Annonce

Réduire
Aucune annonce.

Brahim Zniber. Le seigneur des tonneaux

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • Brahim Zniber. Le seigneur des tonneaux

    Par Fahd Iraqi et Wafaa Lrhezzioui
    Brahim Zniber. Le seigneur des tonneaux




    Ses bouteilles sont sur toutes les tables, sa saga familiale (rocambolesque) sur toutes les bouches… Brahim Zniber, un self made man qui s’est construit un empire viticole, est le baron de la ville de Meknès – devenue islamiste il y a peu. Portrait du premier vigneron du royaume, qui a appris à mettre de l’eau dans son vin.


    Meknès, route d’El Hajeb. Pancarte “Domaine Brahim Zniber”. Perdu comme un épouvantail dans un champ, le petit écriteau,

    ostentatoirement modeste, plante le décor. En arrière-plan de la petite chaussée sinueuse, une parcelle de vignes, bordée d’autres propriétés, ne présage pas de l’empire du patron des Celliers de Meknès. Nous sommes sur les terres du premier vigneron du royaume. Kilomètre 20. Panneau sens interdit. Derrière l’entrée gardée par barrière et vigiles, une longue allée dallée, bordée d’orangers et d’oliviers, parfaitement alignés, laisse deviner la somptueuse résidence où se côtoient engins agricoles et voitures luxueuses. Bienvenue au domaine privé d’Aït Harzallah.

    Dans cette hacienda marocaine se terre une des plus grandes fortunes du Maroc. Brahim Zniber a installé dans la demeure familiale le siège de son groupe, Diana Holding, qui compte parmi les grands conglomérats du royaume. 8400 hectares de plantations, 6500 salariés, 2,5 milliards de chiffre d’affaires… Brahim Zniber n’en a pas moins la campagne dans les veines, clame-t-il d’entrée de jeu, comme pour justifier cette vie loin du centre des affaires. Photographe et maquilleuse attitrés, l’octogénaire soigne son image de gentleman farmer. Plus que sa fortune, l’homme a bâti sa réputation sur une activité dans laquelle peu d’entrepreneurs osent se lancer en terre d’islam : la viticulture. Avec une trentaine de marques de vin de table ou de grands crus et 30 millions de cols écoulés chaque année, Zniber domine le marché. Un business que ce patriarche, à la tête d’une tribu d’une vingtaine d’enfants, assume de moins en moins. Fini le temps où le maître des lieux orchestrait volontiers la visite guidée de son château et, comme en 2005, invitait dans ses caves les caméras de l’émission française Saga.

    Ça trinque avec les islamistes…
    Aujourd’hui, à 87 ans, Brahim Zniber peine à montrer les trophées récoltés par ses crus. Seuls éléments de décoration, avec quelques photos officielles, de son bureau champêtre. L’allure toujours fringante, petit mouchoir soigneusement plissé qui dépasse de la poche de sa veste, le milliardaire joue les businessmen discrets. Le magnat de la vigne qui parlait librement de sa “passion” a mis de l’eau dans son vin depuis que Meknès, son fief, est devenue, en 2003, un laboratoire islamiste. Un séisme politique que Zniber cherche malgré tout à minimiser. “Aboubakr Belkora est une connaissance. Nous n’avons jamais rencontré le moindre problème avec lui”, nous affirme-t-il, en parlant du maire pjdiste révoqué, tout récemment, par le ministère de l’Intérieur. Aucune altercation n’a éclaté entre les islamistes et le viticulteur, mais une campagne vise clairement le personnage en 2007, à l’occasion de la première fête des vins organisée par sa société, Les Celliers de Meknès, avec les vignerons de la ville et le Conseil régional du tourisme. “On nous a sollicités pour reconduire cette manifestation, mais j’ai refusé”, explique Zniber.

