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Un congrès médical au pied du Tahat

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  • Un congrès médical au pied du Tahat

    par Farouk Zahi

    Le Boeing 767 des lignes nationales, plein comme un oeuf, s'immobilisait à 23 h de ce mercredi 4 février, sur le tarmac de l'aérodrome Tamanrasset-Aguenar. La Société algérienne d'hypertension artérielle (SAHA) organisait son 7è congrès, véritable gageure s'il en était, il regrouperait près de 450 congressistes venus de tous les horizons.

    Des éminences médicales aussi bien nationales qu'étrangères, italiennes et françaises notamment, faisaient partie de l'équipée. La capitale de l'Ahaggar prendra, pendant trois jours, le « pouls » de l'hypertension artérielle sous tous ses aspects. Reçue en grande pompe au salon d'honneur de l'aéroport par un groupe folklorique et des hôtesses en « tissaghnast » (tenue féminine locale) qui offraient un « chèch » à chacun des membres, la délégation étaient agréablement surprise et touchée par tant d'égards.

    A l'extérieur, une armada de bus attendait les congressistes ; chaque véhicule portait sur un macaron bien en évidence, la destination du gîte de chaque groupe. Le dépaysement est accentué par les noms des hôtels et des relais sahariens qui seront occupés pendant tout le séjour : Tahat, Outoul, Bois pétrifié, le Caravansérail, Timidoi, le Dromadaire, Akar-Akar et le 4/4 et bien d'autres.

    Ceux d'entre l'assistance qui connaissaient Tamanrasset étaient amusés par l'étonnement de ceux qui ne la connaissaient pas, les jeunes notamment qui faisaient de « gros yeux ». L'effet de surprise faisait son oeuvre, d'abord cette lumière profuse vue à travers les hublots. La ville immensément étalée offre une image irréelle dans le noir de la nuit. Un champ lumineux de plusieurs kilomètres carrés illumine le désert, impensable pour une localité située à plus de 1.990 kilomètres de la capitale. Quels sont les moyens mis pour produire cette énergie électrique ? A une encablure de la ville, se trouve la centrale électrique dont les générateurs au fuel ne s'arrêtent jamais. Alimentés par camion-citerne à partir de Hassi Messaoud à 1.400 km d'ici, ils consomment journellement le contenu d'une citerne de 60 m3. On imagine aisément la procession de véhicules mobilisés pour cette seule tâche. Les hébergements dans les relais sahariens constitueront un autre sujet inhabituel et surprenant à la fois. Réalisés en matériaux locaux, « toub » et torchis, ils offrent un espace convivial proche de la simplicité ascétique des monastères : chambres blanchies à la chaux, toit de chaume, parquet de sable ou de mortier de ciment et salles d'eau collectives « nickel ». Toutes les chambres donnent directement sur l'espace extérieur ceint d'une murette et agrémenté par des essences de toutes sortes, du peuplier à l'oranger. Il n'est pas rare de rencontrer au détour d'une allée, une gazelle ou un paon faisant la roue. Le ciel presque transparent, la douce température et l'air sec participent à l'émerveillement du visiteur. Situé à 1.400 mètres d'altitude, le plateau de Tam est un paradis pour les insuffisants respiratoires et les arthritiques ; point d'humidité ni d'insectes nuisants. Le petit déjeuner collectif, pris gloutonnement, renseigne sur « le creux » gastrique généré par l'air vivifiant et le sommeil réparateur, même s'il a été de courte durée.

    La journée du jeudi 5 est consacrée aux visites touristiques, le gros des « troupes » se déplacera à Aballessa, à une centaine de kilomètres ; là où se trouve le sanctuaire de Tin-Hinan reine des Touaregs. Sa légende, assez singulière, la ferait venir du lointain Tafilelt. Au cours de son long périple, elle et son peuple frappés de famine n'auraient dû leur salut que grâce à la perspicacité d'une servante. Celle-ci aurait remarqué une fourmi qui allait engranger un grain de blé dans la fourmilière, faisant rapidement le lien entre le nombre de fourmis et de grains, elle creusera profondément jusqu'à découvrir le « grenier » qui leur permit de survivre à la faim. Ceci pour la légende.

