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Chronique d'une victoire annoncée

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    Lever de rideau sur la farce

    Sans coup férir, l’apparition tant attendue du «grand frère», jeudi, fera des émules dans les jours qui viennent. L’impression de cauchemar orwelien qui se dégageait de cette indécente mise en scène n’en sera que plus accrue lorsque tous les burlesques «Marx Brothers», promus candidats, se manifesteront.

    Au nom du même slogan, célébrant sans vergogne la liberté et la démocratie, ensemble ils caresseront dans le sens du poil un peuple déjà heureux afin de l’inviter à ne pas aller à la pêche le 9 avril. Ou bien à ne pas bricoler dans son pavillon ce jour-là ni pique-niquer sous le réchauffant soleil du printemps. Ils lui demanderont de sacrifier, pour une fois, ces plaisirs habituels juste le temps d’aller aux bureaux de vote confirmer l’état de grâce dans lequel baigne une patrie à nulle autre prospère et équitable. Certifiée journée nationale du civisme, le 9 Avril sera bientôt consacré date historique par les hauts-parleurs de la propagande des urnes, les affiches sur les murs, les SMS expédiés sur les portables et, naturellement, à travers les spots d’une télévision aux ordres. Une opération de pédagogie citoyenne financée par les économies d’un peuple heureux.

    Trop heureux même et gâté jusqu'à l’excès au point de ne plus faire cas de son devoir élémentaire. Il n’y aura donc qu’eux, c'est-à-dire le harem du «grand frère» et les «Max Brothers» en goguette, pour nous expliquer que notre abstentionnisme électoral est d’un genre différent de ceux des autres nations. Et qu’il a pour origine d’autres raisons que la défiance, que l’on suppose, mais son contraire ! Le signe paradoxal de l’estime muette accordée à la conduite éclairée du pays et une confiance aveugle dans les dirigeants en place au point que l’on ne veuille ni en changer ni les confirmer par la corvée des urnes. Bien plus que les réseaux de l’Alliance, ce sont les lièvres et la hase (c’est ainsi qu’est désignée la femelle des premiers) qui vont surenchérir sur le sujet.

    Les Touati, Rebaïne, Mohamed Saïd et Louisa Hanoune se feront, pour l’occasion, vertueux jusqu'à l’humilité pour convaincre un électorat paresseux du bien-fondé de la chose. Alors chacun et chacune, à sa manière, narrera la fable de la participation. Fawzi Rebaïne, plus opportuniste que tribun, bafouillera sa répartie quand l’insupportable Touati se répandra en solutions améliorant la rente des enfants de chouhada et moudjahidine. Et puis la divagante diva entrera en scène. Louisa soufflera dans ses traditionnelles baudruches idéologiques et parlera des lendemains magiques qui nous attendent. Elle nous contera fleurette lors de ses meetings comme une bonne berceuse en service commandé.

    Il est vrai que depuis le temps qu’elle existe dans le paysage politique elle a fini par être le bon alibi du régime. Moins connu, par contre, Mohamed Saïd est un prédicateur doucereux. Homme de foi mais de peu de convictions, il découvre les bienfaits de la proximité du pouvoir. Ayant compris que ce n’est jamais la girouette qui est en cause mais le vent qui change, il délaissa le parrainage compromettant de Taleb Ibrahimi pour se mettre au service de la cause électorale d’un président. En commun, ces exemplaires lièvres, n’ont qu’un seul souci : faire la courte échelle au «grand frère» en échange d’avantages matériels ou de futurs recyclages dans l’appareil d’Etat.

    Cependant, au soir du 23 février — date limite du dépôt des candidatures —, quand les cartons de signatures arriveront au Conseil constitutionnel, commencera alors pour eux une attente autrement plus décisive. C’est qu’en haut lieu, l’on est exigeant car l’on voudra, à la fois pulvériser le record de 2004 (80,4%) mais pas contre n’importe qui. Trier dans cette cohorte d’inconnus est nécessaire afin de ne pas rajouter au surréalisme de cette réélection la bouffonnerie de quelques opposants d’opérette.

    Le refus de n’avoir en face que des godillots décidera de leur sort avant même le critère de 75 000 signatures. C’est que la clé d’une bonne élection réside, avant tout, dans l’adhésion de l’électorat au spectacle. Or, n’y a-t-il pas pire repoussoir que la présence de personnages farfelus ? En effet, un déficit de contradicteurs crédibles engendre inévitablement un déficit de votes. A ce sujet l’on a bien entendu, à partir du premier cercle du candidat Bouteflika, des voix affirmer avec arrogance qu’il sera élu quelle que soit la tournure que prendra le scrutin. D’aussi maladroites assertions dénotent d’une inculture politique crasse, voire d’une piètre idée que l’on se fait de la source de toute légitimité.

    Car, même si la Constitution et la loi électorale demeurent muettes sur la notion d’invalidation d’une élection, il reste néanmoins qu’en deçà d’un certain seuil de participation, n’importe quel résultat devient un non-choix. Quand bien même un président aurait raflé 90% des suffrages alors que plus de la moitié du corps électoral se serait abstenue, il ne pourra se prévaloir que d’un demi-fauteuil. Bouteflika, qui connut en 1999 une mésaventure presque similaire n’avait-il pas recouru à l’acte référendaire sous couvert de la loi sur la réconciliation juste pour corriger une contestable légitimité ? Dans le nouveau contexte et comme le relevait récemment un analyste, il lui faudra probablement s’inventer un autre prétexte référendaire après le 9 avril afin de sauver ce 3e mandat dont le pays réel n’en voulait pas. L’on ignore si dans les cabinets conseils qui travaillent pour lui l’on a pris soin de réaliser des sondages pointus sur l’état moral de la société et la cote de popularité du président auprès de la véritable opinion ? Ce que l’on sait par contre et qui est de notoriété publique, c’est la démonétisation de la politique, et de ses professionnels. De nos jours et même parmi le petit peuple, rares sont ceux qui pensent du bien de leurs dirigeants.

    Ni les apothéoses délirantes ponctuant une annonce, ni la disponibilité véreuse de ces piètres candidats, ni même les banderoles qui se déploieront bientôt n’atténueront l’atmosphère de mensonge que le régime a installée. Désormais, le pays sait donner un nom aux responsables de son malheur. Nul doute qu’il leur adressera en ce sens le message qu’il faut en avril. A ce moment-là, le système se contentera de ce fameux tiers-votant (30%) que représentent les bulletins des agents du corps d’Etat et des miliciens (militants disent-ils) des appareils.

    En somme, le Bouteflika dans sa troisième version ne sera probablement qu’un tiers de président après avoir refusé, il y a dix ans, de n’être qu’un ? Il s’en contentera sûrement cette fois-ci. Comme quoi, l’on peut effectivement durer pour peu que l’on corrige à la baisse l’idée que l’on se fait de sa stature historique.

    Par Boubakeur Hamidechi, le soir
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