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La récession s'accélère aux Etats-Unis

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    La révision en forte baisse, vendredi 27 février, du chiffre de la croissance américaine pour le quatrième trimestre 2008 montre à quelle vitesse l'activité de la première économie mondiale a chuté en fin d'année. Le produit intérieur brut a plongé de manière vertigineuse : - 6,2 % en rythme annuel.

    Plus tard, les historiens se pencheront certainement sur un phénomène qui a accompagné la crise aux Etats-Unis depuis l'explosion de la bulle immobilière, à l'été 2007. Comment expliquer que l'immense majorité des analystes américains, mois après mois, ont émis des "prévisions" systématiquement trop optimistes, que la réalité des faits a ensuite contredites ? D'autant que ces mêmes données ont, elles aussi, été très souvent "corrigées" ensuite dans un sens plus négatif par les pouvoirs publics après avoir été affinées.

    Le chiffre publié vendredi n'a pas dérogé à la règle. Les prévisionnistes tablaient en moyenne sur un recul de 5,4 %. Il y a un mois, le chiffre qu'ils attendaient était encore de 3,8 %. La contraction de l'activité finalement enregistrée n'avait jamais été aussi forte depuis le premier trimestre 1982.
    Jeudi 26 février, la veille de l'annonce du plongeon du PIB à - 6,2 %, on avait appris que les demandes d'allocation-chômage aux Etats-Unis pour la semaine qui a pris fin le 21 février avaient atteint le nombre de 667 000. Les analystes n'annonçaient que 625 000.

    La situation apparaît donc plus grave que leurs études ne le montrent. Trois composantes alimentent ce recul brutal du PIB, le plus grave depuis vingt-six ans et sans commune mesure avec le troisième trimestre 2008, le précédent, au cours duquel la baisse avait atteint 0,5 %. L'effondrement de l'investissement, d'abord : il a chuté de 20,8 % et coûte plus de trois points de PIB, alimenté par la descente aux enfers ininterrompue de l'immobilier (- 22,2 %) et la chute des commandes de biens durables (- 22,1 % d'octobre à décembre). Le second élément alarmant est le plongeon de la consommation des ménages, qui contribue en temps normal aux trois quarts de la croissance américaine. Avec une chute de 4,3 %, elle aussi génère une perte de trois points de PIB.

    Les producteurs investissent moins - donc achètent moins - parce qu'ils vendent moins. Ils vendent moins parce que les acquéreurs ne répondent plus à l'appel : soit que leurs moyens se sont brutalement dégradés (chômage, pression du crédit), soit par frilosité. Pourquoi acheter quand on ne sait pas ce que l'avenir réserve ? "Wait" (attendre) est devenu le mot-clé de la crise, la conséquence la plus manifeste de l'effondrement de la confiance des Américains dans leur économie. Divers organismes calculent un indice de confiance. Tous indiquent qu'il se situe au plus bas historique depuis sa création, il y a une quarantaine d'années.

    Enfin, troisième élément explicatif du recul du PIB, la contraction internationale se fait ressentir sur les exportations américaines, qui se sont effondrées de 23,6 % (les importations de 16 %). En fin de compte, hormis l'activité accrue de certains services (santé, en particulier), seul l'accroissement de l'investissement public (déjà engagé sous George W. Bush) empêche la croissance américaine de s'effondrer plus encore.


    "DOUCHER" LES ESPOIRS


    Jeudi, le constructeur automobile General Motors avait annoncé près de 31 milliards de dollars (24,4 milliards d'euros) de pertes en 2008. Fannie Mae, l'un des deux piliers du refinancement du crédit hypothécaire, annonçait, lui, 58,7 milliards de pertes et demandait à l'Etat une nouvelle aide de 15 milliards. Vendredi, General Electric, entreprise jugée phare en termes de stabilité, divisait son dividende par trois pour économiser 9 milliards de dollars. Et surtout, on apprenait que l'Etat fédéral allait monter dans le capital de la première banque de dépôts américaine, Citigroup, à hauteur de 35 % à 38 %.

    Les chiffres de la grave contraction du PIB au dernier trimestre 2008 sont venus s'ajouter à cette succession de nouvelles atterrantes, ayant pour effet d'accentuer la déprime de Wall Street - le Dow Jones a reculé, vendredi, de 1,66 % à 7 062,93 points, son plus bas niveau de clôture depuis mai 1997 - mais surtout de "doucher" brutalement les espoirs que la nouvelle politique économique de l'équipe Obama avait fait naître. Le budget qu'elle avait présenté la veille table en effet sur un recul modeste du PIB de 1,2 % en 2009 et sur un retour à la croissance de 3,2 % dès 2010, pour se rétablir à un niveau dépassant 4 % les années suivantes.
    Ces prévisions sont "bien trop optimistes", estime Nariman Behravesh, chef économiste de la société d'analyses IHS Global Insight. Ce verdict est partagé par un nombre croissant d'économistes, pour qui la récession s'aggravera en 2010, et la reprise sera plus lointaine et plus lente que ne l'envisage le gouvernement américain.

    Comme si, après de longs mois de prudent optimisme démenti par les faits, un seul chiffre - celui d'une croissance négative supérieure à leurs attentes - avait suffi pour faire basculer les prévisionnistes dans un pessimisme qui, pour beaucoup d'entre eux, est nouveau. Jusqu'ici, leurs pronostics de contraction du PIB américain pour le trimestre en cours se situaient entre 5 % et 5,5 %. On saura vite s'ils se sont une nouvelle fois trompés.

    Sylvain Cypel (Le Monde)
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