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Le prix de la modernité économique

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  • Le prix de la modernité économique

    par Abed Charef, Le Quotidien d'Oran, 26 mars 2009

    Les pays du Golfe ont perdu beaucoup d'argent dans la crise actuelle. C'était le tribut pour entrer dans l'économie moderne.
    La modernité économique a un prix. Celui-ci peut être financièrement très élevé. Pour accéder aux grands marchés, à la finance internationale, aux principales bourses mondiales et aux grands centres de la finance, les pays arabes ont été contraints de payer un prix effarant.

    Ils ont d'abord subi les gaspillages de toutes sortes, avec de l'argent investi à perte, placé dans des opérations douteuses, ou celles destinées à aider des dirigeants amis. C'était aussi l'époque des contrats de complaisance et des dessous de table. Depuis six mois, les pays arabes font une autre expérience, celles des pertes abyssales subies à la faveur de la crise économique qui a ébranlé le monde à partir du second semestre 2008.

    S'il est difficile de dire combien les pays arabes ont « donné » à l'Occident avant la crise, certains dirigeants ont tenté d'évaluer les pertes directement liées à la crise économique. Fin janvier, le ministre koweitien des Affaires étrangères, Cheikh Mohammad Sabah al-Salem al-Sabah, estimait ces pertes à 2.500 milliards de dollars, soit vingt fois le PIB de l'Algérie !
    Dans le détail, ces pertes sont dues, à 40 pour cent, à la chute de la valeur des investissements arabes à l'étranger, et à une perte de 600 milliards de dollars causée par l'effondrement des marchés boursiers. A cela s'ajoute la chute brutale des revenus pétroliers : le brut vaut aujourd'hui un tiers de sa valeur de l'été 2008.

    Pour l'anecdote, les 50 personnes les plus fortunées du monde arabe, en dehors des hommes politiques, ont perdu près de 50 milliards de dollars en raison de la crise, soit près d'un demi-milliard chacun. Le palme revient à Cheikh Walid Ben Talal, un prince de la famille royale saoudienne, dont la fortune a fondu de près de 4.5 milliards de dollars.

    Il faut tout de même nuancer le sens et l'impact de ces pertes. En rappelant d'abord une évidence : ne perdent de l'argent que ceux qui en ont. Ne perdent à la bourse que ceux qui y investissent. Et si ces pays, ces personnes ou ces groupes économiques perdent aujourd'hui de l'argent, il n'est pas inutile de rappeler qu'ils avaient aussi gagné des fortunes grâce à leurs placements dans les marchés occidentaux. A un point tel que les revenus des services financiers dépassent, pour certains, les revenus des hydrocarbures.

    Dubaï a ainsi réussi, en 2008, à réduire de 5 pour cent la part des hydrocarbures dans ses recettes, malgré la flambée des prix du pétrole. Pour nombre de pays de la région, s'affranchir de la dépendance des hydrocarbures n'est pas un objectif irréaliste, tant les revenus de leurs placements à l'étranger sont devenus importants. Ceci au moment où, en Algérie, le pétrole renforce sa position dans les recettes extérieures du pays !

    Cette différence entre l'Algérie et certains pays, connus pour leur dynamisme et la réactivité de leurs systèmes, se traduit par une attitude radicalement opposée envers la finance internationale. Autant l'Algérie est frileuse, incapable de se doter d'une doctrine et d'établir des choix, autant les pays du Golfe semblent déterminés à aller de l'avant, pour devenir de vrais acteurs de l'économie mondiale. A un point tel que, malgré la crise, de nombreux fonds souverains du Golfe continuent d'investir dans des secteurs pourtant considérés comme difficiles.
    Ainsi, un fonds d'Abou Dhabi vient de mettre 1,95 milliard d'euros pour porter son capital à 9,1 pour cent du groupe automobile allemand Daimler. La nouvelle a fait sensation dans la mesure où l'automobile est le secteur que tout le monde a tendance aujourd'hui à fuir.

    « C'est précisément ce qui fait son intérêt », affirme cependant un spécialiste. Pour lui, «le gros de la tempête est passé. Le secteur automobile a mangé son pain noir. Ses actions se sont effondrées. Maintenant, elles sont au plus bas. C'est le moment de faire ses courses, en rachetant à bas prix des entreprises qui peuvent avoir de l'avenir», précise-t-il. Daimler a perdu 60 pour cent de sa valeur. Il est difficile d'imaginer qu'elle peut aller plus bas, malgré quelques doutes.
    Autre curiosité qui mérite d'être signalée : la frénésie d'achats d'entreprises et de placements en Europe et aux Etats-Unis ne se limite pas aux riches pays du Golfe, mais même la Libye a fait son entrée dans ce monde. Elle a ainsi acquis pour 1,5 milliard d'euros, près de quatre pour cent de la première banque italienne, Unicredit, dont elle est devenue le second actionnaire. La Libye est aussi actionnaire dans de grands symboles italiens, comme Fiat et la Juventus de Turin, dont des institutions libyennes détiennent sept pour cent du capital !

    La Libye a payé un lourd tribu politique et économique pour entrer dans ce monde. Les pays du Golfe ont aussi payé un droit d'entrée, ainsi qu'une lourde pénalité, avec les pertes dues à la crise. Mais, entre-temps, ils ont franchi le pas, mettant en place de redoutables instruments financiers, qui leur ont permis de s'implanter dans les fleurons de l'entreprise occidentale : EADS, Veolia, Vinci, Citigroup, Daimler, Mercedes, etc.
    Pendant ce temps, l'Algérie ne sait toujours pas quoi faire de la première banque du pays, le Crédit Populaire d'Algérie.
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