    L’édition 2008 se tiendra finalement, plus discrètement, à Benslimane, dans les caves de sa société Thalvin, avec une accroche moins charnue : “Rencontre des vignerons et terroirs du monde”. Profil bas pour un homme à la démarche toujours alerte, qui semble concocter un élixir de jouvence. “Un bon verre de vin rouge accompagnant les repas est recommandé par les médecins. C’est l’abus d’alcool qui est nuisible à la santé”, plaide, à force de louvoiement, l’homme qui connaît par cœur tous les hadiths et versets du Coran traitant de l’alcool et qui s’insurge contre leurs interprétations “radicales”. Autre botte secrète de sa bonne forme physique : quelques exercices matinaux dans sa salle de sport privée, suivie de 20 minutes de natation. “Piscines extérieure et intérieure, spa, court de tennis, haras... j’ai tout ce qu’il me faut ici”, détaille Brahim Zniber. Mais avant de suer sur la piste de danse de la discothèque, qu’il a fait construire à domicile, il a sué sur le tracteur qui a fait ce bout de paradis terrestre à partir d’une terre en friche…

    Petit Zniber à Petit Jean
    “C’était la propriété d’un vieux colonel français qui faisait de l’élevage de chevaux et vivait dans une cabane. Il n’y avait même pas de toilettes”, raconte le maître des lieux, qui déniche ce premier lopin de terre, début 1956, grâce à un de ses clients. Le jeune Brahim devient propriétaire et exploitant agricole sans avoir à décaisser le moindre centime. “J’ai bénéficié d’un crédit de la Caisse fédérale pour acheter ce terrain de 740 hectares, et j’ai eu recours à la Compagnie marocaine de crédit et de banque (ancêtre du groupe Wafabank, ndlr) pour acheter le matériel”. Ces facilités de financement, il les doit à la réputation de sa famille et à ses connexions avec les nouveaux dirigeants du Maroc indépendant. “Je n’oublierai jamais ce patron de banque qui m’avait dit que je n’aurais pas eu un sou si je n’étais pas le fils de Taher Zniber”, se remémore-t-il.

    Négociant en céréales et en laine, et surtout un des responsables de la Koutla nationale (ancêtre du Parti de l’Istiqlal), Taher Zniber a installé sa petite famille slaouie de dix enfants à Sidi Kacem, une bourgade à 50 km au nord de Meknès, appelée Petit Jean dans le Maroc des années 1920. “Sur les conseils d’une doctoresse anglaise, mon papa a décidé de quitter Salé alors que j’avais à peine 40 jours”, sourit Brahim Zniber, avant de conter, un brin nostalgique, sa jeunesse dorée au sein de la “bourgeoisie indigène”. Travaillant avec son père dans les céréales, mais aussi pour son propre compte dans le matériel agricole, il fréquente assidûment la communauté française. L’homme s’émeut encore de ses soirées dansantes, au rythme rock’n’roll et aux bras de ses maîtresses blondes. “J’étais jeune et très beau. Mais j’ai encore de beaux restes”, plaisante l’octogénaire à l’œil encore vif.

  • #2
    Le cadet d’une fratrie de 6 garçons et 4 filles baigne dès son jeune âge dans l’univers politique en faisant ses classes chez des leaders emblématiques du mouvement national. “J’ai même fait partie d’une cellule de résistance dont le chef était Mehdi Ben Barka. Une fois j’ai dû fuir précipitamment Sidi Kacem. J’ai échappé de justesse aux mains d’un commissaire français d’une cruauté légendaire que l’on surnommait ‘Mossiba’ (malheur)”. Pour s’évanouir dans la nature, il loue une parcelle dans les environs de Meknès. “C’était un coin perdu : le premier téléphone se trouvait à 16 kilomètres. Ce n’était pas facile. Mon voisin, un colon français, laissait son bétail investir mes terres et brouter ma récolte”, se rappelle Brahim Zniber. Un premier pied à l’étrier, pour mettre en pratique sa brève formation dans l’arboriculture et la viticulture (suivie par correspondance à l’Ecole universitaire de Paris) avant d’accélérer le pas avec le domaine d’Aït Harzallah.

