Entretien (Samedi 21 Mars 2009)
Le politologue Mohamed-Chafik Mesbah à liberté
“La société se cherche un exutoire pour exprimer ses attentes”
Par : SALIM KOUDIL
Lu : (63 fois)
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Mohamed-Chafik Mesbah qui vient de publier Problématique Algérie, fut tour à tour, universitaire, journaliste et officier supérieur de l’ANP. Il a bien accepté de répondre à quelques questions pour nous parler de son ouvrage…
Liberté : Vous venez de publier Problématique Algérie alors que se prépare le scrutin présidentiel du mois d’avril prochain. C’est un choix de date délibéré ou une simple coïncidence ?
Mohamed-Chafik Mesbah : Je ne vise aucun objectif politicien. J’assigne à ma production intellectuelle un but, essentiellement pédagogique. Il s’agit, sur la base de mon potentiel de connaissances ainsi que de mon expérience pratique, d’apporter un nouvel éclairage sur les origines de la crise nationale avec un diagnostic circonstancié de l’état des lieux. Mon itinéraire personnel me permet d’ouvrir des pistes de réflexion inédites en vue, notamment, d’une meilleure appréciation du rôle de l’institution militaire le long de l’évolution de cette crise. Bref, j’accomplis mon devoir d’intellectuel. Pour le reste, c’est par pure coïncidence que la publication de ce livre intervient la veille du scrutin présidentiel à venir…
Dans l’esquisse biographique que comporte votre livre, vous affirmez que vos “chefs de l’heure” n’ont rien ménagé pour freiner votre élan professionnel. Sont-ils parvenus à leurs fins ?
Honnêtement, je ne peux pas affirmer qu’au sein de l’ANP, j’ai été, systématiquement, en butte à l’hostilité de chefs militaires, incultes et hargneux. J’ai eu le bonheur de vivre des moments de grande plénitude avec des chefs militaires qui ont apprécié mes qualités et tenté même de me propulser vers le haut de la hiérarchie. D’autres chefs ont manifesté, à mon égard, une grande incompréhension. Il ne s’agissait pas, de leur part, d’une volonté de nuire personnelle. Eux-mêmes étaient prisonniers d’un mode de fonctionnement, celui du système en général et de l’institution en particulier, qui ne permettait pas de s’accommoder de la contestation, de l’innovation, encore moins de l’audace. À un moment donné, j’ai pris conscience que ma vision ne pouvait pas, à échéance raisonnable, prévaloir. Il m’a fallu tirer les conclusions.
Vous manifestez un attachement affectif ostensible pour l’institution militaire. Vous n’en êtes pas moins très sévère vis-à-vis du commandement militaire de l’époque lequel, à vous en croire, aurait raté, en 1992, un rendez-vous déterminant avec l’histoire. Expliquez-vous…
Je considère, en effet, que les chefs militaires qui ont pris la décision d’interrompre le processus électoral en 1992 ont péché par manque de perspicacité dans l’identification de la menace. Ils s’en sont tenus à la seule menace physique que représentait le FIS qui a dégénéré, effectivement, en groupuscules terroristes, mais en occultant l’état général des lieux avec l’obligation de transformation d’un système frappé d’obsolescence. Certes, rien ne préparait ces chefs militaires à assumer cette tâche complexe. Étaient-ils fondés, pour autant, à céder les leviers de commande à des relais – des canaux d’intermédiation – dont l’ancrage historique, social et politique était des plus contestables ? Si l’objectif de la hiérarchie militaire avait consisté à faire barrage à la violence nihiliste tout en proposant un projet national fondateur, sans doute aurait-il été préférable que le haut commandement, sans fausse pudeur, aboutisse, rapidement, à un accord de fond avec les forces vives réelles du pays ou, à défaut, temporairement, exerce, lui-même, le pouvoir.
Comment pouvez-vous être aussi catégorique lorsque vous affirmez que le président Bouteflika, en rajeunissant l’encadrement de l’ANP, l’a éloigné de toute velléité d’interférence sur la scène politique ?
L’observation et l’analyse des évolutions en cours au sein de la hiérarchie militaire me permettent, en effet, d’aboutir à cette conclusion. L’âge, le niveau d’instruction, le degré de formation ainsi que les motivations idéologiques au sein de la chaîne actuelle de commandement sont de nature à éloigner, pas de rapprocher, les nouveaux chefs militaires des démons de la politique. À moins d’un péril majeur, je ne les vois pas s’encombrer de préoccupations liées à l’actualité politique…
Selon vous, pourquoi le Président de la République n’aurait pas procédé, avec les services de renseignement, de la même manière que pour les forces armées ?
Je ne crois pas que le Chef de l’Etat ait renoncé à agir sur les services de renseignement. Il procède, plutôt, par étapes. Il a déjà, subtilement, coupé – avec le départ du précédent chef d’état-major de l’ANP – le lien ombilical qui reliait ces services au corps de bataille. J’imagine qu’il s’apprête à les rattacher, à terme, à la présidence de la République. En réalité, la question fondamentale se rapporte à l’objectif qui serait assigné à cette adaptation des services de renseignement. S’agit-il de renforcer leurs missions de contrôle sur la société ou d’insuffler leurs missions de protection de la société ?
