance économique des pays considérés. Il s’agit de “pallier les insuffisances d’une approche en termes de revenus par habitant’’. Dans ce contexte le développement humain est défini comme un développement donnant aux hommes la liberté d’utiliser pleinement leurs capacités dans tous les domaines : économique, social, culturel et politique. Donc, en plus de l’appréciation quantitative, qui demeure non seulement valable mais indispensable, la classification par les IDH introduit la vision qualitative qui exprime mieux les contrastes liées au niveau de vie et au mode de vie des populations. l’Algérie est classée 102e en matière de développement humain. Le rapport annuel du PNUD publié à Genève et relatif aux données de l’année 2006, confère un Indice de développement humain de 0,72 à notre pays. Cet indice est un “agrégat’’ qui récapitule les données relatives à l’espérance de vie à la naissance (71 ans pour l’Algérie), le taux d’alphabétisation des adultes (70%) et le niveau de vie (PIB/habitant : de 73 dollars). Cette forme d’évaluation sociale concerne 177 pays.
Les échelles de la pauvreté
La pauvreté absolue implique que les ressources ne permettent pas la couverture des besoins jugés essentiels à l’époque considérée. Elle se mesure généralement par rapport un “panier’’ (échantillon) de biens considérés comme vitaux ; tandis que la pauvreté relative est mesurée par rapport à un niveau de revenu donné. Cette pauvreté peut rassembler aussi bien des personnes ou ménages ne vivant que des prestations sociales (pensions) ou des personnes travaillant mais ne recevant que des revenus faibles. Le prix Nobel d’économie 1998, Amartya Sen, définit la pauvreté par rapport à la capacité de l’individu : " Être relativement pauvre dans un pays riche constitue un grand handicap, du point de vue des capacités, même lorsqu’on dispose d’un revenu élevé, au regard des normes internationales. " Pour participer à la vie communautaire, il faut parfois satisfaire à certaines exigences en matière d’équipements techniques.
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