    La bonne fortune de l’indépendance
    En bon self made man, Brahim Zniber va saisir toute opportunité qui se présente. Conscient que les affaires et la politique font bon ménage, il épouse une carrière de syndicaliste. Dès 1956, il accède au conseil d’administration régional de la Caisse nationale du crédit agricole, puis préside aux destinées de quelques groupements professionnels. Deux ans plus tard, en 1958, il est un des fondateurs de l’Union marocaine de l’agriculture. La même année, une loi venant interdire l’accès des étrangers à la présidence de toute association professionnelle lui offre un nouveau tremplin. “A l’époque je ne possédais que quelques vignes, mais j’étais le seul Marocain dans ce domaine. Je suis donc devenu le président des vignerons par défaut”, explique l’homme qui n’a pas lâché ce poste depuis un demi-siècle.

    Zniber, monté en puissance, flirte déjà avec les hautes sphères du pouvoir et est reçu, en 1958, par Mohammed V au palais royal de Rabat. Signe de réussite à une époque où la carte des élites se dessine à peine. Mais au début des années 1960, Brahim Zniber connaît la frayeur de sa vie. La cause : la loi de 1963 limitant l’accès à la propriété. “Le projet parlait initialement de 20 hectares, mais la surenchère de l’opposition a abouti à un maximum de 4 hectares seulement. Je ne savais plus quoi faire de mes 740 hectares”. Providence, cette loi ne sera, finalement, jamais appliquée. En revanche, un autre décret sert bien les affaires du businessman en herbe : la loi sur la récupération des terres des colons permet à l’Etat de mettre la main sur de nombreux domaines. Zniber trouve alors la parade pour s’adjuger une trentaine de caves laissées par les vignerons français.

    Et là encore, il use de ses talents de négociant pour financer cette extension à moindres frais. Avec l’aide du “directeur des terres récupérées”, un poste occupé à l’époque par un certain Abed Yaâcoubi Soussan (actuellement président de la Mutuelle agricole, dont Zniber est évidemment un des plus importants sociétaires), il convainc les pouvoirs publics d’indexer le prix du raisin au prix du vin. Résultat : l’Etat se fait payer des mois après la récolte, quand le carnet de commandes de Zniber est déjà bien rempli. A cette époque, il crée sa première société, Samavin, qui deviendra quelques années plus tard Les Celliers de Meknès. De loin, aujourd’hui, l’entreprise la plus lucrative de son empire.

    Au royaume des bulles
    Avec 2500 hectares de vignes, deux unités de production et de mise en bouteille, Brahim Zniber est le premier vigneron du pays avec… 85% de parts de marché. Il exporte aussi un bon million de bouteilles (4% de sa production) vers l’Europe, les Etats-Unis ou encore le Japon. La clé du succès : une reconnaissance internationale gagnée à mesure des médailles glanées ici et là. “Déjà en 1999, Riad Jamil a décroché le prix d’excellence Civart sur 5200 crus sélectionnés à travers le monde. Je n’oublierai jamais cette soirée à la Tour Eiffel où, avec mon équipe, nous avons fait la fête jusqu’au petit matin”, raconte Zniber tout fier de ses 5 œnologues, dont deux de nationalité marocaine. Pour consolider sa position dans les boissons alcoolisées, le groupe se paye, en 2001, la société Ebertec, avec ses deux filiales bien établies, Thalvin et MR. Renouvo (ex-Martini).

    Avec cette acquisition, le baron de Meknès met non seulement la main sur de nouvelles caves et domaines viticoles, mais devient également le principal négociant en spiritueux au royaume. “Il ne faut pas se leurrer : 90% de nos commandes, hors bières, sont passées auprès des sociétés du groupe Zniber”, rapporte le gérant d’un important débit de boissons. Sa carte des vins propose aussi bien des produits d’entrée de gamme – dont les best-sellers Moghrabi ou Guerrouane – que des marques de qualité supérieure, dont des Appellations d’origine garantie.

    Depuis 2005, Brahim Zniber peut même se targuer de produire la seule Appellation d’origine contrôlée au Maroc : Les Coteaux de l’Atlas. Avec ce saut qualitatif, le groupe entre, par la grande porte, dans le panthéon des vins internationaux. Zniber a même introduit la notion de château, un must dans l’art vinicole, en édifiant un riad des vins pour le vieillissement de ses bouteilles de premier cru. A quelques encablures du domaine Aït Harzallah, le château Roslane est la fierté, aujourd’hui cachée, de Brahim Zniber. Une ancienne bâtisse coloniale a été entièrement rénovée.

