J’apporte le témoignage de ma participation à un accrochage de l’ALN avec l’armée française au douar Si Mohamed Aklouche, dans la daïra de Cherchell, région III zone II de la wilaya IV. Notre commando portait le nom de notre valeureux chahid Si Zoubir,de son vrai nom Tayeb Souleimane, tué le 22 février 1957 au douar Sebaghnia, dans la région de Blida, lors d’une opération héliportée de parachutistes où 27 lycéens, dont une jeune fille, ont trouvé la mort.
Notre commando est composé de 36 moudjahidine dont l’âge varie entre 17 et 27 ans. Chacun de nous avait fait ses preuves de courage dans une mission de fidayine. Notre chef Si Moussa, son adjoint Si Ahmed Khelassi et Chamouni Abdelkader, tous les trois sont originaires de Aïn Defla et déserteurs de l’armée française lors de la guerre d’Indochine. Parmi nos compagnons, trois ou quatre ont fait leur service militaire (tels Brakni Si Braham, Maâmar Si Maâmar de Oued-Djer) ce qui nous avait beaucoup servi avec leurs instructions militaires et leurs connaissances des armes.
Le mercredi 24 avril 1957, nous étions sur la route de Cherchell qui mène vers les montagnes du Zaccar ; durant cette journée l’ennemi ne s’est pas manifesté à part l’aviation qui survolait la région. En fin d’après-midi, nous avons regagné nos refuges au douar Hayouna, dans la daïra de Cherchell.
Un agent de liaison apporta une lettre du capitaine Si Slimane que Si Moussa m’avait donné à lire. Elle faisait état des interventions fréquentes (presque tous les jours) des parachutistes au douar Sidi Mohand Aklouche pour terroriser les habitants il nous demandait de les attaquer et mettre fin à leurs agissements néfastes.
Après un repos de quelques heures au douar Hayouna, nous sommes partis en direction de Sidi Mohand Aklouche. Il nous a fallu 7 heures de marche pour arriver au douar. Il faisait froid, le vent était glacial, il était 3 heures du matin, Si Moussa à choisi un emplacement pour une éventuelle embuscade, malheureusement l’ennemi ne s’est pas manifesté. Nous sommes sortis de la forêt vers 16 heures pour aller au douar voisin. Les habitants étaient étonnés de nous voir, se demandaient d’où nous sortions. Ils nous ont accueillis chaleureusement en se pressant de nous préparer les refuges pour nous permettre de nous reposer.
Le jeudi 25 avril 1957 c’était la veille du 27e jour du ramadan «leïlat El Kadr», le moudjahid Si Abderahmane Sahnoun d’El Biar—l’infirmier de notre Commando—nous avait promis de nous préparer une bonne zlabia dont il détient la recette de sa mère. En attendant El Maghreb, nous nous sommes baignés dans les eaux limpides de l’Oued, nous étions heureux comme des enfants, jouant avec l’eau, donnant des coups sur le dos de notre compagnons Si Listiklal qui nous dit : «faites ce que vous voulez, demain Incha Allah, je sens que je vais vous quitter, je vous devancerais au Paradis, je serais chahid Incha Allah.» Nous lui répondions que nous le serons avant lui, tout en continuant à le frapper.
Après la rupture du jeûne «El-f'tour» nous avons dégusté la succulente zlabia préparée par Si Abderahmane. Nous avons chanté des hymnes patriotiques «Min djibalina, fidaou El Djazaïr …etc.» Après, nous avons fait notre prière en demandant à Dieu de nous faire sortir victorieux de la bataille de demain. Si Moussa nous demanda de nous reposer quelques heures pour être en forme, la journée de demain risque d’être dure.
Le vendredi 26 avril 1957, à 2 heures du matin, nous sommes sortis silencieusement du refuge. Nous avons repris notre emplacement de la veille à quelques centaines de mètres du douar Sidi Mohand Aklouche. Il faisait toujours froid, nous n’étions pas loin du littoral et de la route nationale reliant Cherchell à Gouraya. Le ronflement des moteurs nous parvenait vers 4 heures du matin, mais on ne pouvait pas le situer. Entre le douar et l’endroit où nous sommes embusqués, il y’avait une clairière et un champ de blé et tout à coup nous avons aperçus des soldats français. Les uns encerclaient le douar, les autres, en formation de combat avançaient vers nous. Nous avons compris que nous avons été trahis, c’est normal, car nous sommes restés trop longtemps dans le secteur, alors que d’habitude nous ne restons pas plus d’une journée au maximum.
