Par Mehdi Sekkouri Alaoui
Exclusif. La ville verte du prince rougeL’autorisation de construire de Bab Zaër, grand projet immobilier de Moulay Hicham, se fait attendre depuis deux ans. Un retard en signe de refus royal ? Le cousin le plus célèbre de Mohammed VI reste serein.
“Je quitte le Maroc pour mettre fin à une ambiance malsaine, car ce qui était censé être un débat d’idées est devenu un bras de fer sécuritaire”. Tout le monde se souvient de la déclaration faite à la presse par le prince Moulay Hicham, le lendemain de son exil volontaire. Le 23
Une ville écologique
“C’est l’expérience la plus radicale jamais mise au point dans le domaine de la construction. L’idée est de bâtir une ville autonome, dont la trame générale est la préservation de l’environnement et le développement durable”, nous explique Tarik Oualalou, l’architecte en chef du projet et, accessoirement, fils de l’ancien ministre socialiste des Finances. Le site choisi est à une trentaine de kilomètres de Rabat, précisément dans la commune d’Oum Azza : 3000 hectares de terres agricoles et de forêt légués par Moulay Abdellah. Son fils rêve de faire surgir de terre cette première ville du genre. Mais, concrètement, qu’est-ce qui fera l’originalité de Bab Zaër ? Contrairement aux villes “traditionnelles”, elle se distinguera d’abord, d’après ses promoteurs, par sa faible densité. “Alors qu’une ville comme Tamesna, par exemple, avec ses 1500 hectares s’attend à recevoir 140 000 habitants, nous, par contre, nous tablons sur 100 000 habitants maximum.
Nous donnerons beaucoup de place à la verdure, un tiers du terrain sera classé réserve naturelle, donc inconstructible”, poursuit Tarik Oualalou. Bab Zaër vise également le titre de première ville autosuffisante en eau. Ceci grâce à une quinzaine de barrages qui seront construits sur le site, en plus d’un “système élaboré de rétention, de récolte des eaux de pluie, de drainage superficiel et de recyclage, qui permettra à la ville d’être indépendante du réseau public extérieur de distribution”. Ne pouvant se substituer totalement au réseau classique, l’électricité verte y sera quand même très présente. Le solaire sera généralisé pour la production de l’eau chaude et de l’éclairage public. Autre promesse des promoteurs : Bab Zaër sera la ville la moins polluée du Maroc. Comment ? “C’est tout simple, répond Oualalou, la circulation motorisée sera réduite au maximum. Nous allons privilégier les transports en commun écologiques et les déplacements à pied ou à vélo. Quant aux industries, leurs émissions de CO2 et de gaz à effet de serre seront rigoureusement contrôlées”.
Une ville “gratuite”
Autre originalité de Bab Zaër : l’Etat ne mettra pas la main à la poche pour construire les infrastructures de base (routes, barrages, assainissement, postes de police, hôpitaux, etc.), comme il est d’usage pour n’importe quelle ville marocaine. La société d’aménagement de Bab Zaër (SDBZ), que dirige le cousin de Mohammed VI, propose de livrer une ville clé en main, en prenant en charge l’ensemble des travaux, estimés à 150 millions de dollars. Cerise sur le gâteau : la SDBZ offre également des dizaines d’hectares pour une université et son campus, qui portera le nom de Moulay Abdellah. “Nous souhaiterions y donner naissance à un pôle d’excellence régional. Des universités de marque ont été approchées pour en former le noyau dur”, précise Moulay Hicham.
Une fois l’infrastructure de base mise en place, il restera à vendre des parcelles que lotiront des promoteurs. “Mais ils ne pourront pas construire n’importe comment, prévient Tarik Oualalou. Ils devront respecter un cahier de charges très strict”. Florilège : les promoteurs n’ont pas le droit de construire des bâtiments de plus de quatre étages. Ils doivent éviter les barres de béton et sont obligés d’utiliser des matériaux de construction écologiques “constitués à partir de matières renouvelables ou recyclées et justifiant d’un label environnemental”. Ils devront également installer des équipements sanitaires économes en eau potable et des toitures spéciales pour la récupération de l’eau de pluie, qui sera destinée à l’arrosage des jardins, au nettoyage et à l’alimentation des sanitaires. Pour être strict, le cahier de charges l’est donc… Les exigences “vertes”, forcément coûteuses, ne risquent-elles pas au final de décourager les promoteurs ? “Pas du tout, répond Oualalou. Etant donné que le foncier nous appartient déjà, nous allons pouvoir vendre 20 à 30% moins cher que la concurrence”.
Une ville “en retard”
Initialement, Bab Zaër devait recevoir ses premiers habitants en 2010. Mais au jour d’aujourd’hui, pas le moindre coup de pioche. La raison ? Moulay Hicham n’a toujours pas décroché l’autorisation de construire du ministère de l’Habitat et de l’Urbanisme. “Depuis plus de deux ans, nous nous concertons régulièrement avec le ministère”, explique Tarik Oualalou, qui affirme avoir reçu un accord de principe, mais seulement sur le tiers de la superficie. “On nous propose de commencer par construire une première tranche sur 1000 hectares. Nous sommes quand même preneurs”, annonce l’architecte, qui regrette que les choses n’avancent pas aussi vite qu’il le souhaite. Pourtant tout laissait penser que le projet princier allait passer comme une lettre à la poste.
Et pour cause, ses promoteurs n’ont rien laissé au hasard. Moulay Hicham s’était entouré d’une équipe de trente personnes, composée d’architectes, d’ingénieurs et d’économistes marocains et étrangers de renom, qui ont travaillé dur comme fer ces trois dernières années pour concevoir Bab Zaër. Un bureau d’études indien, spécialisé dans le développement durable, a même été appelé en renfort. “Nous avons tout fait dans les règles de l’art”, commente le prince rouge, qui affirme avoir déjà dépensé trois millions d’euros dans l’affaire. Alors pourquoi le ministère tarde-t-il à délivrer le précieux sésame ? L’identité du porteur du projet y serait-t-elle pour quelque chose ? “Non, non, cela n’a rien à voir, nous répond cette source au département de Taoufik Hejira, ministre de l’Habitat. Le traitement de ce dossier suit son cours normal. Et Moulay Hicham sera traité comme n’importe quel autre investisseur”.
Toujours est-il que le silence radio des autorités semble refroidir les associés au projet. Moulay Ismaïl et Lalla Zineb seraient de moins en moins enthousiastes à poursuivre l’aventure avec leur frère aîné. “Les deux commencent à interpréter ce retard du ministère de l’Habitat et de l’Urbanisme comme un éventuel refus qui ne dit pas son nom”, explique un proche de la famille. Et d’ajouter : “Moulay Ismaïl ne veut pas prendre de risques. Il se retrouve coincé entre son loyalisme pour son roi et son amour pour son frère. Quant à Lalla Zineb, elle est influencée par son mari, Mohamed Benslimane, qui ne tient pas spécialement à être associé à Moulay Hicham”. Mais ce dernier ne perd pas espoir. “Je n’ai aucun jugement à faire. Je compte poursuivre mon effort pour faire aboutir ce projet. Si cela aboutit, tant mieux. Sinon, tant pis”, conclut-il.
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