Le 7 avril 1987, Me Ali Mecili est assassiné dans son immeuble à Paris
Retour sur un crime impuni
Jeudi 14 août 2008, aéroport de Marseille-Marignane (Bouches-du-Rhône). Mohamed Ziane Hasseni, directeur du protocole au ministère des Affaires étrangères, débarque d’un avion en provenance d’Alger. En ce jour de canicule et de grand rush estival, seuls deux guichets sont ouverts au niveau de la police des frontières. Détenteur d’un passeport diplomatique, M. Hasseni rechigne à faire la chaîne comme tout le monde. Il s’impatiente, s’excite et réclame qu’on lui ouvre le guichet réservé au personnel diplomatique. S’il dispose d’un passeport diplomatique, M. Hasseni n’est pas pour autant inscrit sur la liste des personnes jouissant de l’immunité diplomatique. Visiblement énervé par le comportement de M. Hasseni, un agent de la PAF s’exécute.
Paris (France). De notre correspondant
Conscience professionnelle ou excès de zèle, ce dernier décide tout de même de consulter son ordinateur pour vérifier l’identité du diplomate algérien. Et là, bingo ! Il découvre que Mohamed Ziane Hasseni fait l’objet d’un mandat d’arrêt international délivré contre lui le 7 décembre 2007 par le juge Baudouin Thouvenot. Motif d’inculpation ? Complicité dans l’assassinat de l’avocat franco-algérien André Ali Mecili, 47 ans, abattu de trois balles le 7 avril 1987 devant son domicile à Paris. La suite...
S’ensuit alors un petit interrogatoire, ferme mais courtois. Le diplomate algérien décline son identité et confirme sa filiation. Sitôt la procédure achevée, il est interpellé par une brigade de la police de l’air et des frontières (PAF) qui le conduit, menottes aux mains, (l’usage des menottes étant obligatoire) vers un tribunal de Marseille où il sera entendu par le procureur de la République. Lorsqu’on lui présente la fiche sur laquelle figurent deux noms, Mohamed Ziane Hasseni nie être la personne recherchée. « La fiche dont vous me donnez lecture s’applique bien à mon identité, mais je ne comprends pas pourquoi, affirme-t-il. Je ne suis concerné ni de loin ni de près par une quelconque complicité d’assassinat. » Dans la soirée même, il est incarcéré à la prison d’Aix-en-Provence. Peu de temps après les faits, les autorités algériennes sont mises au courant de cette arrestation. En l’absence de l’ambassadeur d’Algérie pour cause de vacances – il était en cure à Cannes – c’est le consul qui est chargé de parer au plus pressé. Il exige de rendre visite à Hasseni dans sa cellule, mais la direction refuse, arguant que les visites nocturnes sont interdites, même pour les diplomates. Qu’à cela ne tienne ! Un coup fil de la chancellerie française devrait pouvoir arranger les choses…
Là encore, la direction refuse d’ouvrir les portes. Contacté à son tour, le directeur de l’administration pénitentiaire, Claude d’Harcourt, oppose son veto. Ouvrir les portes du pénitencier, il n’en est pas question, peste-t-il. Il faudra finalement une réquisition du procureur général pour que le consul rencontre enfin, aux aurores, le diplomate. Comment Hasseni a-t-il pris le risque de se rendre en France alors qu’il savait pertinemment que la justice française avait émis un mandat d’arrêt international contre « Mohamed Ziane Hassani » ? Les autorités algériennes pouvaient-elles ignorer l’existence de ce document ? Difficile à croire, car la délivrance de ce fameux mandat n’était pas secrète dans la mesure où elle a été rendue publique dès mercredi 26 décembre 2007 par l’hebdomadaire Le Canard Enchaîné. Le lendemain, 27 décembre, le quotidien du soir Le Monde reprenait l’information en indiquant que « ces mandats visent Abdelmalek Amellou, exécutant présumé de l’assassinat, et le capitaine de la Sécuritaire militaire algérienne Mohamed Ziane Hasseni, qui en aurait été le commanditaire, aujourd’hui consul à Bonn, en Allemagne ». On peut donc difficilement plaider l’ignorance des faits. Que s’est-il passé alors ? Il semblerait que Mohamed Ziane Hasseni, dont la famille réside en France et qui voyage fréquemment à l’étranger, aurait été induit en erreur. Selon nos informations, cinq mois avant son interpellation, il aurait connu une sérieuse alerte. Alors qu’il séjournait à Meurthe-et-Moselle, dans l’est de la France, il a dû quitter précipitamment son lieu de résidence pour se rendre en Allemagne. Pourquoi cette fuite ? Il semblerait que Hasseni ait été mis au parfum d’une arrestation imminente.
