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Saïd Sadi: "l'Algérie est une pagaille despotique"

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  • Saïd Sadi: "l'Algérie est une pagaille despotique"

    Un point que j'ai retenu de l'interview qu'a accordé Saïd Sadi au quotidien "Le Monde" : la loi de finances 2006 a été établie sur la base du baril à 19 dollars.
    Pourquoi un chiffre aussi bas alors que tous les experts estiment que le prix du baril de pétrole continuera à être négocié au dessus de 50 $ ?

    Je ne vois qu'une seule réponse : l'essentiel de la cagnotte servira à nourrir la corruption et la propagande du pouvoir.

    = Saïd Sadi : "L'Algérie n'est plus une dictature mais une pagaille despotique" =

    Le Monde : Vous êtes président du parti d'opposition Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD). Fin septembre, la population algérienne a approuvé par référendum une Charte pour la paix et la réconciliation nationale, qui assure l'amnistie aux islamistes ayant déposé les armes. Quelle leçon tirez-vous de ce scrutin ?

    Je retiens d'abord la désaffection qui a marqué ce référendum. Il n'y a pas eu plus de 20 % de taux de participation. Mathématiquement, il est impossible, avec le boycottage de l'électorat kabyle, qu'il y ait eu 80 % de votants comme le prétend le pouvoir. Cette fois-ci, l'Algérie profonde n'a pas voté. C'est une nouveauté. La mécanique des services spéciaux algériens n'a pas marché.

    S'agit-il d'une décision globale de ce service ou de l'indiscipline de certains échelons qui ont rompu une chaîne de commandemant jusque-là inébranlable ? La réponse est décisive : tant qu'on n'aura pas réglé le problème du DRS -département de renseignement et de sécurité, ex-sécurité militaire- qui est le coeur du pouvoir, l'Algérie ne s'en sortira pas. Le terrorisme continue et la Charte vise avant tout une révision de la Constitution pour une présidence à vie de M. Bouteflika.

    Le président Bouteflika passe pour avoir réussi à écarter du pouvoir le commandement militaire. Il n'aurait donc rien réglé ?

    En avril 2004, lors de sa réélection, M. Bouteflika a réussi à provoquer un schisme entre le DRS, qui l'a soutenu, et l'état-major. Il a ensuite éliminé les responsables de l'état-major, mais pas le DRS, qu'il garde à son service comme structure de contrôle de la société. En échange, il lui promet une protection sur la scène internationale -au sujet des exactions commises dans les années 1990- . Mais ce n'est pas parce qu'on empêche la justice algérienne de faire son travail qu'on empêchera les investigations internationales.

    Restez-vous hostile à un règlement politique qui prendrait en compte l'islamisme ?

    Ce que je pense, c'est qu'on ne peut pas à la fois brandir le kalachnikov et réclamer de concourir dans un jeu politique légal. Reste que l'islamisme radical est, à mon sens, très minoritaire dans le pays. Il n'y a donc même pas de raison tactique de l'empêcher de s'exprimer.

    Bien cadré par la loi, il y a place pour ce courant que, pour ma part, j'appellerais conservatisme. Mais il faut être clair sur les règles du jeu. Celles-ci doivent être respectées.

    Je ne crois pas à l'avenir d'une société théocratique en Algérie. Je suis originaire d'un village de Kabylie où l'on discute, en ce moment, de la restauration de la mosquée. Eh bien, même cette restauration échappe au chef religieux. Il n'y a jamais eu confusion entre le pouvoir politique et le pouvoir religieux dans les villages. Cessez donc de présenter l'idée de laïcité comme un produit français ! C'est une exigence universelle.

    Les partis islamistes agréés, El-Islah et le MSP, sont-ils attractifs pour la population ?

    Non. Ces partis islamistes font partie de la clientèle du régime. A ce titre, ils ne peuvent être porteurs d'une contestation politique.

    Le régime algérien vous paraît-il stable aujourd'hui ?

    Bien au contraire, il entre dans une phase d'incertitude importante. La classe politique a vieilli. Imaginez un pays avec 75 % de jeunes et qui est géré par des gens en poste depuis un demi-siècle ! Le divorce est d'abord sociologique. Ces dirigeants * qui ont eu le mérite de libérer l'Algérie * n'ont aucune compétence pour construire. M. Bouteflika est un peu la caricature de cette génération.

    Pour ces responsables, le pouvoir n'est pas un moyen au service d'un projet mais une finalité. Le chef de l'Etat n'a ni programme ni vision. Il se méfie de tout et de tous. Il dit tout et son contraire. Nous ne sommes pas dans une dictature mais dans une pagaille despotique, s'abîmant maintenant dans une dérive mystique.

    L'incohérence qui règne actuellement révèle un climat délétère à l'intérieur du pouvoir, à un point jamais observé jusque-là. Il n'y a pas un seul dossier ouvert en six ans et demi * réforme de l'Etat, réforme de la justice, réforme de l'école, etc. * qui ait été achevé.

