«O philoi, oudeis philos.» Disais ARISTOTE.
Il n'est même pas sûr que ce soit une phrase d'Aristote. Mais elle traversera l'Histoire, et la philosophie, et l'histoire littéraire. Montaigne, entre mille autres, la reprendra : «O mes amis, il n'y a nul amy.» Ne s'agit-il pas, pourtant, d'une sentence extravagante, d'une formule tournée de telle sorte qu'elle soit indécidable ? A quels amis peut-on annoncer qu'il n'y a pas d'amis ? Et s'adresse-t-on encore à des amis pour leur apporter une nouvelle aussi sombre que celle de leur propre disparition ou de leur inexistence ? Sont-ce de faux amis à qui l'on veut faire comprendre qu'il n'est point un seul ami véritable ? Ou faut-il, dans cette «contradiction performative», comme diraient les linguistes, lire l'expression d'un désir, d'une requête, d'une promesse, d'une prière : il n'y a pas d'amis, nous le savons bien, mais, je vous en prie, faites, mes amis, qu'il y en ait ! Est-ce à dire que la sagesse se meurt de ne plus avoir d'amis ? Qu'il n'y a de vie ?mais quelle folie ! ?que par l'ennemi ?
Jacques Derrida, Politiques de l'amitié. Ed.Galilee,1994
Il n'est même pas sûr que ce soit une phrase d'Aristote. Mais elle traversera l'Histoire, et la philosophie, et l'histoire littéraire. Montaigne, entre mille autres, la reprendra : «O mes amis, il n'y a nul amy.» Ne s'agit-il pas, pourtant, d'une sentence extravagante, d'une formule tournée de telle sorte qu'elle soit indécidable ? A quels amis peut-on annoncer qu'il n'y a pas d'amis ? Et s'adresse-t-on encore à des amis pour leur apporter une nouvelle aussi sombre que celle de leur propre disparition ou de leur inexistence ? Sont-ce de faux amis à qui l'on veut faire comprendre qu'il n'est point un seul ami véritable ? Ou faut-il, dans cette «contradiction performative», comme diraient les linguistes, lire l'expression d'un désir, d'une requête, d'une promesse, d'une prière : il n'y a pas d'amis, nous le savons bien, mais, je vous en prie, faites, mes amis, qu'il y en ait ! Est-ce à dire que la sagesse se meurt de ne plus avoir d'amis ? Qu'il n'y a de vie ?mais quelle folie ! ?que par l'ennemi ?
Jacques Derrida, Politiques de l'amitié. Ed.Galilee,1994
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