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Investissement. Finie, la Saga Africa ?

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  • Investissement. Finie, la Saga Africa ?

    Par Farida Ghazoui
    Investissement. Finie, la Saga Africa ?


    RAM, Maroc Telecom, Comanav… les unes après les autres, les entreprises marocaines essuient des échecs dans leurs aventures continentales. Tour d’horizon des raisons économiques et politiques.


    C’est le point de non-retour ! La RAM “décolle” du capital d’Air Sénégal. Son PDG, Driss Benhima, vient de lancer un ultimatum à l’Etat sénégalais : Dakar a jusqu’au 30 avril pour mettre à exécution son plan de reprise d’Air Sénégal, dont la majorité du capital est dans la soute de

    la RAM depuis 2000. “Le divorce, ce n’est pas nous qui l’avons décidé”, martèle, depuis plusieurs jours, le PDG de la compagnie, dans les colonnes de la presse nationale. Et d’étayer : “Imaginez que vous soyez à la tête d’une entreprise comme la nôtre et que les actionnaires vous assurent qu’ils veulent fermer boutique, mais ne vous disent pas comment ! Ceci a eu des conséquences graves sur la marche de l’entreprise”. Difficile de lui donner tort. Le dossier n’a pas avancé depuis octobre 2007, date à laquelle Dakar a déclaré son intention de reprendre les commandes de la compagnie aérienne sénégalaise et, donc, l’intégralité du capital. Il est bien révolu le temps où le président Abdoulaye Wade est venu lui-même accueillir deux Boeing 737-700 mis en service en septembre 2006 sous les couleurs d’Air Sénégal. La RAM s’est donc finalement brisé les ailes en Afrique. Et évidemment les raisons varient selon chaque partie. Alors que les Marocains pointent du doigt un certain manque de clarté chez le gouvernement sénégalais, Dakar regrette, de son côté, que la RAM n’ait pas respecté ses engagements de départ et accuse la partie marocaine de l’avoir empêché de reprendre la compagnie, en s'opposant à un audit de la gestion marocaine de l’entreprise.

    Manque de visibilité, engagements flous, des aléas dont une autre entreprise marocaine a fait récemment les frais. Maroc Telecom a été déclarée adjudicataire de la privatisation de l’opérateur télécoms malien Sotelma, avant de faire les frais d’une volte-face. Son offre financière, la plus élevée (252 millions d’euros) proposée lors d’un appel d’offres international, n’aurait pas suffi. Sous la pression des syndicats, le gouvernement malien aurait demandé une rallonge. Autre exemple : la Comanav. Après avoir rouvert la ligne maritime Dakar-Ziguinchor en 2005, l’armateur a mis fin à sa croisière africaine l’année dernière. C’est qu’entre-temps, l’armateur national a changé de pavillon. En mars 2007, le gouvernement marocain a cédé son fleuron maritime au Français CMA-CGM. Ce dernier n’a pas vu d’un bon œil le maintien d’une ligne maritime assurée par un seul bateau (le Willis) et qui n’arrive même pas à rentrer dans ses frais. La décision de dissoudre la société qui gérait cette ligne a été officialisée quelques mois plus tard. A l’époque, l’explication de Taoufik Ibrahimi, PDG de Comanav, est diplomatique : “Les raisons de cet abandon sont purement économiques”.

    Attention les secousses !
    La saga Africa, chantée par les pouvoirs publics marocains depuis des années, risque-t-elle de tourner court ? Pour Driss Benali et Mehdi Lahlou, économistes et fins connaisseurs des économies des pays en développement, ce continent garde un grand potentiel. “Ce n’est pas parce que ces entreprises ont eu du mal à mener à terme leurs projets africains qu’il ne faut plus penser à ce continent comme terre propice au développement économique”, souligne Driss Benali. “Il ne faut pas confondre les potentialités qu’offre le continent africain en termes d’investissement et la situation actuelle que vivent nos entreprises nationales”, nuance pour sa part Mehdi Lahlou. Pour lui, il faut faire le distinguo entre deux situations d’investissement. D’un côté, les entreprises marocaines contrôlées par des capitaux étrangers, comme Maroc Telecom, filiale du Français Vivendi, doivent courir le risque de susciter des susceptibilités. “Ces sociétés n’ont de marocain que le nom, ce qui peut être aussi bien un atout qu’un handicap”, développe Mehdi Lahlou.

    D’autre part, des d’établissements ou entreprises publics comme la RAM, l’ONE ou encore l’ONEP, peuvent séduire les autorités des pays africains, car “ils s’inscrivent clairement dans une politique de partenariat socioéconomique Sud-Sud”, poursuit cet économiste de gauche. S’implanter en Afrique est donc loin d’être une mince affaire. Le continent attire toujours peu d’Investissements directs étrangers (IDE) et le climat des affaires n’est pas assaini. S’ajoutent aussi des difficultés en termes de recrutement, de logistique et de stabilité politique dans certains pays. “Dans ces pays, les gouvernements sont souvent faibles face aux syndicats. A la moindre occasion, ils lâchent la bride à leurs partenaires sociaux qui, souvent, ont des revendications qui dépassent les capacités financières des investisseurs étrangers”, observe Mehdi Lahlou, qui ne manque pas de souligner les exemples de Royal Air Maroc et Maroc Telecom.

