Annonce

Réduire
Aucune annonce.

Politique. La Jamaâ dans l’œil du cyclone

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • Politique. La Jamaâ dans l’œil du cyclone

    Par Rahim Sefrioui
    Politique. La Jamaâ dans l’œil du cyclone
    Au moment où le bras de fer qui l’oppose à l’Etat est au plus fort, Al Adl Wal Ihsane se pose deux questions : est-il temps de basculer en parti politique ? Qui succédera à Abdeslam Yassine ?


    Lundi 9 février. Les autorités locales de Témara, avec tout ce que compte la ville comme services de sécurité, investissent les locaux de l’association Tanouir al Mar’a, une association proche d’Al Adl Wal Ihsane. Motif de la descente ? Cette ONG féminine, qui apprend à ses adhérentes toutes sortes de petits métiers, est dans le collimateur de l’Intérieur pour avoir, entre autres, abrité quelques jours auparavant, et sans l’aval des autorités, des réunions dites de solidarité avec la Palestine. Pas de saisie d’armes ou de manuscrits subversifs au programme. Non, “juste” une rafle policière. Pendant que la police embarque les sympathisants d’Al Adl par dizaines, les insultes fusent, certaines sympathisantes s’évanouissent, les autres crient au scandale. Une fois tout ce beau monde acheminé au poste, la police établit un PV, histoire de collecter un maximum de données sur chaque membre. Même manège mardi 10 février, les forces de l’ordre reviennent à la charge, et embarquent à la pelle. Classique.

    Souriez, vous êtes fichés
    Flash-back. Tout commence au début de l’été 2006, quand les adlistes lancent leurs journées portes ouvertes. Des centaines de membres et de sympathisants d’Al Adl sont arrêtés pour réunion non autorisée. Trois années plus tard, rien n’a changé, la Jamaâ continue d’être prise dans un étroit (et courtois) étau de surveillance. “L’Etat veut disposer de plus de visibilité sur ce mouvement devenu le dernier bastion de la résistance (au régime), ce qui explique l’attention particulière qui lui est portée”, note cet observateur. Et il faut dire que les autorités n’ont pas le temps de s’ennuyer. Dans toutes les villes du pays, et à chaque fois que l’occasion se présente, les fidèles de Cheikh Yassine, noyés dans la foule, donnent de la voix. Exemple : pendant les manifestations (on en compte plusieurs centaines au final) de solidarité avec les populations de Gaza, la Jamaâ organise ses fameuses Wakafat massjidiya (sit-in devant les mosquées après les prières). C’est un fait, la Jamaâ mobilise, et de plus en plus, au point d’être considérée par de nombreux observateurs, comme l’une, sinon la première force politique du pays, devant le PJD, l’Istiqlal et l’USFP réunis…

    D’où la question, à quelques jours du conseil national d’Al Adl, prévu fin février ou début mars : la Da’ira siassiya, cercle politique du mouvement, se muera-t-elle enfin en parti ? “Tout porte à croire qu’Al Adl attend le bon timing pour investir le champ politique. La preuve, dès 2006, tous les membres du cercle politique ont été invités à élaborer un programme politique dans un délai de trois ans”, nous apprend l’islamologue Mohamed Darif. Trois ans, on y est aujourd’hui, et les communales de juin 2009, c’est demain. Certes, Al Adl ne s’est pas encore convertie (en parti), techniquement parlant. Mais les regards sont tournés vers Cheikh Yassine, gourou du mouvement : mettra-t-il de l’eau dans son vin, ou appellera-t-il à un énième boycott des communales ? “Les élections sont de la poudre aux yeux, car on sait qui sont les milieux qui exercent réellement le pouvoir au Maroc”, assène Hassan Bennajeh, secrétaire général de la Chabiba de la Jamaâ.

    Il n’empêche que rien n’est tranché, et la position de la Jamaâ n’est toujours pas claire. Elle est même schizophrène. Avant 2009, et pour tous les rendez-vous électoraux, les fidèles du Cheikh ont distillé des consignes de vote à leurs proches, alors que la position officielle de l’état major d’Al Adl était de bouder les urnes. De même qu’ils continuent de noyauter syndicats et organisations professionnelles, eux qui, officiellement, ont toujours refusé de “jouer le jeu”. Alors ? Pour Hassan Bennajeh, membre du cercle politique, “les élections sont une infime partie d’un tout. Elles sont tributaires également d’une réforme de fond”. Par réforme de fond, entendez refonte des textes constitutionnels…

    Au chat et à la souris
    Le chercheur Mohamed Darif, qui connaît les arcanes de la bande à Yassine, explique : “Quand le cercle politique appelle ses membres à plancher sur une révision de la Constitution. cela sous-entend que la Jamaâ ne rejette pas totalement le texte existant”. Fathallah Arsalane, porte-parole de la Jamaâ, renchérit : “Aujourd’hui, le pays est arrivé à une impasse et nous ne sommes plus les seuls à revendiquer une réforme des textes constitutionnels. Cela dit, nous n’avons que faire de réformes qui déboucheraient sur de simples rafistolages”. Il y a quelque temps, Abdelwahed Moutawakkil, membre influent du Majliss Choura (conseil d’orientation), multipliait les appels à destination des formations politiques du pays, dans le but de rallier les autres forces politiques à son projet de refonte de la Constitution.