Liberté : Vous venez de publier Problématique Algérie alors que se prépare le scrutin présidentiel du mois d’avril prochain. C’est un choix de date délibéré ou une simple coïncidence ?
Mohamed-Chafik Mesbah : Je ne vise aucun objectif politicien. J’assigne à ma production intellectuelle un but, essentiellement pédagogique. Il s’agit, sur la base de mon potentiel de connaissances ainsi que de mon expérience pratique, d’apporter un nouvel éclairage sur les origines de la crise nationale avec un diagnostic circonstancié de l’état des lieux. Mon itinéraire personnel me permet d’ouvrir des pistes de réflexion inédites en vue, notamment, d’une meilleure appréciation du rôle de l’institution militaire le long de l’évolution de cette crise. Bref, j’accomplis mon devoir d’intellectuel. Pour le reste, c’est par pure coïncidence que la publication de ce livre intervient la veille du scrutin présidentiel à venir…
Dans l’esquisse biographique que comporte votre livre, vous affirmez que vos “chefs de l’heure” n’ont rien ménagé pour freiner votre élan professionnel. Sont-ils parvenus à leurs fins ?
Honnêtement, je ne peux pas affirmer qu’au sein de l’ANP, j’ai été, systématiquement, en butte à l’hostilité de chefs militaires, incultes et hargneux. J’ai eu le bonheur de vivre des moments de grande plénitude avec des chefs militaires qui ont apprécié mes qualités et tenté même de me propulser vers le haut de la hiérarchie. D’autres chefs ont manifesté, à mon égard, une grande incompréhension. Il ne s’agissait pas, de leur part, d’une volonté de nuire personnelle. Eux-mêmes étaient prisonniers d’un mode de fonctionnement, celui du système en général et de l’institution en particulier, qui ne permettait pas de s’accommoder de la contestation, de l’innovation, encore moins de l’audace. À un moment donné, j’ai pris conscience que ma vision ne pouvait pas, à échéance raisonnable, prévaloir. Il m’a fallu tirer les conclusions.
Vous manifestez un attachement affectif ostensible pour l’institution militaire. Vous n’en êtes pas moins très sévère vis-à-vis du commandement militaire de l’époque lequel, à vous en croire, aurait raté, en 1992, un rendez-vous déterminant avec l’histoire. Expliquez-vous…
Je considère, en effet, que les chefs militaires qui ont pris la décision d’interrompre le processus électoral en 1992 ont péché par manque de perspicacité dans l’identification de la menace. Ils s’en sont tenus à la seule menace physique que représentait le FIS qui a dégénéré, effectivement, en groupuscules terroristes, mais en occultant l’état général des lieux avec l’obligation de transformation d’un système frappé d’obsolescence. Certes, rien ne préparait ces chefs militaires à assumer cette tâche complexe. Étaient-ils fondés, pour autant, à céder les leviers de commande à des relais – des canaux d’intermédiation – dont l’ancrage historique, social et politique était des plus contestables ? Si l’objectif de la hiérarchie militaire avait consisté à faire barrage à la violence nihiliste tout en proposant un projet national fondateur, sans doute aurait-il été préférable que le haut commandement, sans fausse pudeur, aboutisse, rapidement, à un accord de fond avec les forces vives réelles du pays ou, à défaut, temporairement, exerce, lui-même, le pouvoir.
Comment pouvez-vous être aussi catégorique lorsque vous affirmez que le président Bouteflika, en rajeunissant l’encadrement de l’ANP, l’a éloigné de toute velléité d’interférence sur la scène politique ?
L’observation et l’analyse des évolutions en cours au sein de la hiérarchie militaire me permettent, en effet, d’aboutir à cette conclusion. L’âge, le niveau d’instruction, le degré de formation ainsi que les motivations idéologiques au sein de la chaîne actuelle de commandement sont de nature à éloigner, pas de rapprocher, les nouveaux chefs militaires des démons de la politique. À moins d’un péril majeur, je ne les vois pas s’encombrer de préoccupations liées à l’actualité politique…
Selon vous, pourquoi le Président de la République n’aurait pas procédé, avec les services de renseignement, de la même manière que pour les forces armées ?
Je ne crois pas que le Chef de l’Etat ait renoncé à agir sur les services de renseignement. Il procède, plutôt, par étapes. Il a déjà, subtilement, coupé – avec le départ du précédent chef d’état-major de l’ANP – le lien ombilical qui reliait ces services au corps de bataille. J’imagine qu’il s’apprête à les rattacher, à terme, à la présidence de la République. En réalité, la question fondamentale se rapporte à l’objectif qui serait assigné à cette adaptation des services de renseignement. S’agit-il de renforcer leurs missions de contrôle sur la société ou d’insuffler leurs missions de protection de la société ?
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