    Ambiance de la brousse…
    Mais il n’y a pas que les capacités financières et l’importance de l’investissement qui priment sous les tropiques. Le climat politique dans ces pays subsahariens joue aussi son rôle. Car l’Etat de droit reste toujours une utopie en Afrique. “En règle générale, il s’agit d’affaires extrêmement importantes et juteuses. Lorsque les Etats accordent des autorisations d’investissement, ils mettent en place des relais locaux, de manière tout à fait officieuse, qui font office de facilitateurs d’implantation pour l’investisseur étranger”, souligne ce haut cadre marocain qui a travaillé pendant de nombreuses années pour des multinationales en Côte d’Ivoire et au Bénin. Autrement dit, bienvenue au continent des pots-de-vin. “Lorsqu’une entreprise étrangère décide d’investir dans un pays africain, des personnes proches du pouvoir politique en place s’imposent et demandent clairement leur part du gâteau. Ces ingérences constituent une forte pression sur l’investisseur étranger”, renchérit notre source.

    D’autres éléments géostratégiques, et non des moindres, entrent en ligne de compte. “Ces pays africains sont toujours sous la coupe politique et économique de grandes puissances mondiales. Des pays comme la France et les Etats-Unis, par exemple, voient mal des entreprises marocaines voler la vedette à leurs fleurons économiques. Il est tout à fait normal qu’ils fassent tout pour bloquer ces investissements Sud-Sud”, tranche Driss Benali. Et Mehdi Lahlou de pousser la réflexion plus loin : “Quand des intérêts économiques américains ou européens sont menacés dans une région donnée, c’est toute la machine diplomatique officielle et parallèle de ces puissances qui est mise à contribution. Le pays concerné ne peut que faire marche arrière. Il est clair que le Maroc ne dispose pas de tels atouts pour imposer le respect d’engagements pris vis-à-vis de l’une de ses entreprises, aussi leader régional soit-elle”.

    Le royaume a une autre épine dans le pied, quand il s’agit de relations avec l’Afrique. Son nom : l’affaire du Sahara. Le Maroc, en engageant ses capitaux dans un pays donné, ne penserait qu’au ralliement de ce dernier à sa cause. “Il ne faut pas oublier que toute cette stratégie économique d’implantation en Afrique est directement liée à l’affaire de l’intégrité territoriale”, conclut Driss Benali. Et Mehdi Lahlou de mettre en exergue l’hégémonie économique de pays comme l’Algérie, l’Afrique du Sud ou encore le Nigéria, trois Etats qui ont reconnu la RASD. Comme quoi, le dossier du Sahara n’est jamais loin. Surtout quand il s’agit d’enjeux économiques.

  • #2
    infographie


    Affaires. Ces entreprises qui profitent de l’Afrique

    Depuis son accession au trône, Mohammed VI a mis le paquet sur l’Afrique. La consigne était claire : il faut investir dans le continent. Aussi bien secteur privé que public s’y sont alors mis. La RAM a été parmi les premières entreprises à s’y lancer. Maroc Telecom n’est pas restée de marbre face au grand potentiel africain. La filiale de Vivendi est actuellement implantée en Mauritanie, au Burkina Faso et bientôt au Mali. Les banques marocaines ont-elles aussi compris l’importance du développement continental. A commencer par Attijariwafa bank qui est présente en Tunisie, au Sénégal, au Mali, et dernièrement au Congo, Côte d’Ivoire, Gabon et Cameroun, après son dernier deal avec la banque française Crédit Agricole. Il en est de même pour BMCE Bank, implantée au Sénégal depuis 2003.L’homme d’affaires Miloud Chaabi, PDG de Ynna Holding, a pour sa part compris très tôt l’intérêt de s’assurer une présence dans les différentes contrées du continent. Dès 1967, il oriente ses affaires en Afrique du Nord, notamment en Libye, Tunisie et Egypte où il a créé des entreprises de BTP, de tuyauterie et de fabrication de batteries. Pour lui, la saga africaine continue : le groupe mène aujourd’hui un gros projet de logements en Guinée Equatoriale. Les établissements publics ne sont pas en reste : la conquête africaine est à mettre à l’actif de l’ONE (Office national de l’électricité) et l’ONEP (Office national de l’eau potable), qui ont décroché plusieurs contrats de gestion déléguée au Cameroun, au Mali et en Guinée-Conakry.

    © 2009 TelQuel Magazine. Maroc.

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