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Les dirigents européens redoutent le pire

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  • Les dirigents européens redoutent le pire

    La nervosité monte sur les marchés financiers de la zone euro et de sa périphérie depuis la fin janvier.

    Le scénario du défaut de paiement d'un Etat hante les investisseurs. Les dirigeants de l'Union européenne (UE), réunis en sommet dimanche 1er mars, se soucient des mesures de soutien qu'ils pourraient être amenés à prendre, à l'image du Fonds monétaire international (FMI), qui a déjà porté secours à la Hongrie et à la Lettonie.

    Les écarts de taux d'intérêt entre les dettes publiques des différents pays partageant la monnaie unique n'ont jamais été aussi élevés depuis son lancement. Commentant ces tensions, la chancelière allemande, Angela Merkel, indiquait le 26 février : "Sans que cela signifie que nous devions penser au pire, nous observons la question et nous trouverons des solutions sur la base de la solidarité à l'intérieur de la zone euro." De fait, "le risque de défaut de paiement d'un Etat au sein de la zone ou de l'UE n'est pas à exclure", prévient Bruno Cavalier, économiste en chef de la société de Bourse Oddo.

    Le président de la Banque centrale européenne (BCE), Jean-Claude Trichet, a répété ces derniers temps que les craintes d'une implosion de la zone euro étaient infondées. Mais l'intégration économique de cette dernière et la perspective d'y entrer pour les nouveaux membres de l'UE sont sévèrement questionnées.

    "Les règles sur lesquelles la zone euro a été bâtie n'ont pas été soumises à rude épreuve jusqu'à la survenue de la crise, prévient M. Cavalier. Elles apparaissent inadaptées, incomplètes et rigides. Ainsi, le pacte de stabilité prévoit seulement une convergence de certains indicateurs - inflation, taux d'intérêt, déficits et dette. Or on peut y satisfaire au prix de forts déséquilibres, comme le développement de l'endettement privé, qui génère, certes, un boom de l'activité, mais d'importants déficits de la balance des paiements courants, comme en connaissent l'Espagne, la Grèce ou le Portugal."

    "Le principal risque sur les finances publiques est d'ailleurs en Grèce, d'autant que les statistiques du pays dans ce domaine laissent à désirer et que l'effort de réduction du déficit budgétaire ces dernières années n'a pas été suffisant", analyse Natacha Valla, économiste de Goldman Sachs.

    Les investisseurs s'alarment de la dérive des déficits et de l'impact de la crise bancaire dans la zone euro : "Les prix des produits dérivés qui permettent de s'assurer contre le risque de non-remboursement des Etats se sont renchéris, notamment dans le cas de l'Irlande, de l'Autriche, de l'Espagne, de l'Italie, du Portugal, de la Belgique...", explique Antoine Brunet, président d'AB Marchés. "Le coût des sauvetages bancaires qui pourraient intervenir - la nationalisation obligeant l'Etat concerné à prendre à sa charge l'actif net négatif de la banque - risque de placer les finances publiques dans une situation difficile. Certains pays pourraient être amenés à faire défaut - suspendre le remboursement de leur dette -, ce qui pourrait les faire sortir de la monnaie unique et les faire revenir à une monnaie sous-évaluée. Cela accentuerait la crise en Europe", ajoute-t-il. Un effet domino est donc redouté.

    Tournée vers l'Est, "l'Autriche est un cas extrême", explique Mme Valla. La majorité des emprunts bancaires en Europe centrale et de l'Est sont libellés en devises étrangères (euro, franc suisse). "Or les monnaies de ces pays se déprécient assez brutalement, ce qui risque d'augmenter les défauts de paiement. Si un tiers des prêts n'est finalement pas remboursé, la perte pour l'Autriche atteindra 8 % à 9 % de son produit intérieur brut (PIB), ce qui est énorme, contre moins de 1 % du PIB en France ou en Allemagne", ajoute-t-elle.

    En Irlande, le système bancaire, hypertrophié, pèse plus de 900 % du PIB du pays (300 % à 400 % en France ou en Allemagne). "Les risques des banques irlandaises sont plus diversifiés que ceux des établissements autrichiens mais la crise peut avoir des conséquences lourdes", souligne Mme Valla.

