Annonce

Réduire
Aucune annonce.

Les femmes victimes de la montée de l'intolérance en Inde

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • Les femmes victimes de la montée de l'intolérance en Inde

    Le 24 janvier, cinq femmes ont été violemment agressées par des membres du groupe extrémiste hindou Sri Rama Sene [L'armée du seigneur Ram] dans un pub de Mangalore, dans l'Etat du Karnataka, dans le sud du pays [accompagnées de garçons et en train de boire de l'alcool, elles ont été accusées d'avoir une attitude "immorale"].

    Cette attaque n'était pas uniquement dirigée contre ces cinq femmes, mais contre toutes les femmes indiennes, contre la société et contre la "culture" indienne, quelle que soit sa définition. Ce n'est pas la première fois qu'un tel incident survient. Les précédents ne manquent pas dans la région de Mangalore et dans le reste du pays.

    A présent, il faut nous interroger sur la signification de ces violences et nous demander ce qu'elles révèlent de notre société, de notre gouvernement et de nos politiques. Pourquoi la transmission des "traditions" et des "valeurs culturelles" est-elle à la charge exclusive des femmes ? Les hommes, par leur comportement, ne portent-ils aucune responsabilité dans la déliquescence de notre "culture" ? Et à quoi correspond exactement cette culture "hindoue" ou "indienne" que les membres du Sri Rama Sene prétendent vouloir défendre? La maltraitance des femmes en public fait-elle partie de la culture indienne ? Est-ce dans notre culture d'accepter que des femmes meurent en couches sans ressentir la moindre colère face aux injustices de notre société ?

    La véritable raison derrière ces attaques, c'est que les hommes comme les militants du Sri Rama Sene ne savent rien de ce qu'on appelle "culture". Ils représentent une mentalité primitive et patriarcale fondée sur l'idée de contrôle, notamment des femmes. Alors que de plus en plus de d'Indiennes sont scolarisées, deviennent économiquement indépendantes et font leurs propres choix de vie, y compris dans les petites villes, notre version hindoue des talibans se sent émasculée. Ils perdent le contrôle. Comment le reprendre ? En s'illustrant par des scènes d'intolérance et de violence publiques. "Que font des femmes dans un pub ?" a déclaré le fondateur du Sri Rama Sene, Pravin Valke, aujourd'hui âgé de 40 ans. "Ne devraient-elles pas plutôt apprendre à faire des chappatis [galettes indiennes] ? Les bars et les pubs devraient être réservés aux hommes."

    Cette déclaration est révélatrice de l'état d'esprit de ces hommes qui prétendent parler au nom de la culture. Les femmes devraient rester à la maison à faire des chappatis pendant que les hommes iraient boire, violer et maltraiter des femmes, tromper, tuer et faire tout ce qui leur plaît. Ainsi, notre "culture" serait préservée ! Les hommes redoutent l'indépendance des femmes car elle défie leur autorité. Mais ils craignent encore plus leur sexualité, c'est pourquoi les fondamentalistes tiennent tellement à la contrôler. A l'heure où notre société traverse de profonds bouleversements économiques et sociaux, nous devrions voir se multiplier les prétendus "défenseurs de la culture" hindoue, indienne ou régionale.

    L'incident de Mangalore soulève également de profondes interrogations sur notre gouvernement. Pourquoi les responsables politiques restent-ils les bras croisés ? Dans le Karnataka, le BJP (Parti du peuple indien, nationaliste hindou) ne s'en prendra pas à ses frères d'armes [comme le Sri Rama Sene]. Car c'est avec leur appui que le parti a progressivement consolidé sa base, notamment dans le Karnataka [qu'il gouverne depuis mai 2008]. A y regarder de plus près, pratiquement aucun homme politique ne présente plus qu'un vernis de modernité, à peine suffisant pour cacher un être profondément conservateur, tremblant à l'idée de pouvoir blesser la sensibilité culturelle d'un électeur et de perdre son suffrage. Même les partis qui ne se réclament pas du nationalisme hindou craignent d'être considérés comme des "traîtres" à leur culture et n'osent plus défendre les droits des citoyens dans une société démocratique.

    Le Sangh Parivar [la "famille" du Sangh, qui regroupe les organisations nationalistes hindoues] ne gouverne peut-être pas toute l'Inde, mais ses objectifs culturels semblent avoir été atteints. Si des millions de femmes indiennes se voient privées du droit de jouir de la liberté et de l'indépendance que leur ont apportées l'éducation et le développement économique par des hommes qui veulent les ramener à la prison de la domesticité, alors notre politique de développement perd toute raison d'être.


    Par Kalpana Sharma The Hindu, Courrier International
Chargement...
X