Paso Robles, bourgade de Californie centrale, célèbre pour ses élevages de chevaux et ses vignobles. En ce matin d'hiver, le gun show (foire aux armes à feu) ouvre à 9 heures, mais, dès 8 h 30, une petite foule attend devant la porte du vaste hangar d'exposition : 9 dollars l'entrée pour les deux jours, gratuit pour les moins de 13 ans. A l'intérieur, une cinquantaine d'armuriers ont étalé sur leurs stands des milliers d'armes à feu, allant du revolver de poche au fusil semi-automatique, à tous les prix : 89 dollars le vieux fusil russe, plus de 2 000 dollars la carabine à longue portée dernier modèle.
Steve et son épouse Teresa, la cinquantaine sportive, sont à la recherche d'un pistolet gros calibre pas trop cher. Ils possèdent déjà un petit revolver et un fusil, achetés dans un autre gun show, mais ce n'est pas suffisant : "Avec la récession, les faillites, le chômage, la criminalité augmente, affirme Teresa. Avant, les jeunes volaient pour acheter de la drogue, mais aujourd'hui des familles volent pour manger. Nous devons nous armer pour protéger notre foyer."
Eux-mêmes craignent pour leur avenir, car Steve vient de perdre son emploi de vendeur de voitures, et les revenus de la famille ont chuté de moitié. Ils estiment que l'achat d'une arme supplémentaire est une dépense justifiée : "Nous avons deux fils de 12 et 14 ans, il est temps qu'ils apprennent à manier différents types d'armes, c'est une partie importante de leur éducation." Steve a aussi une autre motivation : "Nous avons acheté notre fusil après l'élection d'Obama. On a un président démocrate, plus un Congrès démocrate, plus un gouvernement rempli de libéraux très "anti-gun". Ils vont se débrouiller pour limiter notre droit à posséder des armes. Il faut se dépêcher d'acheter ce qu'on peut, pendant que c'est encore légal." A la réflexion, il va aussi acheter un silencieux et un viseur télescopique.
John, 22 ans, un garçon costaud aux yeux bleus rieurs, et son épouse Becca, une jolie blonde de 24 ans, viennent d'acheter un fusil en parfait état pour 300 dollars, après un dur marchandage. John est content de lui : "C'est pour chasser le sanglier, et aussi pour notre protection. La région n'est pas aussi tranquille qu'elle en a l'air. Je bosse sur un chantier, et la majorité des gars de mon équipe ont un casier judiciaire..." Becca, qui travaille dans un salon de coiffure, n'a rien acheté, car elle possède déjà un fusil à pompe et une carabine 22 long rifle.
John avait voté républicain en novembre 2008, et la défaite l'a rendu très rebelle : "Je m'attends à ce que les démocrates essaient de me prendre mes armes, mais je ne me laisserai pas faire. Attrape-moi si tu peux. Si les lois sont trop sévères, les gens prendront des risques pour garder leurs armes." Malgré tout, John, fusil en main, fait la queue devant le guichet d'enregistrement. La Californie possède une législation plus stricte que celle des Etats voisins : il faut remplir un formulaire détaillé, puis présenter une pièce d'identité. Une préposée assise devant un ordinateur connecté à un fichier central vérifie que John n'a pas de casier judiciaire et n'est pas signalé comme malade mental. Puis John doit remettre son fusil à un armurier local, et ne pourra le récupérer que dans dix jours.
La Californie a aussi interdit certaines armes automatiques et les chargeurs de plus de dix cartouches. Enfin, le port d'arme dans les lieux publics est très réglementé. Ces contraintes bureaucratiques exaspèrent John : "Il y a deux ans, un jeune cinglé a tué 32 personnes sur un campus. Si les autres étudiants avaient été armés, il n'aurait fait que deux ou trois victimes avant d'être abattu. Mais il ne faut pas compter sur les démocrates pour aider les gens à se défendre."
Dans le hangar, tout le monde semble d'accord avec lui. On se souvient encore qu'en avril 2008, à San Francisco, en pleine campagne présidentielle, le candidat Obama s'était laissé aller à quelques commentaires sociologiques, sans savoir qu'il était filmé : "Vous allez dans ces petites villes (...), les emplois ont disparu depuis vingt-cinq ans et rien n'est venu les remplacer. Alors ce n'est pas étonnant, les gens deviennent amers, ils s'accrochent à leurs armes ou à leur religion..." Aussitôt, ses adversaires républicains avaient lancé une campagne médiatique décrivant Obama comme un élitiste, qui regardait vivre le petit peuple du haut de sa tour d'ivoire. Les amateurs d'armes à feu se sentirent particulièrement visés. Des groupes conservateurs créèrent des sites Internet expliquant que, si Obama était élu, il interdirait les armes, laissant les honnêtes gens à la merci des gangs.
Certains prédisaient même que la police ferait des fouilles maison par maison, ou que le gouvernement organiserait une pénurie de munitions. Face à cette offensive, l'équipe d'Obama avait publié régulièrement des communiqués rassurants : "Nous préconisons des mesures de bon sens, qui respectent les droits des propriétaires d'armes garantis par le deuxième amendement de la Constitution, tout en mettant les armes hors de portée des enfants et des criminels."
