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Exploitation et misère des saisonniers au Mexique

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  • Exploitation et misère des saisonniers au Mexique

    A Tlapa de Comonfort, dans l’Etat de Guerrero [Etat montagneux et pauvre du Sud], María Teresa Gregorio vit dans une maison au sol en terre battue et aux murs fabriqués en tiges de carex. A l’intérieur, il n’y a qu’un grabat et un tas de briques cassées sur lequel est posé le comal [sorte de poêle pour faire les tortillas]. Il y a neuf ans, elle a perdu son mari et, pour ne pas mourir de faim, elle a dû partir avec ses quatre enfants travailler comme journalière dans les champs de Sinaloa. Mais la mort l’a rattrapée. L’une de ses trois filles, âgée de 9 ans, est morte écrasée sous un conteneur de tomates pendant la récolte. María Teresa ne parle que le nahuatl [une langue indienne] ; à 48 ans, elle ne sait ni lire ni écrire. A Campo Conejo, où le drame est arrivé, on lui a refusé toute indemnisation. Elle a dû payer seule les frais d’obsèques de son enfant. Elle a depuis une dette de 15 000 pesos [772 euros] et vit avec 25 pesos par jour.

    “Les journaliers sont des migrants, en majorité des Indiens, ce qui les rend extrêmement vulnérables. Ils sont pauvres, marginalisés, analphabètes et ne parlent pas l’espagnol”, rappelle Margarita Nemecio, coordinatrice du centre d’accueil des migrants Tlachinollan dans l’Etat de Guerrero. Selon l’ONU, Tlapa de Comonfort fait partie des villes mexicaines affichant les taux de développement humain les plus bas. A Ayotzinapan, l’un des quartiers de la ville, quelques rares habitants ont des maisons en dur, grâce à des années d’économies sur leur maigre salaire gagné dans les champs du Nord. Sur les 360 familles qui vivent ici, 300 au moins partent chaque année en novembre pour ne revenir que l’été suivant. Leur alimentation, comme dans les dix-huit autres communes qui forment la région de La Montaña, se compose essentiellement de Coca-Cola et de frites. La malnutrition touche tout le monde.

    Six mois d’affilée sans un jour de repos


    Chaque année, 200 000 saisonniers migrent du Sud vers le Nord pour les récoltes maraîchères : 20 000 d’entre eux sont des Indiens. Environ 46 % de ces travailleurs sont âgés de moins de 15 ans. Rien ne peut arrêter le flux des migrations. Les autorités municipales sont incapables de créer les emplois qui permettraient d’enrayer en grande partie le phénomène, reconnaît le maire, Willy Reyes. “Le seul moyen d’arrêter ce cercle vicieux serait de créer des emplois là où vivent les gens, mais il faut être lucide : les conditions géographiques sont mauvaises, les sols dans la montagne ne sont pas fertiles. Il n’y a aucun moyen, ni techniquement ni en termes de développement, d’y créer des emplois”, explique-t-il. Les 42 villages et les 14 hameaux qui dépendent du gouvernement local n’ont d’autre moyen de subsistance que les revenus que gagnent les familles dans l’agriculture du nord du pays, quand elles n’émigrent pas vers les Etats-Unis. Mais les ouvriers, qui travaillent six mois d’affilée sans un seul jour de repos, reviennent avec de bien maigres économies pour survivre jusqu’à la saison suivante.

    De plus, ce travail coûte la vie à de nombreuses personnes. Les maladies chroniques dégénératives dues aux pesticides sont la première cause de mortalité chez ces populations. Mais la principale inquiétude con*cerne le travail des enfants, qui voient leurs droits les plus élémentaires bafoués. Beaucoup d’entre eux souffrent de séquelles irréversibles ou meurent dans les champs. Ismael de los Santos Barrera avait 1 an et 7 mois le 7 février, quand il est mort écrasé par un camion de 8 tonnes qui faisait des manœuvres sur le champ El Sol, à Navolato, dans l’Etat de Sinaloa. Ses parents, âgés de 17 et 16 ans, étaient assis par terre dans le champ où ils récoltaient des haricots quand le chauffeur a perdu le con*trôle de son véhicule et a écrasé l’enfant. Le couple était employé sans aucune protection sociale. La famille était arrivée du Sud en décembre. Ce sont des Indiens Me’phaas, que les employeurs qualifient de “rebelles” parce qu’ils osent revendiquer leurs droits. Ismael a été enterré sur place.

    Pour l’heure, la justice de Sinaloa n’a pas trouvé de responsable pénal de la mort du petit garçon, ni obligé qui que ce soit à indemniser les parents. Ces affaires bouleversent l’opinion publique. Une vingtaine d’associations ont publié un communiqué de presse, début mars, pour exiger “la fin de l’ethnocide contre les enfants indiens”. “Aucune institution ne veille au respect des droits des enfants indiens migrants. Chaque année, les cas de violations graves des droits de l’homme, avec des morts violentes de petits garçons et de petites filles travaillant ou jouant sur les exploitations agricoles, se multiplient”, dénonce le communiqué.

    Par Ignacio Alvarado Alvarez, El Universal Courrier international
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