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De l'absence de politique culturelle en Algérie

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  • De l'absence de politique culturelle en Algérie

    Les champs et pratiques culturels, de nombreuses activités culturelles, de manière répétitive se placent sous les signes de la mythologie, des mythes et surtout de la nostalgie qui font office de politique culturelle. La nostalgie, qui a ses charmes, des patrimoines y compris humains qui sont manipulés et servent à satiété pour, vainement, combler des vides et l’absence d’un horizon culturel planifié sur les 15-20 années à venir, pour le moins en Algérie.

    Les constats élaborés par des sociologues, des historiens, des chercheurs dans de nombreuses disciplines convergent tous vers des consensus non concertés mais fort pertinents.

    La société algérienne, dépendante à outrance des recettes en provenance de la vente des hydrocarbures, traverse une sérieuse crise des valeurs, greffée sur d’autres qui relèvent d’autres paramètres et secteurs à forte teneur économique, urbanistique, de l’hygiène, de la sécurité (banditisme, drogue, chômage, harraga, etc.). Devant une profonde crise culturelle que ne peuvent évidemment pas combler les kermesses de dechra et les spectacles sur invitation pour lesquels il faut posséder son véhicule propre en attendant de prendre le métro, s’il passe à côté de Riadh El Feth, du palais de la Culture ou des grands hôtels pour ne citer que la capitale où il ne fait pas bon circuler.

    Citoyens, associations et journalistes convergent, comme si l’oubli allait provoquer des dégâts irréversibles et comme si le fait d’un parler allait conjurer le mauvais sort. Il suffit d’élaborer des statistiques annuelles à partir de quatre ou cinq quotidiens nationaux pour vérifier le rituel. Afin de maintenir sous perfusion et dans la confusion un semblant de vie culturelle, et seulement dans les grandes villes, dans des édifices officiels ou des hôtels cinq étoiles, on convoque pêle-mêle.

    Les convoqués relèvent de mythes opératoires ou supposés tels, dont la prégnance réelle ou non n’est jamais confortée par des enquêtes et sondages auprès de la jeunesse.

    Certains mythes ou créateurs emblématiques ont eu des destins tragiques avant l’indépendance, pendant la guerre d’indépendance ou durant la décennie rouge. Dans ces cas, l’Emir Abdelkader, Djaout, Alloula, Feraoun, Medjoubi, Hasni et d’autres font l’affaire. Mais en même temps, ils font écran pour cacher l’absence d’une descendance nombreuse, légitimée par un talent reconnu et de la production. La convocation régulière d’un théâtre qui se meurt, de la Casbah qui s’effrite sous le bazar, d’un chanteur exilé ou émigré ou mort depuis longtemps, donc inconnu des jeunes, témoigne d’une navigation sans boussole.

    Le rappel sous le chapeau patriotique ou simplement nationaliste de Dib, Bachtarzi, M. Kateb, Mammeri, K. Yacine, El Anka et tant d’autres figures, fondatrices, symboles et patrimoine de l’humanité, s’est stérilisé avec le temps, Youtube, Facebook et les tv satellitaires. Les lieux et noms mythiques et symboliques ne sont nulle part inscrits dans la coulée d’industries culturelles nationales ni dans les préoccupations au titre de la restauration, conservation et diffusion de la culture nationale. Ils ne sont pas installés sur des supports accessibles, peu coûteux, à la portée de tous, partout dans le pays. Les noms et lieux mythiques ne génèrent pas des industries de flux continus, de faire produire en quantité des œuvres dans des espaces répartis selon une équité régionale. Ils ne peuvent seuls générer des descendances forcément infidèles dans la création, des successions culturelles de haut niveau qui, à leur tour, deviendront mythiques et symboliques dans une continuité historique.

    Aujourd’hui, des noms et des lieux comme dirait M. Lacheraf (encore un symbole convoqué par nécessité) jouent des rôles d’alibi et d’écran alors qu’en leur temps, ils ont transcendé leur époque et ses difficultés, en produisant souvent dans l’adversité idéologique et/ou administrative (Alloula – K. Yacine…). Ces géants de façon subreptice et surtout involontaire sont assimilés comme dirait J-P. Vernant au Xoanon de la mythologie grecque qui était impliqué dans un jeu de «cacher–montrer». Ce statut est conféré ici à l’anniversaire, à la commémoration, à la vénération des morts par l’indifférence à l’égard des vivants. Avec l’apparition des technologies de la communication, du numérique dans la production, la diffusion, la conservation et l’exploration des vestiges qui datent des pyramides, les pays retardataires sont répertoriés par l’Unesco dans tous les domaines. Comment sera la Casbah dans 20-30 ans ?

    Le pays qui n’a pas d’industries culturelles, qui ne maîtrise pas les technologies pour ces industries risque de voir disparaître rapidement les lieux et les hommes devenus des mythes que s’approprie l’administration.

    Combien de fois sur les 20 dernières années ont été revus librement et joués les textes de Alloula, Yacine, Bachtarzi comparés à Molière, Shakespeare, Brech ou Miller ? Il y a des monuments fertiles et d’autres stérilisés dans l’indifférence. Combien de films et téléfilms sont nés des travaux de Dib, Mammeri, Sensal, Yasmina Khadra, Tahar Ouettar, Benhedouga comparés à Zola, Faulkner, Arthur Miller, San Antonio (F. Dard), Hugo, N. Mahfouz ? Il y a de par le monde des politiques culturelles qui entretiennent les mythes par la création publique/privée et d’autres qui contribuent à leur effacement, plus vite que certains mythes grecs.

    Par Abdou B., La Tribune
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