Ces mises au point n'ont pas entamé la méfiance des milieux conservateurs. Heb Crowley, petit barbichu souriant et volubile, propriétaire d'une armurerie dans une ville voisine et détenteur du plus gros stand du gun show, est formel : "Avant l'élection d'Obama, je vendais cinq à dix armes par semaine. Mais depuis qu'il a été élu, c'était plutôt cinq à dix par jour. Ensuite, la frénésie est retombée, mais les ventes restent fortes."
Steve et son épouse Teresa, la cinquantaine sportive, sont à la recherche d'un pistolet gros calibre pas trop cher. Ils possèdent déjà un petit revolver et un fusil, achetés dans un autre gun show, mais ce n'est pas suffisant : "Avec la récession, les faillites, le chômage, la criminalité augmente, affirme Teresa. Avant, les jeunes volaient pour acheter de la drogue, mais aujourd'hui des familles volent pour manger. Nous devons nous armer pour protéger notre foyer."
Eux-mêmes craignent pour leur avenir, car Steve vient de perdre son emploi de vendeur de voitures, et les revenus de la famille ont chuté de moitié. Ils estiment que l'achat d'une arme supplémentaire est une dépense justifiée : "Nous avons deux fils de 12 et 14 ans, il est temps qu'ils apprennent à manier différents types d'armes, c'est une partie importante de leur éducation." Steve a aussi une autre motivation : "Nous avons acheté notre fusil après l'élection d'Obama. On a un président démocrate, plus un Congrès démocrate, plus un gouvernement rempli de libéraux très "anti-gun". Ils vont se débrouiller pour limiter notre droit à posséder des armes. Il faut se dépêcher d'acheter ce qu'on peut, pendant que c'est encore légal." A la réflexion, il va aussi acheter un silencieux et un viseur télescopique.
John, 22 ans, un garçon costaud aux yeux bleus rieurs, et son épouse Becca, une jolie blonde de 24 ans, viennent d'acheter un fusil en parfait état pour 300 dollars, après un dur marchandage. John est content de lui : "C'est pour chasser le sanglier, et aussi pour notre protection. La région n'est pas aussi tranquille qu'elle en a l'air. Je bosse sur un chantier, et la majorité des gars de mon équipe ont un casier judiciaire..." Becca, qui travaille dans un salon de coiffure, n'a rien acheté, car elle possède déjà un fusil à pompe et une carabine 22 long rifle.
John avait voté républicain en novembre 2008, et la défaite l'a rendu très rebelle : "Je m'attends à ce que les démocrates essaient de me prendre mes armes, mais je ne me laisserai pas faire. Attrape-moi si tu peux. Si les lois sont trop sévères, les gens prendront des risques pour garder leurs armes." Malgré tout, John, fusil en main, fait la queue devant le guichet d'enregistrement. La Californie possède une législation plus stricte que celle des Etats voisins : il faut remplir un formulaire détaillé, puis présenter une pièce d'identité. Une préposée assise devant un ordinateur connecté à un fichier central vérifie que John n'a pas de casier judiciaire et n'est pas signalé comme malade mental. Puis John doit remettre son fusil à un armurier local, et ne pourra le récupérer que dans dix jours.
La Californie a aussi interdit certaines armes automatiques et les chargeurs de plus de dix cartouches. Enfin, le port d'arme dans les lieux publics est très réglementé. Ces contraintes bureaucratiques exaspèrent John : "Il y a deux ans, un jeune cinglé a tué 32 personnes sur un campus. Si les autres étudiants avaient été armés, il n'aurait fait que deux ou trois victimes avant d'être abattu. Mais il ne faut pas compter sur les démocrates pour aider les gens à se défendre."
Dans le hangar, tout le monde semble d'accord avec lui. On se souvient encore qu'en avril 2008, à San Francisco, en pleine campagne présidentielle, le candidat Obama s'était laissé aller à quelques commentaires sociologiques, sans savoir qu'il était filmé : "Vous allez dans ces petites villes (...), les emplois ont disparu depuis vingt-cinq ans et rien n'est venu les remplacer. Alors ce n'est pas étonnant, les gens deviennent amers, ils s'accrochent à leurs armes ou à leur religion..." Aussitôt, ses adversaires républicains avaient lancé une campagne médiatique décrivant Obama comme un élitiste, qui regardait vivre le petit peuple du haut de sa tour d'ivoire. Les amateurs d'armes à feu se sentirent particulièrement visés. Des groupes conservateurs créèrent des sites Internet expliquant que, si Obama était élu, il interdirait les armes, laissant les honnêtes gens à la merci des gangs.
Certains prédisaient même que la police ferait des fouilles maison par maison, ou que le gouvernement organiserait une pénurie de munitions. Face à cette offensive, l'équipe d'Obama avait publié régulièrement des communiqués rassurants : "Nous préconisons des mesures de bon sens, qui respectent les droits des propriétaires d'armes garantis par le deuxième amendement de la Constitution, tout en mettant les armes hors de portée des enfants et des criminels."
Ces mises au point n'ont pas entamé la méfiance des milieux conservateurs. Heb Crowley, petit barbichu souriant et volubile, propriétaire d'une armurerie dans une ville voisine et détenteur du plus gros stand du gun show, est formel : "Avant l'élection d'Obama, je vendais cinq à dix armes par semaine. Mais depuis qu'il a été élu, c'était plutôt cinq à dix par jour. Ensuite, la frénésie est retombée, mais les ventes restent fortes."
Commentaire