    Un groupe restreint de congressistes fut dirigé sur l'Assekrem dont le plateau culmine à près de 2.500 mètres. L'escalade et la descente motorisées ne sont pas à la portée d'amateurs. Rencontrer le père Edward dans son ermitage et assister au coucher ou au lever du soleil, fait partie du périple sacerdotal. Mis dans le bain, le congrès inaugurait le début de ces travaux le même jour à 17 h au centre universitaire en présence des autorités locales. En dépit du nombre, le bel auditorium rouge pourpre pouvait encore recevoir du monde. L'impeccable insonorisation ne renvoyait pas d'écho et la sonorisation feutrée permettait même de chuchoter et d'être entendu. Le premier volet du programme comporterait les recommandations de la SAHA pour le dépistage, le diagnostic et la prise en charge de l'hypertension artérielle, le deuxième évoquerait HTA et cerveau, le troisième concernera les urgences hypertensives. L'industrie pharmaceutique, fortement représentée, organisera des symposium et des conférences. Et comme à tout seigneur, tout honneur, la communication inaugurale était celle du Pr Mohamed Temmar, qui restituait les résultats d'une enquête sur l'hypertension artérielle lancée en 2001, dans le Tidikelt et l'Ahaggar. Menée en deux phases appelées Oasis I et II, elle doit certainement être la première enquête épidémiologique d'une telle envergure sur le plan national et même africain. Médecin de ville à Ghardaïa, son attention fut attirée par le nombre de patients hypertendus anormalement élevé, et c'est à partir de cette observation que l'idée d'une enquête a germé dans sa tête. Placée sous l'égide de la clinique de cardiologie A du CHU Mustapha dirigée par le Pr A. Merad-Boudia et exécutée sur le terrain par le corps médical autochtone des wilayas de Ghardaïa et de Tamanrasset, cette enquête fera date dans l'histoire de la médecine nationale et de la santé publique. La prise en charge financière de ce 7è congrès, assurée par la quinzaine de laboratoires pharmaceutiques présents dans le hall d'exposition, a été intégrale et sans faille. Le président, le Pr Abdelkrim Berrah, et les membres du bureau de la SAHA, bien que conscients du risque encouru, ont pris sur eux de l'organiser là où les risques d'échec sont plus que probables. Ils n'ont pas relevé le défi avec brio seulement, mais avec le panache en plus. Cette initiative démontre si besoin était, que la « débureaucratisation » demeure sans nul doute, la voie royale de la réussite dans toute entreprise et quelqu'en soit l'envergure. Cette assertion a été d'ailleurs confirmée par le wali de Tamanrasset lors de la séance inaugurale, où il a déclaré que sa circonscription administrative n'a pas consenti un seul centime pour l'organisation de cette rencontre scientifique. Sa participation s'est limitée à l'utilisation à titre contributif des locaux du centre universitaire. Permettez Mr le Wali que l'on vous contredise, sans l'espace offert par cet établissement flambant neuf et très fonctionnel, la rencontre n'aurait jamais pu se dérouler ailleurs dans d'aussi bonnes conditions. Inscrit dans la nomenclature du plan de développement de l'année 2002, l'établissement ouvrait ses portes, il y déjà trois ans, ce qui constitue un record jamais égalé à Tamanrasset et probablement même ailleurs. D'une capacité d'un millier de places pédagogiques, le centre universitaire aura à éviter à une multitude de jeunes étudiants, les affres de l'éloignement et du déracinement. Les anciennes promotions scolarisées au nord du pays ne rendaient visite aux leurs qu'une fois l'an et ce, lors des vacances d'été. Celui qui aura connu Tamanrasset ou y a résidé sera surpris par le bond qualitatif qu'a effectué cette wilaya en une période relativement courte. Mr Mokhtar Zounga, ancien maire et tour-opérateur actuellement, connaissant sa région sur le bout des ongles, est lui-même surpris par ce fulgurant développement. Il affirme qu'à son érection en chef-lieu de wilaya en 1974, la bourgade de Tamanrasset ne comptait que 4.000 âmes à peine ; elle avoisine ou dépasse les 100.000 habitants actuellement. Ses larges boulevards bitumés et abondamment éclairés, ses constructions peu élevées et typiquement sahariennes, feraient pâlir de jalousie, beaucoup de villes réputées et connues pour leur « citadinité ». Le problème de salubrité publique et d'enlèvement des déchets solides a depuis longtemps été évacué. La construction tous azimuts bat son plein. L'immense mosquée en construction et ses deux minarets qui culminent à près de 30 mètres est l'oeuvre de deux frères bienfaiteurs dont l'un a disparu lors du crash aérien de 2003. Quant au projet d'adduction d'eau potable à partir de In Salah sur près de 700 kilomètres ; il est sans nul doute, le projet le plus porteur pour cette région dont la pauvreté en ressources hydriques mettait son existence même en péril. Il sera implanté tout au long du parcours de ce véritable pipe, un chapelet de villages qui viendront animer ces immensités désertiques : «A coeur vaillant, rien d'impossible ! ».

    Le Quotidien d'Oran
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