    Comment jugez-vous la situation socio-économique ?

    Le régime essaie de se défendre en réprimant tout : l'opposition, les syndicats autonomes, la presse, la justice. Il utilise la justice et le fisc comme instruments de répression. La corruption est institutionnalisée. L'arbitraire politique gangrène la gestion économique. La loi de finances de cette année a été établie sur la base du baril à 19 dollars. Or le baril se négocie à 60 dollars. Cela signifie que les deux tiers des recettes en devises de l'Algérie sont gérées dans l'opacité la plus totale. Il n'y a que M. Bouteflika pour croire que l'on peut continuer à gérer l'Algérie comme une république bananière.

    Propos recueillis par Florence Beaugé - Le Monde

  • #2
    cool qu'il ait parlé des syndicats autonomes. On attends avec impatience qu'il signe l'appel...

    Commentaire


    • #3
      au site de l'appel Algérie on a reçu ce contepoint. Je pense que c'est assez intéressant pour être lu...

      Le Quotidien d’Oran -20.10.2005

      La mauvaise conscience des anciens amis du pouvoir Par Abed Charef

      Quand Saïd Sadi se place dans l’opposition, il fait de brillantes analyses. Tout comme Rachid Boudjedra. Mais sont-elles basées sur de vraies convictions ?

      Quand, dans un même élan, l’UGTA redécouvre les travailleurs, Saïd Sadi retrouve l’opposition, et Rachid Boudjedra glorifie les vertus de l’intellectuel indépendant, l’Algérie devient un beau pays. Malgré ses drames, ses larmes, ses échecs, ses crises, elle redevient belle, car pendant un moment, un court moment, elle retrouve quelques règles universelles de fonctionnement de la société. Elle revient à des normes, à des repères connus, identifiables, à un univers où des acteurs politiques et sociaux jouent un rôle conforme à leur vocation, un univers dans lequel le syndicaliste défend les travailleurs, l’opposant critique le pouvoir et en révèle les tares, et où l’artiste, l’intellectuel, l’homme libre, s’accroche aux valeurs éthiques et morales qui fondent son statut.

      Pour l’UGTA, le retour à cette normalité apparente a été trop facile. Il a suffi qu’un représentant du FMI, une blonde, paraît-il, venue d’un pays où il n’existe pas de RND, émette un avis sur le niveau des salaires en Algérie, pour déclencher la colère de la centrale syndicale. L’UGTA a brutalement redécouvert la souveraineté nationale, l’indépendance économique, l’hymne national et la fierté du pays. Le changement a été très brutal, trop brutal pour être honnête.

      Saïd Sadi le confirme d’ailleurs. Dans une de ces formules lourdes de sens, le chef du RCD a déclaré que l’UGTA est « le bras social » du DRS, disqualifiant ainsi totalement la centrale syndicale. Dans une analyse percutante, même si elle est tardive, Sadi relève l’ampleur de la mainmise du DRS sur le pays, ainsi que le changement majeur d’alliances que le référendum du 29 septembre a provoqué dans le pays.

      « Pour la première fois depuis 1962, la Présidence de la République, l’islamisme radical et les services spéciaux constituent le front au pouvoir », a-t-il dit. Depuis la déclaration de Sadi, ce front a été renforcé par le ralliement de Hassan Hattab, l’ancien chef présumé du GSPC.

      Après une alliance d’une quinzaine d’années plus ou moins heureuses avec le pouvoir et son « noyau central », le DRS, Saïd Sadi a donc découvert que « l’armée algérienne n’était ni capable ni disponible pour tolérer, encore moins accompagner un processus de démocratisation ». Paroles d’amant éconduit, ou vraie conviction ? Peu importe. Les propos valent par ces appréciations osées portées sur les décisions du pouvoir et les grandes échéances politiques, comme les élections présidentielles de 2004 et le référendum du 29 septembre. « Le 8 avril 2004, le DRS, encadrant les forces terrestres, a manipulé l’élection de bout en bout. Ce 8 avril a montré que tant que le DRS reste le centre du pouvoir, sans contrôle institutionnel et sans limite de moyens, il est illusoire de vouloir changer quoi que ce soit par une consultation électorale de portée nationale », dit-il, ajoutant que « tant que le système reste verrouillé par les services spéciaux, il n’y aura pas d’élection nationale qui mènera à la démocratie ». On a l’impression que c’est Hocine Aït Ahmed ou Mouloud Hamrouche qui parle.

      Quant au 29 septembre, Sadi en fait une lecture précise. « Ceux qui croient avoir protégé les services spéciaux algériens en décrétant l’immunité se trompent », affirme-t-il. « Il n’y a pas meilleure façon de relancer les investigations internationales que de paralyser la justice nationale », ajoute-t-il, car « aucun pays n’a réglé ce genre de crise par la censure et le reniement ».

