L'Algérie est dans l’impasse ! Après le casting des figurants pour une mise en scène à intrigues gigognes, mais dont la fin tragique est connue de tous, le Conseil constitutionnel s’apprête à publier son triste palmarès.
A quelques semaines d’un scrutin joué d’avance, les conspirations du sérail prônant des alternatives claniques et régionalistes ont escamoté le nécessaire débat exigé par la clarification des enjeux. Par des fanfaronnades triomphalistes célébrant la «victoire de la réconciliation nationale sur le terrorisme », les gardiens du temple tentent d’occulter la reddition du droit et de la raison devant l’arbitraire et l’intolérance.
Alors qu’il ne cesse de harceler Ali Benhadj, coupable de lui refuser l’allégeance contre une confortable retraite, le pouvoir continue de manifester une étrange mansuétude à l’égard d’assassins bombant le torse, d’imams prêchant le racisme, la violence et la haine, d’agents de l’ordre déguisés en pasdarans, et de magistrats prononçant de terribles fatwas, au mépris des lois de la République. En fermant le jeu politique, en verrouillant les espaces de liberté et en encourageant l’idéologie de la régression, les barons civils et militaires du régime ont réussi un nouveau croche-pied à l’histoire, retardant ainsi l’avènement d’un Etat de droit qui assurerait la sécurité du citoyen et la protection de ses libertés. Ali Benhadj, qui fut le grand inquisiteur du FIS, n’est pas un enfant de chœur. Par sa bénédiction au terrorisme dans ses dérives les plus barbares, il porte une lourde part de responsabilité dans l’avortement d’une démocratie en trompe-l’œil qui a transformé le pays en immense caserne.
Au nom de la défense du «choix du peuple», la fureur intégriste s’était déchaînée contre les civils, coupables de résistance civique face à la fatalité de la régression. «Nouvelles habitudes alimentaires et vestimentaires» dans les «territoires libérés». Assassinats d’intellectuels. Enlèvement et viol d’adolescentes «butin de guerre». Massacres collectifs de Bentalha, de Raïs et d’ailleurs qui n’épargnèrent ni femmes, ni vieillards, ni bébés. Autant de crimes contre l’humanité restés, à ce jour, impunis.
Charia de fait accompli
La lutte contre la barbarie intégriste pouvait-elle pour autant justifier le recours à des moyens barbares ? Si l’Etat avait le devoir impérieux d’assurer la protection des citoyens, la lutte antiterroriste ne pouvait déroger au strict respect de la légalité sans perdre son levier moral. En cautionnant la torture, en occultant les exécutions sommaires, en minimisant les disparitions forcées, en renonçant ainsi aux valeurs fondatrices de leur légitime résistance, les «démocratesrépublicains » se sont tiré une balle dans le pied et conforté les islamistes dans leur imposture victimaire.
Avec une «réconciliation nationale » frelatée, qui a amnistié les criminels et sommé leurs victimes de taire leur douleur, la stratégie officielle a fini par se dévoiler : isoler Ali Benhadj comme abcès de fixation de la peur, livrer la société aux fantasmes d’un islamisme «light» en attendant le pire, et sauvegarder ainsi les positions névralgiques qui garantissent la rente. L’ordre militaro-policier islamisé, comme rempart au désordre intégriste ! Dans ce climat de délabrement éthique, même l’histoire a subi l’outrage des révisionnistes, sans susciter la moindre réaction de la «famille révolutionnaire».
Alors qu’on crache sur la tombe d’Abane Ramdane, qu’on occulte la mémoire de Larbi Ben M’hidi et qu’on enterre dans l’indifférence Lamine Debaghine, mort dans la solitude et l’oubli, les Oulémas, qui n’avaient rejoint le FLN de la guerre de Libération que contraints et forcés, sont célébrés comme les parrains de l’indépendance et imposent, au nom d’une légitimité historique usurpée, leur imprimatur à la vie politique et sociale. Bien silencieux durant les années de terreur et de sang, leur chef de file, Abderrahmane Chibane, homme du sérail autoproclamé muphti de la République, dicte aujourd’hui, avec une désarmante arrogance, ses délirants oukases aux plus hautes autorités de l’Etat.