    Des jardins ornés de palmiers et de fontaines, une décoration intérieure en hommage à l’artisanat marocain, une bibliothèque des vins millésimés, un chai d’une capacité de 3000 fûts de chêne, une cave de 3 millions de bouteilles couchées, et surtout des installations de vinification des plus sophistiquées. Dernier-né de cette unité high-tech, un vin blanc effervescent lancé en 2007 : La perle du Sud. “C’est notre champagne de Meknès. Je l’ai fait goûter à l’aveugle à un des meilleurs sommeliers au monde. Il l’a classé parmi les meilleurs champagnes”, se gausse Zniber, qui confie déguster son mousseux en apéritif.

    A la conquête de l’or vert
    Aujourd’hui, plus que son château vinicole, Brahim Zniber aime à s’épancher sur son futur château oléicole. “Notre ambition est de produire une huile de table haut de gamme, reconnue de par le monde”. Le groupe réserve d’ailleurs près de 4000 hectares pour investir cette culture. Et là encore, il joue à fond la carte de la modernité avec l’introduction du nec plus ultra du matériel agricole : de la récolte à la trituration. L’arboriculture est aussi dans les palettes de Diana Holding. Des fruits en tout genre estampillés Domaine Brahim Zniber (ou encore de ses autres marques Your ou Agad’or), inondent, à coups de dizaines de tonnes chaque jour, les marchés de gros du royaume.

    Commentaire


    • #3
      Pépinières, plantes médicinales, agrumes, élevage, unité de compostage...?le groupe, avec sa vingtaine d’ingénieurs agronomes, peut se vanter d’avoir intégré toute la filière agricole. “Le meilleur moyen de réussir dans l’agriculture est d’être en amont comme en aval du secteur”, analyse Brahim Zniber. L’homme tient aussi à la diversification des activités de son groupe. Diana Holding compte deux unités d’embouteillage de Coca Cola à Tanger et Oujda, Zniber ayant même refusé une offre alléchante du groupe Castel. “J’ai mis la barre très haut. Je me suis payé les services d’un cabinet de conseil américain pour conduire les tractations”, lance-t-il, d’un ton un tantinet vantard. Dans son portefeuille, le businessman met aussi de côté des “petits” paquets d’actions dans des banques et des assurances (la Société générale marocaine de banques et RMA Watanya), où il est administrateur depuis toujours. Ces participations remontent aux années 1970, une époque où Brahim Zniber, comme bien d’autres, surfait sur la vague de la marocanisation.

      Au service de Sa Majesté…
      Au début des seventies, le personnage fait partie de ces notables dévoués corps et âme à la monarchie. Via la Chambre d’agriculture de Meknès, il est propulsé député dans un parlement qui vient de rouvrir ses portes après des années d’état d’exception proclamé par Hassan II. A cette époque, l’exploitant obtient des milliers d’hectares des domaines étatiques pour diversifier son arboriculture. Abricotiers, pistachiers, amandiers, poiriers, pommiers... les plantations Zniber poussent comme des champignons. Le revers de la médaille : la Sodea récupère les caves données en concession une décennie auparavant. “On ne m’a laissé que trois caves”, se rappelle-t-il. Ses vignes résistent bon an mal an, ses cuves continuent à se remplir et ses affaires à fructifier.

      Nouveau grand coup de pouce pour ériger son empire au milieu des années 1990 : Hassan II, outré de l’état de la filière viticole, demande du renfort à son ami Jacques Chaban-Delmas, maire de Bordeaux. Trois grands noms de vignerons français reçoivent alors des terres de l’Etat à travers un partenariat avec la Sodea et la Caisse nationale du crédit agricole. Et lors de ces “vendanges”, Zniber a sa part. “Quelques semaines après la signature de ces accords, Hassan II m’a téléphoné pour me dire : Brahim, je t’ai oublié. Je vais alors te donner 1100 hectares de vignes et tu n’auras pas à t’associer avec les entreprises publiques”, nous narre l’intéressé.

