Annonce

Réduire
Aucune annonce.

Les banques calculent-elles correctement le risque de leurs activités?

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • Les banques calculent-elles correctement le risque de leurs activités?

    A l'heure où les banques publient leurs comptes, il est nécessaire de revenir sur la façon dont elles calculent le risque de leurs activités. Combien garder en cash pour faire face aux soubresauts des marchés ? Comment calculer le risque de moins value sur un produit structuré ? Comment mesurer le risque global d'un portefeuille d'actifs ? Ces questions sont au cœur de la finance.

    Le Document de référence 2008 de la Société Générale nous donne la réponse (toutes les banques font de même) : "aujourd'hui, l'essentiel des activités de marché de la banque d'investissement est couvert par un calcul en VaR, y compris les produits les plus complexes" (page 141). "VaR", c'est-à-dire Valeur à risque à 99%, le standard de l'industrie bancaire pour la mesure des risques, qui répond à cette question : combien puis-je perdre sur tel actif financier pour une période donnée et à un niveau de confiance (ici 99%) déterminé ?

    Le problème est que ce modèle a été complètement pris à défaut par la crise actuelle, comme l'explique par exemple le rapport "La crise des "subprimes"" du Conseil d'analyse économique (article de Michel Crouhy page 155). Le document de la Société Générale poursuit : "la valeur en risque à 99 % est le plus grand risque obtenu après élimination de 1% des occurrences les plus défavorables". Quid de ces 1% qui peuvent chambouler les marchés ?

    Et si plusieurs "limitations méthodologiques" sont énoncées, la principale est oubliée : le fait que la VaR s'appuie sur la loi normale (ou courbe de Gauss) qui minore grandement le risque sur les marchés financiers comme a pu le démontrer notamment Benoît Mandelbrot (1), ces "1%" de valeurs extrêmes se produisant en réalité beaucoup plus souvent qu'une fois sur cent ! Bien sûr, cette mesure est complétée par des "analyses de stress et des scénarios pour des environnements de crise", mais l'outil de calcul prédominant reste la VaR.

    Peut-on continuer ainsi ? On apprend, dans Capital de février dernier, citant le cabinet Innovest, que les crédits à la consommation aux Etats-Unis s'élèvent à 1000 milliards de dollars et que 70% d'entre eux ont été titrisés. Les défauts de paiement sont en forte augmentation et s'élèvent à 100 milliards de dollars, soit 10% du total. Un taux déjà très important, mais 10% de taux de défaut sur des produits titrisés (c'est-à-dire structurés et disséminés) provoquent une onde de choc qui excède largement le stock de départ de 700 milliards...

    Après les prêts immobiliers américains, les crédits à la consommation s'annoncent comme une autre vague destructrice pour la finance mondiale. Ces crédits ont été titrisés en utilisant la VaR, en prévoyant un taux de défaut bien inférieur ! Bien sûr à l'époque personne ne pouvait prévoir que le chômage exploserait et mettrait en péril un grand nombre de débiteurs, mais les crises économiques arrivent bien plus souvent que ne le laisse penser la très sage loi normale. Ce risque est-il bien pris en compte ? Quelle est l'exposition des banques françaises à ces produits ?

    On espère qu'elles ont laissé tomber la VaR pour privilégier une approche plus pragmatique, car 10% de taux de défaut sur le sous-jacent, cela veut dire que tous les produits structurés qui en sont issus entrent dans la zone rouge.

    On le voit, la crise actuelle remet en cause le modèle VaR lui-même. La solidité et la rentabilité des banques est mesurée avec un outil qui, c'est le moins que l'on puisse dire, ne donne pas satisfaction. Et c'est l'une des principales raisons de la crise actuelle, de la perte de confiance et de l'assèchement du marché interbancaire : les acteurs financiers utilisent un instrument de mesure incorrect, comme si un navigateur voulait tracer sa route avec un compas tordu.

    (1) Redécouvrir Benoît Mandelbrot en période de turbulences, La Tribune

    Par Philippe Herlin, chercheur en finance, La Tribune
Chargement...
X