Ses vociférations contre les «laïcs, agents du néo-colonialisme » sont célébrées par les torchons national-islamistes comme une «forme supérieure de djihad» et ne rencontrent aucune riposte de leurs cibles. Malgré son uniforme religieux, cet apparatchik, qui fut ministre durant la dictature du parti unique, n’est pourtant pas une autorité morale consensuelle à écouter, mais un adversaire idéologique à combattre au nom de la liberté qu’il ne cesse d’agresser, au nom de Novembre que ses congénères avaient dénoncé, et au nom de la Soummam qui les avait contraints à rejoindre la Révolution à reculons. Son sinistre plaidoyer en faveur de la peine de mort aurait contribué au débat contradictoire, s’il l’avait exprimé sereinement comme une opinion personnelle. En prenant Dieu comme bouclier pour dégainer l’excommunication contre «l’apostat» abolitionniste «qui ne peut être enterré dans un cimetière musulman et doit divorcer de sa femme musulmane», le vénérable vieillard commet un appel au meurtre qui, dans un Etat de droit, aurait été passible du code pénal. Si l’éthique dicte le respect pour son âge canonique, la lucidité exige le rejet de ses éructations, même drapées d’un burnous sacré. Par touches successives, cette charia de fait accompli a fini par s’imposer dans nos mœurs, par effraction.
De son poste avancé de chef de gouvernement, Abdelaziz Belkhadem donnait le ton en décrétant, en mai 2008, que le Coran était «la seule Constitution du peuple algérien». Dans les forums juridiques, comme dans les tribunaux chargés de «pourchasser le vice et de promouvoir la vertu», cette propension à appliquer l’arbitraire des hommes au nom de la volonté de Dieu tend à faire jurisprudence, au mépris des principes fondamentaux du droit. Et lorsque des voix outrées tentent une timide résistance, c’est sur le terrain de cette même charia qu’elles contestent l’incompétence… en sciences islamiques » des miliciens chargés de l’appliquer.
Dans ce climat de reddition idéologique, même des militants respectables des droits de l’Homme ont suggéré au Lucky Luke de la fatwa de s’attaquer plutôt «au pouvoir, qui importe des boissons alcoolisées et permet leur consommation». A chacun donc ses hérétiques, pourvu que soit sauve la référence commune à la loi religieuse.
A quelques semaines d’un scrutin joué d’avance, les conspirations du sérail prônant des alternatives claniques et régionalistes ont escamoté le nécessaire débat exigé par la clarification des enjeux. Par des fanfaronnades triomphalistes célébrant la «victoire de la réconciliation nationale sur le terrorisme », les gardiens du temple tentent d’occulter la reddition du droit et de la raison devant l’arbitraire et l’intolérance.
Alors qu’il ne cesse de harceler Ali Benhadj, coupable de lui refuser l’allégeance contre une confortable retraite, le pouvoir continue de manifester une étrange mansuétude à l’égard d’assassins bombant le torse, d’imams prêchant le racisme, la violence et la haine, d’agents de l’ordre déguisés en pasdarans, et de magistrats prononçant de terribles fatwas, au mépris des lois de la République. En fermant le jeu politique, en verrouillant les espaces de liberté et en encourageant l’idéologie de la régression, les barons civils et militaires du régime ont réussi un nouveau croche-pied à l’histoire, retardant ainsi l’avènement d’un Etat de droit qui assurerait la sécurité du citoyen et la protection de ses libertés. Ali Benhadj, qui fut le grand inquisiteur du FIS, n’est pas un enfant de chœur. Par sa bénédiction au terrorisme dans ses dérives les plus barbares, il porte une lourde part de responsabilité dans l’avortement d’une démocratie en trompe-l’œil qui a transformé le pays en immense caserne.
Au nom de la défense du «choix du peuple», la fureur intégriste s’était déchaînée contre les civils, coupables de résistance civique face à la fatalité de la régression. «Nouvelles habitudes alimentaires et vestimentaires» dans les «territoires libérés». Assassinats d’intellectuels. Enlèvement et viol d’adolescentes «butin de guerre». Massacres collectifs de Bentalha, de Raïs et d’ailleurs qui n’épargnèrent ni femmes, ni vieillards, ni bébés. Autant de crimes contre l’humanité restés, à ce jour, impunis.