Notre plan d’attaque n’étant plus valable, il fallait changer de tactique. Le soleil se levait à l’horizon, nous ne pouvions leur faire face. Si Moussa nous ordonna un repli rapide. Tous, au fond de nous, voulions combattre, nous avions l’avantage d’être dans la forêt, l’ennemi se trouvait à découvert. Si Moussa voulait surtout gagner du temps, trouver une autre position stratégique. Une distance de 50 à 60 mètres nous séparait de l’ennemi, qui avançait toujours. Nous entendions les ordres de leur commandant qui disait «avancez, avancez et tirez à volonté».
Ils commencèrent à tirer sur nous. Nous étions un peu inquiets, car nous avons reçu l’ordre de ne pas répondre. Si Moussa nous ordonna le repli vers l’arrière. L’ennemi continuait à tirer, heureusement que nous étions dans la forêt, les arbres nous protégeaient des balles.
Le commandant français continuait à donner des ordres à ses soldats : «Avancez, avancez, tirez.» Pour freiner leur élan, le moudjahid Si Mahmoud Enemri, de Hammam-Melouane, tira sur eux quelques rafales de sa mitraillette Thomson américaine pour les bloquer. Notre repli consistait à occuper une crête élevée d’une montagne et pour cela, nous devons traverser un terrain découvert de quelques dizaines de mètres. En face, l’ennemi avait placé un fusil mitrailleur pour nous empêcher d’accéder à ce point stratégique qu’est la crête, que lui aussi convoitait. Pour nous couvrir, Si Moussa avait pris position derrière un rocher, il tirait en direction du fusil mitrailleur pour le neutraliser en nous disant «vite, vite, à la crête». On devait passer un par un, couverts par les tirs de la carabine US de Si Moussa. A notre droite se trouvaient les paras qui couraient pour prendre la crête. Le moudjahid Si Tahar a atteint le sommet de la crête le premier, il a pris position et tirait sur les paras avec son fusil pour les stopper ; en tirant, il crie «Allahou Akbar» sur les paras et nous fait des appels : «Avancez, mes frères, avancez.» Nous sommes tous passés sans aucune perte humaine, nous avons devancé les paras en prenant les haut des montagnes.
Sur cette crête de la montagne, il y avait trois pitons distants l’un de l’autre d’environ 10 mètres. Nous étions trois groupes de onze moudjahidine. Si Moussa plaça un groupe sur chaque piton. Nous nous sommes installés avec beaucoup de calme, nous étions prêts à faire face à l’ennemi. Notre position dominait tout le terrain, ont pouvait voir tous les déplacements des soldats français. L’ennemi nous aurait en face.
Il y avait le 29e bataillon de tirailleurs qui avait sa base à Fontaine du Génie, actuellement Hadjrat Ennous, à droite les soldats martiniquais et sénégalais, à gauche les parachutistes. Nous étions heureux tout en observant le mouvement de l’ennemi qui se préparait à nous attaquer. Il était 8 heures du matin, c’est trop tôt pour nous, le temps n’était pas à notre avantage. Nous aurions souhaité que ce soit l’après-midi pour pouvoir replier à l’approche de la nuit. Nous étions joyeux, Dieu nous a donné cette occasion, cette journée du vendredi pour combattre et mourir en ce 27e jour du mois sacré de ramadan. Nous chantions Min djibalina, faisant entre nous les adieux, souhaitons la mort, nous donnant rendez-vous au Paradis.
Notre frère Istiklal, qui nous disait qu’il serait le premier au Paradis, était plus joyeux que nous. Nous lui avons donné le surnom d’Istiklal lors d’une discussion sur l’avenir de notre pays. Notre compagnon Istiklal — de son vrai nom Benmira Tayeb — ne comprenait pas le sens du mot Istiklal (indépendance). Il nous a demandé de lui en expliquer le sens. On lui avait dit : «Quand on chassera le colonialisme français et son armée, l’Algérie retrouvera son indépendance.» Si Tayeb ne comprenait pas, il disait «moi je combats pour mourir en tant que moudjahid fi sabil Allah», et c’est à partir de ce jour que nous l’avons surnommé Si l’Istiklal.
