L'article date de 2006.
Le journal qui l'a écrit n'a plus tribune. Et son fondateur est exilé aux US.
ça a changé depuis?
merci de rester correct et de débattre éoconomie
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L’appétit des hommes d’affaires du roi confine à la gloutonnerie. Ils ne voient aucun obstacle à leurs ambitions. Résultat : jamais la Monarchie n’a été aussi présente dans le secteur privé. La «alaouisation» succède à la privatisation. Au saut du lit, vous êtes comme bien des Marocains à vous envoyer derrière la cravate un bon bol de lait Salim saupoudré de sucre Cosumar et une barre de biscuit chocolatée Bimo dont vous vous approvisionnez chaque week-end chez Marjane ou chez Acima, la supérette du coin avec un pack d’eau minérale Aïn Saïss, un jerrican d’huile Lesieur, des Danone à la douzaine et des conserves Marona, etc…
Votre petit-déjeuner englouti, vous sautez dans votre nouvelle Peugeot 307 achetée à crédit auprès de votre banque Attijariwafa pour filer au boulot. Votre appartement, vous avez pu l’acquérir grâce à Wafa Immobilier et vous avez pu faire cet été une escapade en Turquie grâce à un prêt à la consommation contracté chez Cetelem. Banal, direz-vous, mais savez-vous cependant que toutes ces marques qui jalonnent votre quotidien appartiennent en partie au roi ?
On se souvient encore des rumeurs qui circulaient au début du règne de Mohammed VI sur l’éventualité d’un retrait de la famille royale du monde des affaires. En trame de fond, c'est un roi libéral, ouvert, désintéressé par les affaires qui compte se retirer de l'ONA.
A l’époque, le marché spéculait déjà sur un repreneur et le nom du magnat saoudien Walid Ibn Talal circulait même dans les salons. De l’eau a coulé sous les ponts depuis et de rumeur de retrait, il n’en est plus question. Bien au contraire, aujourd’hui le roi est plus que jamais présent dans le paysage économique du pays. Plus imposante fortune du pays, le roi est à la fois premier entrepreneur, premier banquier, premier exploitant agricole, etc…, «Monarque exécutif», comme il insiste à le rappeler dans certains de ses discours, ses pouvoirs constitutionnels lui confèrent le statut hégémonique de juge et partie. Une situation qui suscite de plus en plus de commentaires appuyés d’investisseurs nationaux mais aussi étrangers.
La prévalence de la monarchie dans le monde des affaires n’a jamais été aussi forte. Elle s’est accentuée depuis la mort de Hassan II. La nouvelle caste des «managers du roi», ceux-là même qui ont orchestré sa toute-puissance économique, s’en défendent. «Il n’est là que pour insuffler du dynamisme à l’économie nationale, les seuls problèmes concernent le déploiement d’une stratégie engluée par les erreurs du passé», rétorquent-ils à leurs détracteurs. L’argument qui veut que le chef de l’Etat soit aussi aux commandes de l’économie pour jouer la locomotive d’un royaume à la croissance poussive est bien court. La manière peu orthodoxe avec laquelle sont menées ses affaires et la prédation de ses holdings emboîtés en poupées russes depuis son accession au trône contredisent cette argumentation.
En réalité, le business du monarque va mal, très mal , «c’est un Titanic dans le brouillard de la Mer du Nord» pour reprendre l’expression d’un diplomate qui n’hésite pas à parler de «magma proteiforme et balourd» quand les porte-voix du roi parlent de stratégie, de recentrage et de relais de croissance.
Un business laminé
Le fer de lance de la fortune royale reste sans conteste le groupe ONA-SNI et son chapelet de filiales, une sorte de «Maroc SA» ainsi qu’on le surnomme dans le microcosme des affaires. Une fusée à multiples étages dont le spoutnik SIGER (dirigé par Hassan Bouhemou, transfuge de la BMCE et tête pensante de Mohamed Mounir Majidi, M. Business du souverain) est le point culminant, une sorte de portefeuille nimbé de mystères qui contrôle, par le jeu complexe des participations, un large pan de l’économie de base. Et pour cause, ses sociétés interviennent dans tous les secteurs vitaux de l’économie nationale (agroalimentaire, finance, mines, distribution, télécoms…). A sa mort, Hassan II lègue à son fils un Omnium affaibli par une opération désastreuse qui laissera le groupe endetté jusqu’au cou.
1999, Hassan II affaibli par la maladie suit ses affaires de loin. Une bataille acharnée embrasera la place de Casablanca. Elle opposera le tout-puissant Othman Benjelloun, le seul vrai raider qu’a connu le pays, à l’ONA. Le magnat de la finance, grisé par les succès de son groupe BMCE, commet aux yeux du Makhzen un crime de lèse-majesté. Il cherchera à faire main basse sur la SNI via le marché boursier. Coup de bluff ou tentative réelle de se mesurer à la Couronne ? Les avis divergent, toujours est-il que la bataille sera remportée par l'ONA qui n'a pas hésité à abattre la carte politique pour briser l’élan du banquier pour lequel penchait la balance du marché. Freiné dans son ambition par les principaux investisseurs institutionnels dont les patrons étaient nommés par dahir. A l’époque, on arguera que Benjelloun n’était pas un modèle de bonne gouvernance.
Il était inadmissible, après ses turpitudes dans le dossier Saïda Star Auto de le voir s’emparer de l’empire du Roi. Non seulement Benjelloun a dû renoncer à son OPA déguisée sur la SNI et décroiser ses participations avec l’ONA, mais il a également failli y perdre sa banque…Il tiendra sa revanche plus tard lorsqu’il ira jusqu’à s’offrir pour administrateur de sa filiale londonienne un certain M. Cooke, l’inventeur des règles prudentielles bancaires, histoire de rire sous cape des mésaventures de ses ennemis jurés.
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