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Abdelfattah Kilito, Tu ne parleras pas ma langue

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  • Abdelfattah Kilito, Tu ne parleras pas ma langue

    Tu ne parleras pas ma langue d’Abdelfattah Kilito : une réflexion sur la rencontre des cultures

    La langue n’est pas qu’un simple moyen de communication. Un système de signes linguistiques, oui, mais pas seulement. Un système de références culturelles et identitaires surtout. Quand on apprend une langue, on ne fait pas qu’écouter et parler avec l’autre, mais on accède à sa culture, sa vision de voir le monde, à tout ce qui fonde son identité. C’est ainsi qu’on peut dire que les réflexions qui se fondent sur «la langue» sont vastes.

    Des réflexions auxquelles diverses questions peuvent être reliées. Peut-on maîtriser plusieurs langues en même temps ? Peut-on réellement maîtriser une langue ? Quel rapport peut-on avoir avec une langue qu’on a parfaitement intégrée dans son esprit mais qui en réalité n’est pas la nôtre ? Qu’est-ce qu’une langue maternelle ? Et comment entre-t-on dans la langue de l’autre ? Comment l’autre perçoit-il le fait de nous voir s’approprier sa langue ? Autant de questions passionnantes sur lesquelles aucune réponse catégorique ne peut être formulée mais que les linguistes, les sociologues ou encore les philosophes se plaisent tout de même à commenter à souhait.

    Abdelfattah Kilito, professeur à la faculté des lettres de Rabat en fait partie. Dans un essai publié en 2008 chez l’éditeur constantinois Média-Plus, Tu ne parleras pas ma langue, l’universitaire marocain aborde la question des langues en brassant plusieurs points de vue (littéraire, historique, culturel…) en juxtaposant des modèles arabes et de grandes figures occidentales de la littérature universelle. Le tout, accompagné de commentaires qui reviennent sur la rencontre de la culture arabe et du monde occidental, une problématique ancestrale qui continue en cette période de mondialisation déconcertante à se poser avec acuité.

    Abdelfattah Kilito n’hésite pas à confronter la mémoire littéraire arabe à celle des Européens.

    Pour Abdelfattah Kilito, «il est évident que la mémoire littéraire est différente chez l’Arabe et l’Européen. Dans les deux cas, elle se réfère à une origine, à un point de départ, et s’appuie sur une certaine notion de l’espace et du temps. La mémoire de l’Européen se réfère à Athènes, et celle de l’Arabe au désert. D’un autre côté, si nous prenons en considération l’élément linguistique, la mémoire de l’Arabe paraît plus longue que celle de l’Européen : elle traverse quinze siècles […] tandis que la mémoire de l’Européen ne dépasse pas cinq siècles.»Les réflexions de l’auteur s’impriment au fil des pages à travers de nombreuses références aux grands écrivains classiques arabes, El Manfalouti, Hamadhani, Jahiz, Averroès, Ahmad Fâris Shidyaq, et bien d’autres…

    Ainsi, l’essai se segmente en sept parties : «Dans le miroir, Le traducteur, Méprise, Entre mouvement et repos, Les images, Assis entre deux chaises, Défense de parler ma langue». Une centaine de pages pour raconter la rencontre des cultures, et amener à réfléchir sur tout ce que peut représenter le fait de parler la langue de l’autre…

    Abordant la question de la traduction en s’appuyant sur une culture littéraire riche et ouverte sur toutes les langues, Abdelfattah Kilito nous interpelle dans un style pointilleux et subtil pour mieux cerner les attitudes, actuelle et passée, des Arabes à l’égard de leur langue et de celle des autres.

    Extrait

    «Je me rappelle pas qui a dit (j’aimerais bien l’avoir dit moi-même) : ‘‘Nous sommes les hôtes de la langue.’’ Cette jolie formule veut dire que nous résidons et jouissons des biens abondants qu’elle nous prodigue. Et naturellement, nous observons, au cours de notre séjour en son espace, c’est-à-dire, toute notre vie, les bonnes manières que le bénéficiaire de l’hospitalité est tenu de respecter. Mais j’imagine parfois que c’est le locuteur qui accueille et que la langue est l’hôte, un hôte pervers et têtu qui descend chez lui sans permission, s’empare de lui et l’habite malgré lui. Nous sommes habités par la langue au sens magique du mot, et cette impression se renforce chez moi quand je vois des gens parler une langue étrangère que je ne comprends pas. Je suis alors frappé de stupéfaction, et bien près de penser qu’ils sont perdus dans leur langue, incapables de lui échapper ; personne ne peut les arracher à son emprise, et il n’y a pas de guérison à espérer pour eux…»

    Bibliographie et biographie express :

    Ecrivain marocain spécialiste de la littérature arabe, Abdelfattah Kilito est né à Rabat. Professeur à la faculté des lettres de cette ville, il a aussi enseigné à Paris, Princeton et Harvard. Il est l’auteur de plusieurs essais littéraires écrits en français et en arabe. Il a obtenu en 1989 le grand prix du Maroc et en 1996 le prix du rayonnement de la langue française, attribué par l’Académie française.

    Son œuvre :

    Les Séances, essai, Paris, Sindbad, 1983.
    L’Auteur et ses doubles, essai, Paris, Le Seuil, 1985.
    L’Œil et l’Aiguille, essai, Paris, La Découverte, 1982.
    La Langue d’Adam, essai, Casablanca, Toubkal, 1995.
    La Querelle des images, roman, Casablanca, Eddif, 1985.
    En quête, nouvelles, Montpellier, Fata Morgana, 1999.
    Tu ne parleras pas ma langue, Constantine, Média-Plus, 2008.

    Par la Tribune
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