Quelques semaines avant l'élection présidentielle de 2004, Donald Rumsfeld, alors ministre de la Défense, avait fait une apparition au Conseil des relations étrangères à New York. A la fin de son discours, où il avait fait le point sur la guerre contre le terrorisme, un jeune homme en costume trois pièces lui avait demandé poliment : "Monsieur le ministre, votre carrière est impressionnante tant au sein qu'à l'extérieur du gouvernement. Par conséquent, vous jouissez d'une grande crédibilité : pourriez-vous donc nous donner votre définition du mot accountability [obligation de rendre des comptes ou responsabilisation] ?" Donald Rumsfeld, l'air perplexe, lui rétorqua : "Vous voulez parler de responsabilité ?" "Non", a repris poliment mais fermement le jeune homme. "Je veux parler de la notion d'obligation de rendre des comptes." "Je ne sais pas si je vais en être capable", lui a répondu le ministre. Il a commencé par broder sur des platitudes : l'équilibre des pouvoirs, la transparence, les devoirs des individus. Pour conclure, il a déclaré qu'il fallait "mettre en place une série de mesures pour que les personnes soient tenues responsables de leurs actions".
Aujourd'hui, alors que Rumsfeld et son ancien patron, George W. Bush, attendent le verdict de l'Histoire, la question de la responsabilisation est d'une actualité brûlante. Des progressistes rêvent de voir Dick Cheney les menottes aux poignets tandis que des dirigeants de la CIA contractent des assurances afin de se prémunir de poursuites pénales. Selon des avocats et des députés, l'examen de l'ère Bush pourrait prendre trois formes. Par ordre décroissant de déshonneur : la procédure d'impeachment [la procédure de destitution], les poursuites pénales et la mise en place d'une commission d'enquête.
La procédure d'impeachment apparaît, aux yeux d'une majorité à Washington ainsi que chez les avocats et les défenseurs des droits de l'homme, à la fois improbable et peu souhaitable. Même si le sujet est revenu fréquemment sur le tapis au cours des huit dernières années – avec, notamment, les articles d'impeachment contre Bush et Cheney du député Dennis Kucinich –, les dirigeants démocrates ont déclaré que cette éventualité n'était pas "à l'ordre du jour". Elle est actuellement très controversée.
Les poursuites pénales n'ont pas meilleure presse. En Italie, 26 Américains, dont des agents de la CIA, un attaché militaire et plusieurs diplomates, sont poursuivis pour avoir fait transférer l'imam radical Abou Omar en Egypte. Des organisations des droits de l'homme, notamment le Centre pour les droits constitutionnels, se sont associées à des partenaires en Allemagne et en France pour intenter des poursuites contre Rumsfeld pour violation de la Convention contre la torture, des poursuites restées pour l'instant sans effet. Quant à l'avocat britannique Philippe Sand, il a mis en garde le Congrès américain. "Si les Etats-Unis ne le font pas enquêter sur la question de la torture, d'autres pays s'y attelleront", a-t-il déclaré.
L'idée d'entamer des poursuites pénales fait également son chemin aux Etats-Unis. L'ex-ministre de la Justice Michael Mukasey a déjà nommé un procureur spécial pour examiner de plus près les licenciements du ministère de la Justice. Quatre hauts fonctionnaires du ministère, mais aussi Karl Rove [secrétaire général adjoint de la Maison-Blanche de 2001 à 2006] et Harriet Miers [conseillère juridique de Bush de 2001 à 2007], se retrouveraient alors sur le banc des accusés. En septembre 2008, la députée Tammy Baldwin, démocrate du Wisconsin, a proposé une loi sur la responsabilisation de l'exécutif. Elle demande au nouveau président d'"enquêter sur les forfaits présumés de l'équipe Bush-Cheney et, en cas d'action illégale, de leur demander des comptes". Si le projet de loi de Mme Baldwin était adopté, le Congrès devrait nommer un procureur spécial qui devrait envisager la possibilité de poursuites judiciaires – les précédents historiques de ce genre ne manquent pas.
.................................................. .........courrier international
Aujourd'hui, alors que Rumsfeld et son ancien patron, George W. Bush, attendent le verdict de l'Histoire, la question de la responsabilisation est d'une actualité brûlante. Des progressistes rêvent de voir Dick Cheney les menottes aux poignets tandis que des dirigeants de la CIA contractent des assurances afin de se prémunir de poursuites pénales. Selon des avocats et des députés, l'examen de l'ère Bush pourrait prendre trois formes. Par ordre décroissant de déshonneur : la procédure d'impeachment [la procédure de destitution], les poursuites pénales et la mise en place d'une commission d'enquête.
La procédure d'impeachment apparaît, aux yeux d'une majorité à Washington ainsi que chez les avocats et les défenseurs des droits de l'homme, à la fois improbable et peu souhaitable. Même si le sujet est revenu fréquemment sur le tapis au cours des huit dernières années – avec, notamment, les articles d'impeachment contre Bush et Cheney du député Dennis Kucinich –, les dirigeants démocrates ont déclaré que cette éventualité n'était pas "à l'ordre du jour". Elle est actuellement très controversée.
Les poursuites pénales n'ont pas meilleure presse. En Italie, 26 Américains, dont des agents de la CIA, un attaché militaire et plusieurs diplomates, sont poursuivis pour avoir fait transférer l'imam radical Abou Omar en Egypte. Des organisations des droits de l'homme, notamment le Centre pour les droits constitutionnels, se sont associées à des partenaires en Allemagne et en France pour intenter des poursuites contre Rumsfeld pour violation de la Convention contre la torture, des poursuites restées pour l'instant sans effet. Quant à l'avocat britannique Philippe Sand, il a mis en garde le Congrès américain. "Si les Etats-Unis ne le font pas enquêter sur la question de la torture, d'autres pays s'y attelleront", a-t-il déclaré.
L'idée d'entamer des poursuites pénales fait également son chemin aux Etats-Unis. L'ex-ministre de la Justice Michael Mukasey a déjà nommé un procureur spécial pour examiner de plus près les licenciements du ministère de la Justice. Quatre hauts fonctionnaires du ministère, mais aussi Karl Rove [secrétaire général adjoint de la Maison-Blanche de 2001 à 2006] et Harriet Miers [conseillère juridique de Bush de 2001 à 2007], se retrouveraient alors sur le banc des accusés. En septembre 2008, la députée Tammy Baldwin, démocrate du Wisconsin, a proposé une loi sur la responsabilisation de l'exécutif. Elle demande au nouveau président d'"enquêter sur les forfaits présumés de l'équipe Bush-Cheney et, en cas d'action illégale, de leur demander des comptes". Si le projet de loi de Mme Baldwin était adopté, le Congrès devrait nommer un procureur spécial qui devrait envisager la possibilité de poursuites judiciaires – les précédents historiques de ce genre ne manquent pas.
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