De retour à Alger, il s’enquiert auprès de ses responsables de ce fameux mandat d’arrêt. Est-il oui ou non encore en vigueur ? Réponse : le mandat a été levé. Il pouvait donc voyager à sa guise. C’est ainsi que le jeudi 14 juin, Mohamed Ziane Hasseni débarque en toute quiétude à l’aéroport de Marseille-Marignane. La suite... Vendredi 15 août 2008. Alors que Mohamed Ziane Hasseni est en route vers Paris, Yazid Zerhouni, ministre algérien de l’Intérieur, téléphone à Rachida Dati, ministre française de la Justice, pour évoquer l’arrestation du diplomate. A-t-il exigé sa libération immédiate ? Lui a-t-il demandé de faire pression sur le juge d’instruction en charge du dossier ? On n’en saura pas davantage. La chancellerie confirme le coup de fil, mais refuse d’en dire davantage. Présenté le jour même devant la juge Corinne Goetzmann, le diplomate reconnaît avoir eu connaissance dudit mandat, mais nie en bloc les accusations portées contre lui. « Des collègues m’ont montré des articles avec mon nom et plus précisément celui de Rachid Hassani ou Mohamed Ziane Hasseni (…) Et puis j’ai oublié très vite cette histoire », dit-il. Surprise par cette réponse, la juge le questionne : « C’est une affaire d’assassinat avec des recherches contre une personne du même nom et de mêmes fonctions que vous et vous n’êtes pas inquiet ? » « Pas du tout, car l’article citait Rachid Hassani et j’ai pensé, comme c’est souvent le cas, que le journaliste avait écrit n’importe quoi », répond Hasseni.
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Retour sur un crime impuni
Jeudi 14 août 2008, aéroport de Marseille-Marignane (Bouches-du-Rhône). Mohamed Ziane Hasseni, directeur du protocole au ministère des Affaires étrangères, débarque d’un avion en provenance d’Alger. En ce jour de canicule et de grand rush estival, seuls deux guichets sont ouverts au niveau de la police des frontières. Détenteur d’un passeport diplomatique, M. Hasseni rechigne à faire la chaîne comme tout le monde. Il s’impatiente, s’excite et réclame qu’on lui ouvre le guichet réservé au personnel diplomatique. S’il dispose d’un passeport diplomatique, M. Hasseni n’est pas pour autant inscrit sur la liste des personnes jouissant de l’immunité diplomatique. Visiblement énervé par le comportement de M. Hasseni, un agent de la PAF s’exécute.
Paris (France). De notre correspondant
Conscience professionnelle ou excès de zèle, ce dernier décide tout de même de consulter son ordinateur pour vérifier l’identité du diplomate algérien. Et là, bingo ! Il découvre que Mohamed Ziane Hasseni fait l’objet d’un mandat d’arrêt international délivré contre lui le 7 décembre 2007 par le juge Baudouin Thouvenot. Motif d’inculpation ? Complicité dans l’assassinat de l’avocat franco-algérien André Ali Mecili, 47 ans, abattu de trois balles le 7 avril 1987 devant son domicile à Paris. La suite...