Une partie des soldats français se trouvant à notre droite a reçu l’ordre d’avancer pour nous attaquer. Si Moussa ordonna au chef de groupe, Si Larbi d’El-Attaf, de descendre en contrebas, à une dizaine de mètres de notre position, lui demandant de laisser approcher l’ennemi le plus près possible de ne pas faire l’assaut (el-houdjoum) lui ordonnant le repli à la position initiale après les tirs sur la première vague de soldats.
Notre commando est composé de 36 moudjahidine dont l’âge varie entre 17 et 27 ans. Chacun de nous avait fait ses preuves de courage dans une mission de fidayine. Notre chef Si Moussa, son adjoint Si Ahmed Khelassi et Chamouni Abdelkader, tous les trois sont originaires de Aïn Defla et déserteurs de l’armée française lors de la guerre d’Indochine. Parmi nos compagnons, trois ou quatre ont fait leur service militaire (tels Brakni Si Braham, Maâmar Si Maâmar de Oued-Djer) ce qui nous avait beaucoup servi avec leurs instructions militaires et leurs connaissances des armes.
Le mercredi 24 avril 1957, nous étions sur la route de Cherchell qui mène vers les montagnes du Zaccar ; durant cette journée l’ennemi ne s’est pas manifesté à part l’aviation qui survolait la région. En fin d’après-midi, nous avons regagné nos refuges au douar Hayouna, dans la daïra de Cherchell.
Un agent de liaison apporta une lettre du capitaine Si Slimane que Si Moussa m’avait donné à lire. Elle faisait état des interventions fréquentes (presque tous les jours) des parachutistes au douar Sidi Mohand Aklouche pour terroriser les habitants il nous demandait de les attaquer et mettre fin à leurs agissements néfastes.
Après un repos de quelques heures au douar Hayouna, nous sommes partis en direction de Sidi Mohand Aklouche. Il nous a fallu 7 heures de marche pour arriver au douar. Il faisait froid, le vent était glacial, il était 3 heures du matin, Si Moussa à choisi un emplacement pour une éventuelle embuscade, malheureusement l’ennemi ne s’est pas manifesté. Nous sommes sortis de la forêt vers 16 heures pour aller au douar voisin. Les habitants étaient étonnés de nous voir, se demandaient d’où nous sortions. Ils nous ont accueillis chaleureusement en se pressant de nous préparer les refuges pour nous permettre de nous reposer.
Le jeudi 25 avril 1957 c’était la veille du 27e jour du ramadan «leïlat El Kadr», le moudjahid Si Abderahmane Sahnoun d’El Biar—l’infirmier de notre Commando—nous avait promis de nous préparer une bonne zlabia dont il détient la recette de sa mère. En attendant El Maghreb, nous nous sommes baignés dans les eaux limpides de l’Oued, nous étions heureux comme des enfants, jouant avec l’eau, donnant des coups sur le dos de notre compagnons Si Listiklal qui nous dit : «faites ce que vous voulez, demain Incha Allah, je sens que je vais vous quitter, je vous devancerais au Paradis, je serais chahid Incha Allah.» Nous lui répondions que nous le serons avant lui, tout en continuant à le frapper.
Après la rupture du jeûne «El-f'tour» nous avons dégusté la succulente zlabia préparée par Si Abderahmane. Nous avons chanté des hymnes patriotiques «Min djibalina, fidaou El Djazaïr …etc.» Après, nous avons fait notre prière en demandant à Dieu de nous faire sortir victorieux de la bataille de demain. Si Moussa nous demanda de nous reposer quelques heures pour être en forme, la journée de demain risque d’être dure.
Le vendredi 26 avril 1957, à 2 heures du matin, nous sommes sortis silencieusement du refuge. Nous avons repris notre emplacement de la veille à quelques centaines de mètres du douar Sidi Mohand Aklouche. Il faisait toujours froid, nous n’étions pas loin du littoral et de la route nationale reliant Cherchell à Gouraya. Le ronflement des moteurs nous parvenait vers 4 heures du matin, mais on ne pouvait pas le situer. Entre le douar et l’endroit où nous sommes embusqués, il y’avait une clairière et un champ de blé et tout à coup nous avons aperçus des soldats français. Les uns encerclaient le douar, les autres, en formation de combat avançaient vers nous. Nous avons compris que nous avons été trahis, c’est normal, car nous sommes restés trop longtemps dans le secteur, alors que d’habitude nous ne restons pas plus d’une journée au maximum.