      Le businessman et le roi se sont longuement côtoyés du temps où Zniber se mêlait de politique. “Nous avons beaucoup travaillé avec Sa Majesté quand il s’agissait de la réforme fiscale du début des années 1980, se souvient-il. Nous l’avons rencontré au moins trois fois pour le tenir informé de nos propositions quant à la fiscalité de l’agriculture. Lorsque notre lobby agricole n’a pu convaincre les parlementaires, le souverain a fait son fameux discours de 1984 pour décréter l’exonération du secteur jusqu’en 2010”. Et de renchérir : “Hassan II était un grand roi”. Petits compliments entre grands fellahs…

      Amour, gloire et beauté
      Si le parcours du grand propriétaire terrien fascine, ses frasques privées intriguent. Dans les salons de la capitale ou de la province, la saga familiale des Zniber fait jaser. Surtout cet épisode des années 1980, digne de la série Amour, gloire et beauté, où Brahim Zniber convole avec… l’ex-femme de son frère, la divine “Lalla Rita”. Depuis, il n’a d’yeux que pour sa douce moitié, à qui il ne refuse rien. Vice-présidente de Diana Holding, Rita Zniber y est aussi écoutée que redoutée. Son dernier fait d’armes : avoir fait avorter un projet de golf de neuf trous dans le domaine familial, “parce que ça aurait consommé trop d’eau”. Elle règne également sur la nombreuse descendance, pour le moins “recomposée”, du patriarche. A leur mariage, il avait déjà cinq enfants, elle deux. Et comme si la tribu n’était pas assez nombreuse, Rita, en bonne samaritaine, obtient l’adoption de sept orphelins. “C’est toujours la même chose. Elle craque pour un bébé de sa fondation, alors on finit par l’adopter”, confie Brahim Zniber, qui ne rate pas une occasion de rappeler que “Rita s’occupe de 400 orphelins”.

      Evidemment, avec 20 héritiers, difficile de loger tout le monde à la même enseigne. Certains enfants semblent même être en désaccord idéologique avec le business du patriarche. “Un de ses fils, proche de la Zaouia Boutchichia, a complètement coupé les ponts avec son père”, chuchote une vieille connaissance de la famille. Les grâces et disgrâces des enfants Zniber alimentent les discussions de la bonne société meknassie. “Petits enfants, petits soucis. Grands enfants, grands tourments”, philosophe Brahim Zniber pour résumer sa situation familiale, pour le moins complexe. En homme d’affaires aguerri, il précise que, pour tuer les jalousies dans l’œuf, “l’héritage a déjà été partagé”. Depuis peu, les cinq enfants de sa première épouse, longtemps figures très visibles de la jet set rbatie, ont disparu du paysage mondain. Coup de semonce paternel ? Silence et chuchotements… Les protégés de Rita, eux, sont installés à Paris, Londres ou New-York. Un dauphin, parmi cette noria d’héritiers présomptifs ? Pour l’instant, Leyth, 26 ans, l’aîné des six enfants de Rita, semble tenir la corde.

      Mais l’heure de la relève n’a pas encore sonné. Le jeune homme, seul Zniber de la seconde génération à travailler avec son père (après la présence dans le staff dirigeant du groupe, il y a quelques années, de Réda, neveu et beau-fils de Brahim) n’est pas, pour l’heure, aux avant-postes, même si cela devrait logiquement suivre. “Je lui ai demandé de revenir auprès de moi, pour son pays, alors qu’une société américaine lui faisait un pont d’or pour travailler en Chine”, raconte le vieil homme, ravi. Ce n’est pas pour autant que Brahim Zniber, qui va sur ses 88 ans, entend lâcher les commandes tout de suite. Leyth, nous apprend-il, n’accèdera au titre de directeur que “dans deux ans, après un MBA à Harvard”. Le temps d’aménager un nouveau siège social, à Rabat.

