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La farce aérienne

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    La farce aérienne


    Le rôle de l’aviation dans les conflits modernes s’est constamment accru ces dernières décennies. L’OTAN a même remporté la victoire en Yougoslavie en 1999 par ses seules frappes aériennes. Le succès russe après cinq jours d’opérations en Ossétie du Sud en août 2008, est quant à lui à mettre au crédit des actions décisives des Troupes aéroportées et des forces terrestres. La force aérienne russe n’a de son côté pas été efficace et a subit des pertes trop élevées pour une campagne aussi brève. Ceci résulte à la fois des faiblesses de la force aérienne russe et du fait que la Géorgie a déployé des moyens de défense anti-aérienne relativement denses et modernes.

    Le grandes lignes du plan géorgien en Ossétie du Sud étaient de détruire rapidement les forces armées ossètes et de prendre dans la foulée la capitale Tskhinvali de la république bien avant que l’armée russe n’ait le temps de réagir. Tbilissi avait l’intention de frapper les positions des soldats de la paix russes et de l’armée ossète pour paralyser la chaine de commandement dans la nuit du 7 au 8 août. L’objectif suivant était de prendre Tskhinvali le 8 août, d’installer un gouvernement fantoche dirigé par Dmitry Sanakoyev (l’ancien premier ministre sud-ossète promu par le président géorgien au rang de chef de l’Entité administrative provisoire sud-ossète en mai 2007) et de lancer des manifestations pro géorgiennes de masse avec les habitants des enclaves géorgiennes.

    Tbilissi avait de bonnes chances de parvenir à ses fins. Même si Moscou réagissait rapidement (ce fut le cas), la mobilisation des troupes russes n’aurait pas été rapide en raison de la géographie accidentée de la région. Les convois militaires russes devaient en effet passer par le tunnel de Roki, ralentissant leur montée en puissance en termes d’effectifs et de puissance de feu. La force aérienne russe auraient alors du, avec sa capacité de frapper vite et fort, fournir un appui immédiat aux soldats de la paix encerclés et aux groupes armés sud-ossètes peu puissants. Idéalement, l’aviation russe aurait du nettoyer les positions de l’artillerie et des lance-roquettes géorgiens avant la fin du 8 août. Une autre mission urgente aurait été d’attaquer la 4ème Brigade d’infanterie géorgienne qui se ruait sur Tskhinvali.

    L’aviation russe a tenté d’atteindre ces objectifs mais a très rapidement perdu trois avions d’attaque Su-25 abattus par l’artillerie anti-aérienne géorgienne. Après quoi des témoignages affirment qu’il n’y a plus eu d’avions russes au-dessus de Tskhinvali ni le 8 août ni le lendemain i.e. durant toute la période la plus critique du conflit. Le commandement militaire russe a ainsi été forcé d’envoyer dans la bataille des unités motorisées sans avoir acquis la supériorité aérienne en nombre et en puissance.

    Les troupes géorgiennes ont maintenu leur initiative tactique dans les faubourgs de Tskhinvali jusqu’au 9 août et même le 10 août. Ce n’est pas la force aérienne russe qui a cassé l’avance géorgienne mais la résistance des soldats de la paix russes et des petits groupes de résistants sud-ossètes faiblement armés et mal organisés mais qui sont restés pour défendre la capitale. Les principaux soldats sud-ossètes étaient à ce moment regroupés dans le camp de Java au nord de Tskhinvali. Les troupes géorgiennes ont échoué à prendre Tskhinvali essentiellement parce qu’elles n’étaient pas prêtes psychologiquement à des combats urbains difficiles.

    L’incapacité de la force aérienne russe à fournir un appui feu efficace aux troupes terrestres n’est pas seulement du à la défense anti-aérienne géorgienne plus forte que prévue mais aussi au manque de coordination entre les forces terrestres et aériennes russes et à l’absence d’équipements de désignation de cible modernes. Ces deux limitations ont été mentionnées ultérieurement parmi les leçons clés du conflit retenues par le Lieutenant-General Vladimir Shamanov, chef de la direction de l’entrainement au combat des forces armées, qui a servi en Tchétchénie pendant les campagnes de 1995-96 et de 1999-2000. L’inadéquation technologique et l’insuffisance de préparation tactique ne furent très probablement pas les seuls facteurs qui ont conduit à la piètre performance de l’armée de l’air russe. Le transfert de l’aviation légère de l’armée de terre sous commandement de la force aérienne en 2003-04 a certainement joué un rôle également.