Notre plan d’attaque n’étant plus valable, il fallait changer de tactique. Le soleil se levait à l’horizon, nous ne pouvions leur faire face. Si Moussa nous ordonna un repli rapide. Tous, au fond de nous, voulions combattre, nous avions l’avantage d’être dans la forêt, l’ennemi se trouvait à découvert. Si Moussa voulait surtout gagner du temps, trouver une autre position stratégique. Une distance de 50 à 60 mètres nous séparait de l’ennemi, qui avançait toujours. Nous entendions les ordres de leur commandant qui disait «avancez, avancez et tirez à volonté».
Ils commencèrent à tirer sur nous. Nous étions un peu inquiets, car nous avons reçu l’ordre de ne pas répondre. Si Moussa nous ordonna le repli vers l’arrière. L’ennemi continuait à tirer, heureusement que nous étions dans la forêt, les arbres nous protégeaient des balles.
Le commandant français continuait à donner des ordres à ses soldats : «Avancez, avancez, tirez.» Pour freiner leur élan, le moudjahid Si Mahmoud Enemri, de Hammam-Melouane, tira sur eux quelques rafales de sa mitraillette Thomson américaine pour les bloquer. Notre repli consistait à occuper une crête élevée d’une montagne et pour cela, nous devons traverser un terrain découvert de quelques dizaines de mètres. En face, l’ennemi avait placé un fusil mitrailleur pour nous empêcher d’accéder à ce point stratégique qu’est la crête, que lui aussi convoitait. Pour nous couvrir, Si Moussa avait pris position derrière un rocher, il tirait en direction du fusil mitrailleur pour le neutraliser en nous disant «vite, vite, à la crête». On devait passer un par un, couverts par les tirs de la carabine US de Si Moussa. A notre droite se trouvaient les paras qui couraient pour prendre la crête. Le moudjahid Si Tahar a atteint le sommet de la crête le premier, il a pris position et tirait sur les paras avec son fusil pour les stopper ; en tirant, il crie «Allahou Akbar» sur les paras et nous fait des appels : «Avancez, mes frères, avancez.» Nous sommes tous passés sans aucune perte humaine, nous avons devancé les paras en prenant les haut des montagnes.
Sur cette crête de la montagne, il y avait trois pitons distants l’un de l’autre d’environ 10 mètres. Nous étions trois groupes de onze moudjahidine. Si Moussa plaça un groupe sur chaque piton. Nous nous sommes installés avec beaucoup de calme, nous étions prêts à faire face à l’ennemi. Notre position dominait tout le terrain, ont pouvait voir tous les déplacements des soldats français. L’ennemi nous aurait en face.
Il y avait le 29e bataillon de tirailleurs qui avait sa base à Fontaine du Génie, actuellement Hadjrat Ennous, à droite les soldats martiniquais et sénégalais, à gauche les parachutistes. Nous étions heureux tout en observant le mouvement de l’ennemi qui se préparait à nous attaquer. Il était 8 heures du matin, c’est trop tôt pour nous, le temps n’était pas à notre avantage. Nous aurions souhaité que ce soit l’après-midi pour pouvoir replier à l’approche de la nuit. Nous étions joyeux, Dieu nous a donné cette occasion, cette journée du vendredi pour combattre et mourir en ce 27e jour du mois sacré de ramadan. Nous chantions Min djibalina, faisant entre nous les adieux, souhaitons la mort, nous donnant rendez-vous au Paradis.
Notre frère Istiklal, qui nous disait qu’il serait le premier au Paradis, était plus joyeux que nous. Nous lui avons donné le surnom d’Istiklal lors d’une discussion sur l’avenir de notre pays. Notre compagnon Istiklal — de son vrai nom Benmira Tayeb — ne comprenait pas le sens du mot Istiklal (indépendance). Il nous a demandé de lui en expliquer le sens. On lui avait dit : «Quand on chassera le colonialisme français et son armée, l’Algérie retrouvera son indépendance.» Si Tayeb ne comprenait pas, il disait «moi je combats pour mourir en tant que moudjahid fi sabil Allah», et c’est à partir de ce jour que nous l’avons surnommé Si l’Istiklal.
Une partie des soldats français se trouvant à notre droite a reçu l’ordre d’avancer pour nous attaquer. Si Moussa ordonna au chef de groupe, Si Larbi d’El-Attaf, de descendre en contrebas, à une dizaine de mètres de notre position, lui demandant de laisser approcher l’ennemi le plus près possible de ne pas faire l’assaut (el-houdjoum) lui ordonnant le repli à la position initiale après les tirs sur la première vague de soldats.
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