LE MONDE | 07.03.09 | 09h46 •
Le suspense aura duré jusqu'au bout. Samedi 7 mars, à une heure du matin, alors que venait d'expirer le délai fixé pour les négociations, BNP Paribas est parvenue à un accord avec l'Etat belge, en vue d'une prise de contrôle des activités de Fortis, la première banque du pays. L'ex-fleuron de l'économie belge s'est trouvé piégé par la crise et a dû être nationalisé dans l'urgence, en octobre 2008.
En rachetant Fortis, BNP Paribas, numéro un français et numéro trois européen, se hisserait au rang de première banque de dépôts de la zone euro, avec 540milliards d'euros de dépôts. La banque française offre 14,5 milliards d'euros pour racheter 75 % du capital de Fortis Banque. Sur cette somme, 5,5 milliards doivent être payés en numéraire et 9 milliards en actions, ce qui offrirait à la Belgique 11,6 % du capital de la banque et 1,1% au Luxembourg.
La Belgique deviendrait ainsi le premier actionnaire de la première banque française, devant Axa (5 %) et les salariés (5 %), un symbole puissant dans un secteur financier en pleine recomposition, où l'adossement aux Etats est apprécié des investisseurs.
L'accord approuvé samedi par un conseil des ministres met fin, au moins pour le moment, à plusieurs semaines de vives tensions politiques à Bruxelles. Les incertitudes sur l'avenir de Fortis, une banque qui fait partie du patrimoine national et à laquelle les Belges se sentent liés affectivement, en avaient fait une affaire d'Etat.
Le passage de Fortis sous pavillon français doit toutefois encore être approuvé par ses actionnaires, lors d'une assemblée générale qui pourrait être convoquée dans trois semaines. Remuants, contestataires, ceux-ci avaient rejeté un premier accord, en février, au motif qu'ils le trouvaient trop favorable à la France.
Cette fois, les deux parties semblent s'être données les moyens d'emporter l'adhésion des actionnaires. Le compromis trouvé permet le sauvetage de Fortis dans des conditions telles qu'il n'augmente pas le profil de risque de BNP Paribas mais permet à la Belgique de préserver ses finances publiques et de rester associée aux profits futurs. Une sortie de crise jugée la moins indolore.
Nuits sans sommeil Concrètement, BNP Paribas a obtenu des garanties de l'Etat belge en cas d'aggravation de la crise bancaire mondiale. Les pertes que Fortis Banque pourraient encore subir sur son portefeuille d'actifs à risques seront ainsi supportées à concurrence de 3,5 milliards d'euros par BNP Paribas, mais au-delà, l'Etat belge apportera sa garantie pour un montant plafonné à 1,5 milliard. Il accepte aussi de renflouer la banque pour un maximum de 2 milliards d'euros si le besoin s'en faisait sentir dans les trois ans à venir, en souscrivant à une émission de titres. Sa participation pourrait, dans ce cas, repasser au-dessus des 25 %.
Autre nouveauté, BNP devrait racheter 25 % des activités d'assurance en Belgique de Fortis Holding, au lieu des 100 % envisagés à l'origine, un compromis jugé intéressant pour les actionnaires, vent debout contre la perte de substance de la holding.
De son côté, en contrepartie d'une garantie d'Etat étendue, la Belgique améliore l'accord de février. Elle obtient des assurances de l'acquéreur français sur l'emploi et le maintien dans le pays d'un certain nombre de centres de décision. Quant aux actionnaires, ils voient la part des actifs risqués de la holding allégée à 760 millions d'euros.
Au terme d'une négociation harassante, directement menée avec le premier ministre belge, Herman Van Rompuy, Baudouin Prot, directeur général de BNP Paribas, était, selon son entourage, très satisfait du compromis, allant même jusqu'à parler d'accord "historique". Ce rachat offrirait à BNP Paribas l'occasion d'un saut stratégique en Europe, d'une présence étendue à quatre grands marchés, outre la France et l'Italie, la Belgique et le Luxembourg. Le numéro un bancaire français creuserait la distance avec ses concurrents français et européens.
Après quatre nuits sans sommeil, M.Prot se félicitait d'avoir pu convaincre le chef du gouvernement belge de créer un ensemble "cohérent" et "capable de résister à un scénario noir d'aggravation de la crise". Ce rachat devrait entraîner des coûts de restructuration de 750 millions d'euros mais, par la suite, des économies annuelles estimées à 500 millions.
La montée au créneau de Nicolas Sarkozy, jeudi 5 mars, a sans doute aidé à cet accouchement difficile. Lors d'une rencontre avec M.Van Rompuy, le chef de l'Etat avait fait valoir que la Belgique avait tout intérêt à faire affaire avec BNP Paribas. Mais qu'il ne fallait pas que ce pilier du financement de l'économie française soit mis en risques du fait de la reprise de Fortis. Le ratio de fonds propres de BNP Paribas devrait se maintenir à 8,4 %.
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Vers quatre grands marchés
Résultats
BNP Paribas compte 16 millions de clients dans le monde et 6000 agences. Elle a réalisé des bénéfices de 3 milliards d'euros en 2008, soit le sixième meilleur résultat de l'industrie bancaire dans le monde.
Implantations
Avec Fortis, BNP Paribas interviendrait sur quatre grands marchés : la France, l'Italie, la Belgique et le Luxembourg. Elle acquerrait les réseaux de banque de détail de Fortis en Pologne, en Turquie et en France. En Belgique, le groupe aurait 3 millions de clients particuliers, ce qui représente une part de marché supérieure à 30 %. Grâce à Fortis, BNP entrerait dans le top cinq en gestion d'actifs, deviendrait la première banque privée de la zone euro et le premier assureur en Belgique.