      En attendant, Brahim Zniber coule des jours heureux, entre séances de sport matinales et vidéoconférences depuis son bureau avec les responsables de toutes ses sociétés. Quelques séjours chez ses enfants à l’étranger agrémentent cette retraite dans son domaine d’Aït Harzallah. “Je suis également souvent sollicité pour faire visiter notre château Roslane à différentes délégations”, conclut-il. Une vraie vie de châtelain, digne du premier des vignerons du royaume…

      Commentaire


      • #4
        Politique. Le roi de la cohabitation

        “Si je devais choisir, je voterais USFP”. Révolue l’époque où Brahim Zniber assimilait encore socialistes et communistes. Les temps ont changé, l’USFP (et son ancêtre l’UNFP) n’est plus ce parti “qui a failli priver Zniber de son premier lopin de terre en tentant d’instaurer une limitation d’accès à la propriété”. La vieille rancune est tombée. “L’USFP est devenu un vrai parti social-démocrate”, argumente Zniber, pour mieux justifier ses nouveaux penchants “socialistes”. C’est qu’il a viré de bord, lui, l’ancien Istiqlalien, qui a rejoint et quitté le parti de Allal El Fassi en même temps que toute sa famille. En fait, et bien au-delà de ses convictions politiques du moment, Brahim Zniber a toujours gardé un pied dans l’arène politique via les organisations patronales. Dans les années 1970 et 1980, l’homme enchaîne même deux mandats de député, à une époque où les SAP (sans appartenance politique) dominaient l’hémicycle. C’est la politique, d’ailleurs, qui lui a permis d’approcher le défunt Hassan II. “Je l’ai rencontré à plusieurs reprises, dont une à bord du fameux train royal. Et il a été beaucoup question d’agriculture” , se réjouit l’homme qui a reçu, en 1990, le wissam du mérite alaouite. Depuis, Zniber a pris ses distances. Aujourd’hui, il suit de loin l’évolution de la scène politique sans jamais s’y mêler. Même avec l’arrivée d’un maire PJD (Aboubakr Belkora) à Meknès, il arrive à cohabiter sans problème avec les islamistes. En politique, cela s’appelle “gérer en bonne intelligence”.

        Histoire. Il était une fois le vin (au Maroc)

        Dès l’Antiquité, Phéniciens, Carthaginois et Romains ont trouvé dans l’ensoleillement et la qualité du sol un terroir parfait pour cultiver la vigne. Au Maroc, la véritable histoire viticole commence à la fin du 19ème siècle, quand une épidémie de phylloxéra ravage les ceps français et pousse les vignerons à l’exil. Un peu plus tard, en 1923, une société belge crée le premier domaine dans la région de Benslimane. D’autres viticulteurs français suivent et greffent des cépages européens sur les différents pieds de vigne du royaume. Les vins marocains, exportés en France et réputés pour leur teneur en alcool, servent alors à des assemblages avec la piquette locale. L'indépendance du royaume ne change pas la donne, bien au contraire. Seule l’interdiction, en 1967, de couper les vins européens avec des breuvages étrangers bouleverse le secteur. C’est à cette époque d’ailleurs que Zniber crée sa propre gamme, les fameux Celliers de Meknès. Plus généralement, le secteur se modernise mais les terres viticoles se réduisent, passant de 55 000 ha de vignes sous le protectorat, à 22 000 ha vingt ans plus tard, puis à 12 000 ha au milieu des années 1990. Pour booster la production, l’Etat concède alors à des groupes français (Castel, William Pitters, Clauzel) près de mille hectares de domaines. Pari gagné, les récoltes augmentent malgré la réduction des terres exploitables. Aujourd’hui, la situation est la suivante : Clauzel a cessé son activité et William Pitters se cantonne à l’exportation de vin en vrac. Seul Castel commercialise plusieurs marques (Boulaouane, Bonassia, Halana) sur le marché marocain. Avec ses 1500 ha, le groupe français est le principal concurrent du leader Brahim Zniber, qui a racheté le groupe Ebertec en 2001. Aujourd’hui, la production totale fluctue entre 300 000 et 400 000 hectolitres, composée pour près de 75% de vin rouge, 20% de rosé et gris et 5% de blanc. Des variétés pour tous les goûts et toutes les bourses.

        © 2009 TelQuel Magazine. Maroc. Tous droits résérvés

        Commentaire

        Chargement...
        X