    PAS ASSEZ DE COHÉSION

    La zone euro n'a pas assez renforcé sa cohésion et sa solidarité. Selon la théorie du Prix NobelRobert Mundell, elle devrait être une "zone monétaire optimale". Or "elle souffre d'un manque d'intégration financière et monétaire qui l'empêche (d'accéder à ce statut), analyse Sylvain Broyer, responsable du département économie de Natixis. D'une part, la politique monétaire ne se transmet pas de la même façon dans tous les pays : le crédit ne se distribue pas de la même manière - certains pays privilégiant les taux fixes, d'autres les taux variables - et les exigences d'apport personnel pour les emprunts immobiliers sont très différentes."

    De plus, la France et l'Allemagne sont les deux seuls pays à disposer d'un marché des billets de trésorerie pour les entreprises. "Surtout, poursuit M. Broyer, il n'existe pas de péréquation des ressources fiscales des Etats. Il faudrait prendre modèle sur le fédéralisme fiscal allemand, où une partie de l'impôt sur le revenu, de l'impôt sur les sociétés et de la TVA est directement redistribuée aux Länder, sur la base du revenu par habitant. Si ce mécanisme existait en Europe, on ne se poserait plus la question de la vulnérabilité de la Grèce aujourd'hui." Cela suppose une intégration économique plus forte : "Il faudrait poser le principe que la zone euro n'est pas seulement un espace monétaire mais une région économique où tous les citoyens doivent avoir un niveau de vie comparable."

    "L'accélération du rattrapage des pays moins favorisés augmenterait la croissance de la zone et profiterait à tout le monde", explique M. Broyer.

    Il recommande dans ce cadre de transposer aussi d'autres règles du fédéralisme fiscal allemand : l'autonomie des budgets des Etats, "règle d'or" selon laquelle les emprunts ne peuvent financer que des investissements et le mécanisme automatique de sauvetage exceptionnel si un Etat ne parvient pas à équilibrer son budget.

    Ainsi, l'endettement de la zone - et non pas de tel ou tel pays - serait pris en compte par les marchés. "A partir du moment où il y aurait un vrai budget européen, on pourrait aussi créer une agence européenne de la dette et des euro-obligations. Mais il faudrait, pour y arriver, un gouvernement économique de la zone euro. Peut-être que l'ampleur de la crise servira de catalyseur pour aller dans cette direction. C'est bien parce qu'on a trop longtemps repoussé l'intégration politique de la zone qu'on a aujourd'hui des problèmes financiers", déplore M. Broyer. "L'euro est une Ferrari que les politiques nationales pilotent comme une 2 CV...", lance-t-il. "Rappelons qu'on a créé un ministre européen des affaires étrangères qui ne sert à rien, et pas de ministre des affaires économiques", ajoute Jean-Pierre Patat, conseiller au Centre d'études prospectives et d'informations internationales (Cepii).

  • #2
    A plus court terme, la réunion de politique monétaire de la BCE du 5 mars montrera si l'institut d'émission réussit à apporter un ballon d'oxygène à la zone euro. Une baisse d'un demi-point de son taux directeur est attendue, à 1,5 %. Il n'est pas certain que cela suffise : "Si la BCE ne baisse pas son taux directeur à 1 %, que l'euro ne retombe pas à 1,10 dollar, et qu'il n'y a pas plus de mesures de relance coordonnées dans la zone euro, on va payer. Et la récession va durer", prévient Marc Touati, directeur des études de la société de Bourse Global Equities, pour qui la BCE a trop tardé à réagir, ayant même relevé son loyer de l'argent en juillet 2008, quand la zone euro était déjà entrée en récession.


    "Que l'euro soit monté à 1,60 dollar - et même aujourd'hui à 1,25 dollar -, est difficile à supporter pour l'économie grecque : cela ne correspond pas à sa réalité", ajoute-t-il. "Milton Friedman, le père du monétarisme, avait dit que la zone euro ne pourrait pas résister à sa première récession. A Francfort, les enfants de M. Friedman risquent paradoxalement de lui donner raison en menant ce type de politique monétaire", conclut M. Touati. La crise est un défi lancé à tous les responsables de la zone euro.


    Adrien de Tricornot (Le Monde)

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