    La force aérienne se montra également incapable d’acquérir la supériorité aérienne sur le champs de bataille. Les convois militaires russes avançant sur les routes de montagne sinueuses et étroites étaient totalement exposés aux raids aériens géorgiens. Rien n’indique que les chasseurs russes ont protégé les troupes terrestres. De nombreux rapports affirment par contre que les avions d’attaque Su-25 géorgiens ont été contrés avec des automoteurs d’artillerie anti-aérienne et des missiles sol-air portables. La faible efficacité des raids aériens géorgiens ne résulte que du mauvais entrainement des pilotes. Ceci dit, les Su-25 géorgiens ont continué à tenter d’attaquer les troupes russes jusqu’au 11 août, le dernier jour des combats. Il est totalement incroyable que la force aérienne russe n’ait pas réussi à établir une supériorité aérienne quasiment jusqu’à la fin de cette guerre de cinq jours malgré l’absence de chasseurs dans l’inventaire ennemi.

    Durant le conflit, la force aérienne russe a révélé son incapacité à supprimer la défense anti-aérienne ennemie. Pour être juste, elle n’a jamais eu à faire face à ce type de menace. Les troupes géorgiennes avaient au moins un bataillon (deux selon certaines sources) de systèmes mobiles Buk-M1 (SA-11) relativement modernes, au moins deux bataillons de systèmes mobiles Osa dont 8 Osa-AK (SA-8B) et 6 à 10 Osa-AKM modernisés. L’armée géorgienne a réussi à déployer des défenses anti-aériennes relativement denses dans la zone du conflit ainsi que près des villes géorgiennes de Gori et Tbilissi. Elles ont infligé de lourdes pertes à l’aviation russe dès le premier jour des combats. Jusqu’à quatre aéronefs ont été abattus : un bombardier stratégique Tu-22M3 et trois avions d’attaque Su-25. A la fin du conflit, la Russie avait perdu au moins sept appareils, peut-être plus de 10 si l’on compte ceux qui sont retournés à leur base dans un état irréparable.

    Les défense anti-aérienne géorgiennes ont finalement été détruites par l’infanterie russe. Après la déroute de l’armée géorgienne les 11-12 août, les troupes russes ont saisi au moins six Buk-M1 opérationnels et jusqu’à cinq Osa-AK/AKM intacts. L’une des explications possibles de l’incapacité de l’aviation russe à détruire les défense anti-aériennes géorgiennes est probablement que ses pilotes n’y ont pas été entrainés car ce n’était pas nécessaire durant les campagnes de Tchétchénie. La force aérienne russe s’est aussi retrouvée face à des systèmes anti-aériens bien plus avancés que ceux qu’ont du affronter les pilotes de l’OTAN en Irak et en Yougoslavie (de vieux SA-6 et même des SA-3 totalement obsolètes). Bien que les armements anti-aériens géorgiens soient tombés aux mains de l’infanterie russe, il semblerait que la force aérienne russe a réussi à détruire les radars géorgiens de défense anti-aérienne le 11 août.

    Les seules opérations de l’aviation russe que l’on peut considérer comme modérément réussies furent les frappes contre les bases militaires et centres administratifs. Les dommages causés furent négligeables mais ils ont considérablement démoralisé l’ennemi. Il est clair que des considérations politiques ont restreint l’ampleur des bombardements. La Russie n’a par exemple pas attaqué l’aéroport international de Tbilissi que la Géorgie utilisait pour rapatrier sa 1ère Brigade d’infanterie d’Irak.

    De manière générale, le conflit en Ossétie du Sud a souligné le besoin profond de modernisation de la force aérienne russe. Hormis l’acquisition de nouveaux appareils (principalement multiroles) et la modernisation du parc actuel, elle a besoin d’intensifier son entrainement au combat avec une attention particulière sur la suppression des défenses anti-aériennes ennemies.


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