S’ensuit alors un petit interrogatoire, ferme mais courtois. Le diplomate algérien décline son identité et confirme sa filiation. Sitôt la procédure achevée, il est interpellé par une brigade de la police de l’air et des frontières (PAF) qui le conduit, menottes aux mains, (l’usage des menottes étant obligatoire) vers un tribunal de Marseille où il sera entendu par le procureur de la République. Lorsqu’on lui présente la fiche sur laquelle figurent deux noms, Mohamed Ziane Hasseni nie être la personne recherchée. « La fiche dont vous me donnez lecture s’applique bien à mon identité, mais je ne comprends pas pourquoi, affirme-t-il. Je ne suis concerné ni de loin ni de près par une quelconque complicité d’assassinat. » Dans la soirée même, il est incarcéré à la prison d’Aix-en-Provence. Peu de temps après les faits, les autorités algériennes sont mises au courant de cette arrestation. En l’absence de l’ambassadeur d’Algérie pour cause de vacances – il était en cure à Cannes – c’est le consul qui est chargé de parer au plus pressé. Il exige de rendre visite à Hasseni dans sa cellule, mais la direction refuse, arguant que les visites nocturnes sont interdites, même pour les diplomates. Qu’à cela ne tienne ! Un coup fil de la chancellerie française devrait pouvoir arranger les choses…
Là encore, la direction refuse d’ouvrir les portes. Contacté à son tour, le directeur de l’administration pénitentiaire, Claude d’Harcourt, oppose son veto. Ouvrir les portes du pénitencier, il n’en est pas question, peste-t-il. Il faudra finalement une réquisition du procureur général pour que le consul rencontre enfin, aux aurores, le diplomate. Comment Hasseni a-t-il pris le risque de se rendre en France alors qu’il savait pertinemment que la justice française avait émis un mandat d’arrêt international contre « Mohamed Ziane Hassani » ? Les autorités algériennes pouvaient-elles ignorer l’existence de ce document ? Difficile à croire, car la délivrance de ce fameux mandat n’était pas secrète dans la mesure où elle a été rendue publique dès mercredi 26 décembre 2007 par l’hebdomadaire Le Canard Enchaîné. Le lendemain, 27 décembre, le quotidien du soir Le Monde reprenait l’information en indiquant que « ces mandats visent Abdelmalek Amellou, exécutant présumé de l’assassinat, et le capitaine de la Sécuritaire militaire algérienne Mohamed Ziane Hasseni, qui en aurait été le commanditaire, aujourd’hui consul à Bonn, en Allemagne ». On peut donc difficilement plaider l’ignorance des faits. Que s’est-il passé alors ? Il semblerait que Mohamed Ziane Hasseni, dont la famille réside en France et qui voyage fréquemment à l’étranger, aurait été induit en erreur. Selon nos informations, cinq mois avant son interpellation, il aurait connu une sérieuse alerte. Alors qu’il séjournait à Meurthe-et-Moselle, dans l’est de la France, il a dû quitter précipitamment son lieu de résidence pour se rendre en Allemagne. Pourquoi cette fuite ? Il semblerait que Hasseni ait été mis au parfum d’une arrestation imminente.
De retour à Alger, il s’enquiert auprès de ses responsables de ce fameux mandat d’arrêt. Est-il oui ou non encore en vigueur ? Réponse : le mandat a été levé. Il pouvait donc voyager à sa guise. C’est ainsi que le jeudi 14 juin, Mohamed Ziane Hasseni débarque en toute quiétude à l’aéroport de Marseille-Marignane. La suite... Vendredi 15 août 2008. Alors que Mohamed Ziane Hasseni est en route vers Paris, Yazid Zerhouni, ministre algérien de l’Intérieur, téléphone à Rachida Dati, ministre française de la Justice, pour évoquer l’arrestation du diplomate. A-t-il exigé sa libération immédiate ? Lui a-t-il demandé de faire pression sur le juge d’instruction en charge du dossier ? On n’en saura pas davantage. La chancellerie confirme le coup de fil, mais refuse d’en dire davantage. Présenté le jour même devant la juge Corinne Goetzmann, le diplomate reconnaît avoir eu connaissance dudit mandat, mais nie en bloc les accusations portées contre lui. « Des collègues m’ont montré des articles avec mon nom et plus précisément celui de Rachid Hassani ou Mohamed Ziane Hasseni (…) Et puis j’ai oublié très vite cette histoire », dit-il. Surprise par cette réponse, la juge le questionne : « C’est une affaire d’assassinat avec des recherches contre une personne du même nom et de mêmes fonctions que vous et vous n’êtes pas inquiet ? » « Pas du tout, car l’article citait Rachid Hassani et j’ai pensé, comme c’est souvent le cas, que le journaliste avait écrit n’importe quoi », répond Hasseni.
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