      Un timide mea culpa accompagne ce déballage du chef du RCD. Ainsi reconnaît-il à demi-mot avoir joué le jeu, dans les années 1990, en sachant que le pouvoir manipulait les événements. Comme d’autres, qui affirment avoir pour « priorité la stabilité de l’Etat, y compris lorsqu’ils savaient que certains de ses organes manipulaient la crise ». Mais depuis le 29 septembre, estime-t-il, « les mécanismes par lesquels les services spéciaux cadenassaient et embrigadaient la société ont été inopérants », et « le DRS ne peut pas être un substitut viable à l’organisation politique du pays ».

      S’agit-il d’un changement de fond de la part de Saïd Sadi, ou l’expression d’un dépit momentané, d’une brume passagère qui se dissipera sous l’effet de quelques pressions amicales et l’intervention « d’amis communs » ? Les propos, acerbes, laissent supposer que la rupture est consommée. Mais en Algérie, rien n’est définitif. Après tout, Sadi a déjà fait des déclarations très dures envers les services spéciaux par le passé, sans jamais rompre.

      Rachid Boudjedra nous donne peut-être l’explication de cette attirance - répulsion qui fonde les relations de certains intellectuels avec les services spéciaux. A priori, « l’intellectuel est un humaniste qui fonctionne dans l’incompatibilité totale avec le pouvoir politique en place, quelle que soit sa philosophie ou son idéologie », estime Boudjedra. Mais « ces intellectuels sont devenus souvent des jouets de la société du spectacle, donc des médias, donc du pouvoir politique », qui « impose ses règles du jeu et devance l’intellectuel, abasourdi et abattu devant tant de machiavélisme ».

      Cette analyse s’applique-t-elle à Boudjedra lui-même ? Est-il lui aussi tenté par une autocritique, après ce long compagnonnage avec le pouvoir, qui l’a vu entre autres accompagner Khaled Nezzar à Paris lors du procès contre Habib Souaïdia, ce qui ne constitue pas le plus beau symbole de l’intellectuel indépendant ? « Une minorité d’intellectuels arrive à garder une position déontologique et morale acceptable », dit-il. On ne sait si Boudjedra en fait partie, même s’il trouve des excuses à ceux qui se laissent tenter. « Dans nos pays, les intellectuels « rigides » (sont) confrontés à une réalité très dure et plus douloureuse que dans les pays riches », souligne-t-il. Ultime sentence, qui balaie tout reproche, et peut-être tout remord : « L’intellectuel est fragile, en proie à ses doutes et à ses démons. Il est donc un être instable par définition. Tandis que le politique est stable, solide, rusé et capable de s’adapter à n’importe quelle situation prévisible ou inattendue ».

      Rachid Boudjedra en tire une conclusion terrible. « Souvent, le pouvoir politique dissout l’intellectuel dans son système ». Faut-il alors se résigner ? Non, affirme Boudjedra. « L’intellectuel ne peut rester en marge et doit accomplir son intervention sociale », dit-il, avant de conclure par cet appel, ou ce voeu, ou ce regret, on ne sait : « Il faudrait que les intellectuels perspicaces se cramponnent à leur « rigidité ». Plus que jamais ».

      Est-ce à dire qu’ils n’ont pas été suffisamment « rigides » par le passé ? Boudjedra lui-même a-t-il été suffisamment rigide ? S’il ne l’a pas été, il a des excuses. Car, affirme-t-il, « de tout temps et partout, chaque pouvoir politique sait trouver les intellectuels qu’il faut pour lui « fabriquer » sa légitimité de toutes pièces, et en toute mauvaise conscience et mauvaise foi ».

      En fait, tout est là, dans cette dernière phrase de Boudjedra. Il y a aujourd’hui des gens et des groupes qui ont mauvaise conscience, à cause de choix passés. Mais avoir mauvaise conscience à propos du passé suppose, au moins, qu’il n’y a pas de mauvaise foi pour ce qui concerne l’avenir.

      Commentaire


      • #4
        très pertinent

        citation:"Il y a aujourd’hui des gens et des groupes qui ont mauvaise conscience, à cause de choix passés. Mais avoir mauvaise conscience à propos du passé suppose, au moins, qu’il n’y a pas de mauvaise foi pour ce qui concerne l’avenir."

        Cette conclusion est très bien pensée car en effet, beaucoup cherchent une nouvelle virginité dans le seul but de récidiver dans leur besogne d'embrouille.
        Opposer tradition musulmane et modernité occidentale était un jeu auquel beaucoup de pseudo-intellectuels et politiciens ont joué, le tout mené par le pouvoir qui tirait intelligemment les ficelles de deux camps au moins sur le plan idéologique si non plus.

        Une nouvelle donne oblige de nouveaux rôles, de vieux acteurs sont apparemment prêts à se révêtir selon ses nouveau rôles. Mais vieux ou nouveaux acteurs, même ou nouvel acte, la pièce est la même.

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