Charia de fait accompli
La lutte contre la barbarie intégriste pouvait-elle pour autant justifier le recours à des moyens barbares ? Si l’Etat avait le devoir impérieux d’assurer la protection des citoyens, la lutte antiterroriste ne pouvait déroger au strict respect de la légalité sans perdre son levier moral. En cautionnant la torture, en occultant les exécutions sommaires, en minimisant les disparitions forcées, en renonçant ainsi aux valeurs fondatrices de leur légitime résistance, les «démocratesrépublicains » se sont tiré une balle dans le pied et conforté les islamistes dans leur imposture victimaire.
Avec une «réconciliation nationale » frelatée, qui a amnistié les criminels et sommé leurs victimes de taire leur douleur, la stratégie officielle a fini par se dévoiler : isoler Ali Benhadj comme abcès de fixation de la peur, livrer la société aux fantasmes d’un islamisme «light» en attendant le pire, et sauvegarder ainsi les positions névralgiques qui garantissent la rente. L’ordre militaro-policier islamisé, comme rempart au désordre intégriste ! Dans ce climat de délabrement éthique, même l’histoire a subi l’outrage des révisionnistes, sans susciter la moindre réaction de la «famille révolutionnaire».
Alors qu’on crache sur la tombe d’Abane Ramdane, qu’on occulte la mémoire de Larbi Ben M’hidi et qu’on enterre dans l’indifférence Lamine Debaghine, mort dans la solitude et l’oubli, les Oulémas, qui n’avaient rejoint le FLN de la guerre de Libération que contraints et forcés, sont célébrés comme les parrains de l’indépendance et imposent, au nom d’une légitimité historique usurpée, leur imprimatur à la vie politique et sociale. Bien silencieux durant les années de terreur et de sang, leur chef de file, Abderrahmane Chibane, homme du sérail autoproclamé muphti de la République, dicte aujourd’hui, avec une désarmante arrogance, ses délirants oukases aux plus hautes autorités de l’Etat.
Ses vociférations contre les «laïcs, agents du néo-colonialisme » sont célébrées par les torchons national-islamistes comme une «forme supérieure de djihad» et ne rencontrent aucune riposte de leurs cibles. Malgré son uniforme religieux, cet apparatchik, qui fut ministre durant la dictature du parti unique, n’est pourtant pas une autorité morale consensuelle à écouter, mais un adversaire idéologique à combattre au nom de la liberté qu’il ne cesse d’agresser, au nom de Novembre que ses congénères avaient dénoncé, et au nom de la Soummam qui les avait contraints à rejoindre la Révolution à reculons. Son sinistre plaidoyer en faveur de la peine de mort aurait contribué au débat contradictoire, s’il l’avait exprimé sereinement comme une opinion personnelle. En prenant Dieu comme bouclier pour dégainer l’excommunication contre «l’apostat» abolitionniste «qui ne peut être enterré dans un cimetière musulman et doit divorcer de sa femme musulmane», le vénérable vieillard commet un appel au meurtre qui, dans un Etat de droit, aurait été passible du code pénal. Si l’éthique dicte le respect pour son âge canonique, la lucidité exige le rejet de ses éructations, même drapées d’un burnous sacré. Par touches successives, cette charia de fait accompli a fini par s’imposer dans nos mœurs, par effraction.
De son poste avancé de chef de gouvernement, Abdelaziz Belkhadem donnait le ton en décrétant, en mai 2008, que le Coran était «la seule Constitution du peuple algérien». Dans les forums juridiques, comme dans les tribunaux chargés de «pourchasser le vice et de promouvoir la vertu», cette propension à appliquer l’arbitraire des hommes au nom de la volonté de Dieu tend à faire jurisprudence, au mépris des principes fondamentaux du droit. Et lorsque des voix outrées tentent une timide résistance, c’est sur le terrain de cette même charia qu’elles contestent l’incompétence… en sciences islamiques » des miliciens chargés de l’appliquer.
Dans ce climat de reddition idéologique, même des militants respectables des droits de l’Homme ont suggéré au Lucky Luke de la fatwa de s’attaquer plutôt «au pouvoir, qui importe des boissons alcoolisées et permet leur consommation». A chacun donc ses hérétiques, pourvu que soit sauve la référence commune à la loi religieuse.
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