    En vain. Aujourd’hui, la donne a changé : un parti comme l’USFP envisage d’associer la Jamaâ au projet de la réforme constitutionnelle. “Oui, c’est un tournant, mais il ne faut pas oublier que le parti socialiste associe pratiquement tout le monde, et pas seulement Al Adl Wal Ihsane, au projet en question” nuance ce dirigeant de l’USFP. Dans tous les cas, il est loin le temps où la Jamaâ faisait office de pestiféré de la classe politique. C’est d’autant plus vrai que l’Etat, et au plus fort de son “combat” contre la Jamaâ, ne s’oppose pas ouvertement à l’idée d’intégrer Al Adl dans le champ politique.

    En attendant que les uns et les autres concrétisent leurs bonnes intentions, on continue de jouer au chat et à la souris. La mise en quarantaine des sites de la Jamaâ (ainsi que ceux de Yassine, père et fille) l’illustre parfaitement. Quand l’Intérieur bloque un lien, les “frères” en créent un autre. Le jeu a démarré avec les manifestations d’Al Adl Wal Ihsane en soutien à Gaza, véritable démonstration de force relayée via le Net, parfois en temps réel, avec photos, communiqués, etc. “Pendant des années, Cheikh Yassine maintenait le contact avec l’ensemble de ses disciples via Internet. Sa fenêtre hebdomadaire, Lika’e Al Ahad (le rendez-vous du dimanche), a été longtemps tolérée par l’Etat”, soupire l’un des disciples du Cheikh, obligé de chercher d’autres liens sur le Net pour pouvoir suivre son “émission” favorite. “Nous n’en voulons pas aux compagnies de télécommunications car elles ne font qu’appliquer les consignes dictées par l’Intérieur”, tonne Hassan Bennajeh, secrétaire général de la Chabiba. Pour lui, les interdictions ont pour objectif de priver la Jamaâ de sa voix, ses relais et sa communication. La “répression” rappelle la censure qui avait frappé, sous le gouvernement Youssoufi, les publications d’Al Adl, dont le journal “Rissalat Al Foutouwa”. Sans oublier les procès intentés aux étudiants affiliés à la Jamaâ, ou les petits tracas régulièrement rapportés par la fille Yassine….

    Le Cheikh est mat ?
    Pendant ce temps, Abdeslam Yassine, 80 ans et toutes ses dents, n’a rien perdu de sa verve. Même malade, serait-on tenté d’ajouter. Il y a quelques jours, il faisait une nouvelle apparition sur Hiwar, une chaîne satellitaire basée à Londres. Interrogé sur le drame palestinien, le gourou d’Al Adl a saisi l’occasion pour dire tout le bien qu’il pensait des chefs d’Etat arabes. Evidemment. Le Cheikh continue, si l’on en croit ses proches, à recevoir chez lui à Rabat, dans sa villa cossue du quartier Souissi. Mais tout cela a valeur d’un écran de fumée, qui masque à peine le vrai débat en interne : qui succédera, un jour, au Cheikh ? “Comment est-ce qu’on pourrait dire qu’un homme, assigné à domicile depuis 1989, puis cloîtré chez lui depuis 10 ans, pourrait continuer de diriger la Jamaâ et tous ses réseaux depuis sa maison ?”, s’interroge d’ailleurs un jeune responsable de la Jamaâ. “Les statuts d’Al Adl Wal Ihsane sont clairs. S’il y a vacance de pouvoir, nous réunirons nos instances de décision et nous procéderons à l’élection d’un successeur”, nous explique-t-on dans l’entourage de Yassine. Nadia Yassine, la fille de son père, Fathallah Arsalane, porte-parole, et plus encore Mohamed Abbadi et Abdelouahed Moutawakil, membres influents du Majliss Choura ou du cercle politique, sont plus que jamais candidats.



  • #2
    Bras de fer. Ça s’exporte bien, merci

    Interdictions, procès en série, harcèlement continu : le dispositif mis en place pour contrer Al Adl Wal Ihsane semble porter ses fruits. Du moins à l’intérieur du pays. La nouveauté, c’est que le “combat” a de plus en plus tendance à s’exporter loin des frontières marocaines. En Europe, la Jamaâ s’attelle à asseoir ses relais et réseaux dans les pays à forte communauté marocaine. Le phénomène s’est même accru au fil du temps. Au point que, en contrepartie, l’une des missions essentielles dévolues aux services de renseignements extérieurs (DGED), qui encadrent déjà la diaspora marocaine à l’étranger, revient à déterminer et suivre à la trace tous les réseaux de la Jamaâ. C’est un autre bras de fer, pas très spectaculaire, mais avec quelques saillies. Il y a quelque temps, les médias officiels ont fait un grand tapage autour de l’arrestation d’une dizaine de Adlistes soupçonnés de terrorisme… en Italie. Faute de preuves, les “coupables” ont été rapidement relâchés et l’affaire a été tout aussi vite oubliée. D’autres affaires similaires, dûment relayées ou exagérées, peuvent surgir d’un moment à l’autre. Parce que, comme nous l’ont confirmé plusieurs sources, le bras de fer en Europe ne fait que commencer.

    © 2009 TelQuel Magazine. Maroc.

    Commentaire

    Chargement...
    X