Par Meryem Saadi et Karim Boukhari
Dossier. 2M L’histoire secrèteMercredi 4 mars 2009, 21h30. Les spectateurs marocains ont rendez-vous avec une soirée exceptionnelle, pour fêter le vingtième anniversaire de la chaîne de Aïn Sebaâ. Pour cette occasion, le plateau du “plus grand studio d’Afrique” change de décor. Animée par Imad Ntifi et Nasreddine El Houssaïni (ancien journaliste de 2M, actuel correspondant d’Al Jazeera à Washington), la soirée réunit anciens et
Le roi, son gendre, sa “boîte”
Le “rêve” a réellement commencé avec l’arrivée de Fouad Filali, gendre de Hassan II, à la tête de l’ONA en 1987. “Filali a tout de suite cherché à moderniser le holding royal, il a diversifié les secteurs d’activité et fait de la communication un véritable axe de développement”, nous explique l’un de ses anciens collaborateurs. Le gendre de Hassan II s’inspire de l’exemple de Médi 1, la radio à double capital franco-marocain implantée avec succès au début des années 1980, et se dit : pourquoi ne pas reconduire l’expérience, en la transplantant à la télévision ? Hassan II, dont le régime a fait preuve d’une certaine détente politique tout au long de la décennie, n’est pas insensible à l’idée.
Une télévision privée, moderne, à rayonnement international, quoi de mieux pour améliorer l’image de la monarchie, ternie par de longues années de crispation. Après avoir envisagé de confier la direction des opérations à Pierre Casalta, l’homme qui a mis au point le projet Médi 1, le roi se tourne exclusivement vers sa “maison”, l’ONA, et son gendre, Fouad Filali. Lequel choisit un premier pilote pour l’opération 2M : le Français Patrick Clément, ancien journaliste à France 2. Tout au long de l’accouchement de 2M, la présence, ou l’assistance, française sera des plus notoires. Un consortium international (TF1, Vidéotron, etc.) fait partie du premier tour de table, et Alain Maneval, connu pour ses activités de “tourneur rock”, est chargé de l’habillage artistique de la chaîne.
Le montage financier réunit, autour de l’ONA et de ses partenaires français, de nombreux institutionnels marocains, des banques (BMCE et BMCI) et des compagnies d’assurances. Que des poids lourds, des entités sûres et fiables, connues pour leur proximité avec le Palais et l’Etat marocain. L’un des premiers administrateurs de 2M, qui a pris part au ballet ayant précédé la naissance de la chaîne, se rappelle : “Au départ, l’enjeu était autant économique que politique. Il fallait assurer une assise financière viable, en s’inspirant du cas de Canal + dont l’existence était toute récente (ndlr : la première télévision à péage française avait vu le jour en 1984). Mais il fallait surtout convaincre et rassurer le Palais et le gouvernement marocain”. Avec une mise initiale de 500 millions de dirhams, le consortium ainsi établi obtient une concession-dérogation auprès du gouvernement marocain. Un gouvernement au sein duquel Fouad Filali pouvait compter sur l’appui de son propre père, Abdellatif Filali, alors ministre des Affaires étrangères, en plus de son beau-père, Hassan II…
Le piratage l’a “tuer”
2M, qui a choisi dès le départ de s’implanter à Casablanca (“Pour être proche des milieux d’affaires et rompre avec l’image administrative collée à Rabat”, nous explique notre source), a tenté d’exploiter la plateforme des studios de Aïn Chock, appartenant à la TVM, avant d’élire domicile à Aïn Sebaâ, voit ainsi le jour en mars 1989. Elle s’appuie tout de suite sur la logistique et les ressources humaines de l’ONA, choisit un président (Farid Britel) parmi les conseillers personnels de Filali, et confie la présidence de son conseil d’administration au très sûr Abdellatif Jouahri, actuel wali de Bank Al-Maghrib. à l’instar de Canal+, 2M investit un créneau sûr, pour faire le plein d’abonnés : cinéma, sport, divertissement. Elle mise sur les acquisitions et la formation d’une nouvelle génération de journalistes, techniciens et animateurs. L’aventure vogue dans un bain d’euphorie, du moins durant les premières semaines où les décodeurs se vendent comme des petits pains.
Dès août 1989, cinq mois à peine après le lancement officiel, Farid Britel est remplacé par un nouveau “président”, lui aussi proche de Fouad Filali : Mohamed El Baz, ancien directeur de Cosumar, une sucrerie tombée depuis peu sous le contrôle de l’ONA. En septembre 1991, c’est un autre conseiller de Filali qui reprend 2M en main?: Taoufiq Bennani-Smires. La chaîne, qui reste l’affaire de l’ONA, s’ouvre légèrement sur l’information et développe une stratégie commerciale plus agressive. La communication autour de “Dozem”, comme l’appelle le petit peuple, bat son plein. Le magazine TéléPlus, initialement créé pour “stariser” les jeunes icônes de la télévision casablancaise, incarne parfaitement la tendance. Mais le marché publicitaire stagne et la vente de décodeurs ne décolle pas. à défaut de pouvoir doper ses ressources, 2M réduit les dépenses. Les premières vagues de départs commencent, la chaîne dégraisse sa masse salariale et met l’accent sur la promotion interne, à moindres frais. C’est à partir de cette époque que commencent les (lentes) ascensions de “produits” comme Mustapha Benali et Mustapha Mellouk, futurs numéros 1 et 2 de la chaîne.
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