Annonce

Réduire
Aucune annonce.

Inquiétude des aviculteurs en Algérie

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • Inquiétude des aviculteurs en Algérie

    Les aviculteurs en Algérie sont plongés dans un profond désarroi face à la menace potentielle du virus aviaire s'il venait s'abattre sur leurs exploitations.
    Dans une filière déjà fragilisé par l'informel et l'anarchie des pratiques, la crainte demeure.

    ====

    Le spectre de la grippe aviaire semble avoir troublé la tranquillité des fermes de Ouled Hadaj, près de Reghaïa. Alors que les éleveurs de poulets devaient faire face à de nombreux soucis dus à la «déstructuration» du marché, ils sont désormais confrontés à un mal autrement plus dangereux.

    Leur gagne-pain est devenu source de problèmes.


    Karim, l’un des fermiers de Ouled Hadaj, ne peut pas s’en empêcher. Dès qu’il entre dans le poulailler où il élève près de 1.100 têtes, il inspecte machinalement les plumes et les excréments de ses poulets. Le geste est devenu banal, la menace de la grippe aviaire occupe toutes les pensées du fermier trentenaire de Ouled Hadaj. Même si les vétérinaires inspectent quotidiennement son élevage (jusqu’à trois fois par jour, précise-t-il) et s’il prend toutes les précautions nécessaires (changer ses vêtements dès sa sortie du poulailler...), Karim n’est pas rassuré. «On dit qu’il y a des oiseaux migrateurs près d’Annaba, la maladie pourrait donc atterrir chez nous. Que ferions-nous si cela devait arriver ? La grippe nous emporterait (...) si seulement les poulets étaient assurés, nous pourrions au moins récupérer notre argent». Il se perd en conjectures et prie le ciel pour que la maladie épargne son élevage. Il promet même de cesser cette activité, du moins jusqu’à ce que la menace de la grippe aviaire se dissipe. «Les poussins que nous achetons ont 60 jours pour arriver au stade final, et qu’on puisse les revendre. Mon élevage en est à son 35ème jour. Dès qu’il arrivera au stade de maturité, j’en serai débarrassé et je ne pense pas que j’en élèverai encore en ces temps de grippe aviaire», affirme-t-il. Notre interlocuteur estime avoir perdu trop d’argent à cause de cette «crise aviaire». Alors que le poussin lui a coûté 80 DA et que son alimentation lui est revenue à 2.450 DA/tonne et sans compter les dépenses pour le vétérinaire, il ne pourra vendre le poulet aux grossistes qu’à 90 DA.

    En tout et pour tout, Karim estime ses pertes à 40 millions de centimes. Conjugué avec la psychose qui entoure cette affaire, cela devient une véritable «catastrophe» pour le jeune fermier. A notre sortie du poulailler, le père de Karim, en bleu «Shanghai» et chapeau de paille sur la tête, nous apostrophe en disant: «Ne me dites pas que la maladie est déjà arrivée !». L’inquiétude est ainsi devenue le lot quotidien des éleveurs de poulets. Cette psychose n’a, cependant, pas gagné toutes les fermes de Ouled Hadaj. Aux alentours, de nombreuses familles possèdent des volailles sans s’inquiéter outre mesure des conséquences que cela pourrait entraîner.

    Dans l’une de ces charmantes fermes qui font la beauté de la commune de Ouled Hadaj, nous croisons trois frères qui se chargent de l’élevage de cinq canards, six poulets et deux moutons. L’élevage étant destiné à une consommation «domestique», les propriétaires n’ont pas jugé utile de contrôler leurs bêtes. «Nous avons fait appel au vétérinaire pour la vaccination des moutons mais il vrai que nous ne l’avons pas fait pour les volailles», affirme l’un d’entre eux dans un sourire juvénile. Son grand frère ajoute qu’ils sont dans le «flou total». «Nous sommes dans le noir, nous ne savons pas quoi faire en cas où la maladie arriverait», explique-t-il. Et d’ajouter: «Ce qui nous fait le plus peur, c’est qu’il y a une zone humide à Reghaïa, qui n’est qu’à quelques encablures de notre ferme, mais nous ne savons pas de quelle manière se transmet le virus.»

    Au marché de gros des poulets à Boudaouau, les vendeurs semblent plus confiants quant à la grippe aviaire mais leur colère sur la baisse des prix ne connaît plus de limites. La nouvelle de la visite de journalistes a vite fait le tour du marché. En peu de temps, nous nous sommes retrouvés entourés d’une quarantaine de vendeurs de poulets qui veulent - tous - exposer leurs problèmes. Ils évoquent pêle-mêle «l’anarchie qui règne dans le marché de l’aviculture», «les éleveurs Taïwan», «les importations frauduleuses de poussins», «la spéculation sur les produits d’alimentation des volailles», «les moyens scientifiques de détecter les bons poussins à partir des oeufs» et il y en avait même qui tenaient à donner leur avis sur «la réconciliation nationale» et «la politique de Bouteflika».

    Dans ce charivari bien orchestré, seul Hadj Abdellah, chéchia blanche sur la tête, réussit à imposer le silence. Son «analyse» sur la menace de la grippe aviaire paraît, cependant, assez curieuse. D’après lui, le tapage autour de cette maladie serait savamment combiné par les pays européens dans le seul but de vendre des médicaments ! Pour ubuesque qu’elle puisse paraître, cette réflexion renseigne sur le fait que les vendeurs de poulets refusent de reconnaître la maladie. «Nos poulets ne seront pas malades», s’accordent-ils à dire.

    Les vendeurs de volailles se plaignent surtout de ce que le marché de l’aviculture ne répond à aucune logique. Résultat de cette désorganisation: il y aurait, d’après eux, un surplus de la production. Le marché informel a pris une telle proportion dans le pays qu’il a même touché le secteur de la volaille. Les éleveurs de poulets expliquent qu’une grande partie des producteurs ne sont pas agréés par le ministère de l’Agriculture, activant ainsi dans l’illégalité la plus totale. Une bonne part de l’importation des poussins échappe au contrôle de l’Etat. Les éleveurs et les vendeurs dénoncent ce qu’ils qualifient de «mafia du poulet». «Il y a même un trabendo des poussins dans les frontières algéro-marocaines», assurent-ils. Interrogé sur cette question, le responsable du service de communication du ministère de l’Agriculture n’a ni confirmé ni infirmé cette information. «Le département de l’agriculture n’a pas pour vocation de surveiller les frontières», ***ène-t-il.

    Le surplus de la production de la volaille et la menace de la grippe aviaire seraient donc à l’origine de la baisse des prix. Pourtant, au début du mois de Ramadhan, tout laissait présager une flambée des prix du poulet. Le coût des poussins était passé, en quelques jours, de 30 DA à 80 DA. «Nous avons acheté les poussins à 80 DA, les produits de leur alimentation à 2.750 DA/tonne. Chaque poulet nous a coûté 120 DA, nous les revendrons à 90 ou 100 DA. Nous travaillons à perte», soutient Hadj Abdellah, dépité.

    Pour les responsables du département de l’agriculture, l’augmentation des prix des poussins n’est nullement liée à la spéculation (comme le pensent les éleveurs) mais à «la tension qui sévit actuellement sur le marché international». Tout le monde convient, cependant, sur le fait que le marché de l’aviculture se porte mal.

    A la question de savoir ce qu’il ferait si la grippe aviaire arrive en Algérie, Hadj Abdellah nous dit qu’il se convertirait dans la pêche. «J’espère, lance-t-il, que d’ici là, il n’y aura pas une grippe des poissons».

    Source: Le Quotidien d'Oran
Chargement...
X