Par Ahmed R. Benchemsi
Investitures C’est une tradition marocaine : à chaque fois que des élections approchent, les cadres fuient les partis par centaines.
Depuis quelques semaines, les médias s’intéressent beaucoup aux démissions de groupe qui frappent le PJD, un peu partout à travers le royaume. Impossible de savoir exactement combien de “militants” ont quitté le navire islamiste (la guerre des chiffres fait rage), mais il y en a un paquet, c’est sûr. Tout comme il y a un paquet de gens qui claironnent : “Le PJD vit une sérieuse crise, ses cadres le quittent en
Depuis quelques semaines, les médias s’intéressent beaucoup aux démissions de groupe qui frappent le PJD, un peu partout à travers le royaume. Impossible de savoir exactement combien de “militants” ont quitté le navire islamiste (la guerre des chiffres fait rage), mais il y en a un paquet, c’est sûr. Tout comme il y a un paquet de gens qui claironnent : “Le PJD vit une sérieuse crise, ses cadres le quittent en
Officiellement, bien sûr, les 35 partis politiques marocains (ou 36, ou 37, on ne sait plus) accordent leurs investitures en fonction de la compétence, la probité et la bonne moralité des candidats. En réalité, la plupart du temps, c’est un business. Parfois aussi, on privilégie les calculs internes des partis politiques (“untel est poussé par le secrétaire général”, “l’investiture est “due” à untel parce qu’il n’a pas été élu membre du comité national”, etc.) Il arrive aussi qu’on investisse vraiment un candidat en raison de ses mérites propres. Mais c’est tellement rare que peu de gens sont prêts à y croire. Les premiers à ne pas y croire étant, bien sûr, ses adversaires malheureux.
C’est pour toutes ces raisons que le “nomadisme” – ou migration entre partis – est un phénomène aussi important au Maroc. Ce qu’il révèle, en creux, c’est que l’ensemble de la vie politique nationale n’est fondé que sur une seule chose : l’ambition personnelle de ceux qui s’y investissent. Vous me direz : il n’est rien de plus universel que l’ambition. Mais dans les pays où la vie politique a un sens, les ambitions ont la pudeur de se draper dans des idéologies. On est de droite, de gauche, libéral, altermondialiste, anticapitaliste, éventuellement d’un extrême (ou de l’autre), etc. Et même si on ne l’est pas vraiment, on fait semblant. Quitter sa famille politique pour une autre ne peut être qu’un geste de haute trahison doublé d’une inconséquence dans les principes. Sauf charisme particulièrement fort du concerné, les électeurs ne le lui pardonnent jamais. Voilà pourquoi, dans ces pays-là, quand un parti n’investit pas un de ses cadres pour un scrutin quelconque, ledit cadre n’a qu’à accuser le coup et travailler dur pour revenir dans la course à la prochaine occasion.
Et chez nous ? Eh bien… si même les islamistes – les seuls, avec les refuzniks d’extrême gauche, dont on pouvait dire jusqu’à présent qu’ils avaient une idéologie cohérente –, si même ceux-là, donc, sont prêts à quitter leur parti dès que la moindre de leurs ambitions est contrariée… alors c’est que tous les partis sont interchangeables, et que, décidément, rien de tout cela n’a de sens.
Au ministère de l’Intérieur, paraît-il, on s’inquiète du taux de participation aux communales du 12 juin, craignant déjà qu’il ne soit trop faible. On se demande même, avec angoisse, comment éviter un nouveau record d’abstention. Si vous pouvez, Messieurs, nous goupiller une petite révolution culturelle d’ici l’été, alors oui, vous avez une chance d’inverser la tendance. Sinon laissez tomber, c’est perdu d’avance.
© 2009 TelQuel Magazine. Maroc.
Commentaire