Anne Michel
Le suspense aura duré jusqu'au bout. Samedi 7 mars, à une heure du matin, alors que venait d'expirer le délai fixé pour les négociations, BNP Paribas est parvenue à un accord avec l'Etat belge, en vue d'une prise de contrôle des activités de Fortis, la première banque du pays. L'ex-fleuron de l'économie belge s'est trouvé piégé par la crise et a dû être nationalisé dans l'urgence, en octobre 2008.
En rachetant Fortis, BNP Paribas, numéro un français et numéro trois européen, se hisserait au rang de première banque de dépôts de la zone euro, avec 540milliards d'euros de dépôts. La banque française offre 14,5 milliards d'euros pour racheter 75 % du capital de Fortis Banque. Sur cette somme, 5,5 milliards doivent être payés en numéraire et 9 milliards en actions, ce qui offrirait à la Belgique 11,6 % du capital de la banque et 1,1% au Luxembourg.
La Belgique deviendrait ainsi le premier actionnaire de la première banque française, devant Axa (5 %) et les salariés (5 %), un symbole puissant dans un secteur financier en pleine recomposition, où l'adossement aux Etats est apprécié des investisseurs.
L'accord approuvé samedi par un conseil des ministres met fin, au moins pour le moment, à plusieurs semaines de vives tensions politiques à Bruxelles. Les incertitudes sur l'avenir de Fortis, une banque qui fait partie du patrimoine national et à laquelle les Belges se sentent liés affectivement, en avaient fait une affaire d'Etat.
Le passage de Fortis sous pavillon français doit toutefois encore être approuvé par ses actionnaires, lors d'une assemblée générale qui pourrait être convoquée dans trois semaines. Remuants, contestataires, ceux-ci avaient rejeté un premier accord, en février, au motif qu'ils le trouvaient trop favorable à la France.
Cette fois, les deux parties semblent s'être données les moyens d'emporter l'adhésion des actionnaires. Le compromis trouvé permet le sauvetage de Fortis dans des conditions telles qu'il n'augmente pas le profil de risque de BNP Paribas mais permet à la Belgique de préserver ses finances publiques et de rester associée aux profits futurs. Une sortie de crise jugée la moins indolore.
Nuits sans sommeil Concrètement, BNP Paribas a obtenu des garanties de l'Etat belge en cas d'aggravation de la crise bancaire mondiale. Les pertes que Fortis Banque pourraient encore subir sur son portefeuille d'actifs à risques seront ainsi supportées à concurrence de 3,5 milliards d'euros par BNP Paribas, mais au-delà, l'Etat belge apportera sa garantie pour un montant plafonné à 1,5 milliard. Il accepte aussi de renflouer la banque pour un maximum de 2 milliards d'euros si le besoin s'en faisait sentir dans les trois ans à venir, en souscrivant à une émission de titres. Sa participation pourrait, dans ce cas, repasser au-dessus des 25 %.
Autre nouveauté, BNP devrait racheter 25 % des activités d'assurance en Belgique de Fortis Holding, au lieu des 100 % envisagés à l'origine, un compromis jugé intéressant pour les actionnaires, vent debout contre la perte de substance de la holding.
De son côté, en contrepartie d'une garantie d'Etat étendue, la Belgique améliore l'accord de février. Elle obtient des assurances de l'acquéreur français sur l'emploi et le maintien dans le pays d'un certain nombre de centres de décision. Quant aux actionnaires, ils voient la part des actifs risqués de la holding allégée à 760 millions d'euros.
Au terme d'une négociation harassante, directement menée avec le premier ministre belge, Herman Van Rompuy, Baudouin Prot, directeur général de BNP Paribas, était, selon son entourage, très satisfait du compromis, allant même jusqu'à parler d'accord "historique". Ce rachat offrirait à BNP Paribas l'occasion d'un saut stratégique en Europe, d'une présence étendue à quatre grands marchés, outre la France et l'Italie, la Belgique et le Luxembourg. Le numéro un bancaire français creuserait la distance avec ses concurrents français et européens.
Après quatre nuits sans sommeil, M.Prot se félicitait d'avoir pu convaincre le chef du gouvernement belge de créer un ensemble "cohérent" et "capable de résister à un scénario noir d'aggravation de la crise". Ce rachat devrait entraîner des coûts de restructuration de 750 millions d'euros mais, par la suite, des économies annuelles estimées à 500 millions.
La montée au créneau de Nicolas Sarkozy, jeudi 5 mars, a sans doute aidé à cet accouchement difficile. Lors d'une rencontre avec M.Van Rompuy, le chef de l'Etat avait fait valoir que la Belgique avait tout intérêt à faire affaire avec BNP Paribas. Mais qu'il ne fallait pas que ce pilier du financement de l'économie française soit mis en risques du fait de la reprise de Fortis. Le ratio de fonds propres de BNP Paribas devrait se maintenir à 8,4 %.
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Vers quatre grands marchés
Résultats
BNP Paribas compte 16 millions de clients dans le monde et 6000 agences. Elle a réalisé des bénéfices de 3 milliards d'euros en 2008, soit le sixième meilleur résultat de l'industrie bancaire dans le monde.
Implantations
Avec Fortis, BNP Paribas interviendrait sur quatre grands marchés : la France, l'Italie, la Belgique et le Luxembourg. Elle acquerrait les réseaux de banque de détail de Fortis en Pologne, en Turquie et en France. En Belgique, le groupe aurait 3 millions de clients particuliers, ce qui représente une part de marché supérieure à 30 %. Grâce à Fortis, BNP entrerait dans le top cinq en gestion d'actifs, deviendrait la première banque privée de la zone euro et le premier assureur en Belgique.
Anne Michel
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