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Les enjeux géopolitiques de l'Arctique

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  • Les enjeux géopolitiques de l'Arctique

    Les enjeux géopolitique qui caractérisent la région de l’Arctique sont véritablement de nature circumpolaire et mettent en évidence les intérêts concurrents et complémentaires des huit États qui bordent l’océan Arctique : le Canada, le Danemark (Groenland), les États-Unis, la Finlande, l’Islande, la Norvège, la Russie et la Suède. Dans le passé, la géographie, le climat et, par-dessus tout, les idéologies politiques divergentes et la méfiance ont nui aux interactions de ces États à l’égard de l’Arctique, mais celles-ci se sont multipliées et intensifiées au cours des dernières décennies, ce qui témoigne des bouleversements survenus dans la région. Cette évolution, colorée par la dynamique propre aux États circumpolaires, a entraîné un renforcement de l’identité régionale dans l’Arctique.

    Caractéristiques générales de la géopolitique de l’Arctique


    La dynamique géopolitique de l’Arctique est de nature changeante et dépend de différents facteurs. Par exemple, l’importance politique ou géographique de l’État n’a pas une incidence proportionnelle sur cette dynamique : de petits et de grands États ont réussi à affirmer leurs intérêts. La dynamique dépend des enjeux : certains sont résolus multilatéralement, et d’autres, bilatéralement. De même, des conflits d’intérêts et des initiatives conjointes peuvent se produire simultanément, peu importe si les parties en cause sont des alliés ou des adversaires. L’Arctique ne fait pas non plus partie du patrimoine naturel mondial comme le pôle opposé, l’Antarctique. Sa géopolitique est plutôt fondée sur les intérêts, directs ou indirects, conflictuels ou communs, des États dont le territoire se situe en partie ou en entier dans les régions les plus nordiques de la planète. Le fait que ces États sont très développés constitue une caractéristique importante de la géopolitique de la région. Tous ces facteurs réunis forment la géopolitique de l’Arctique.

    Statut secondaire historique

    Contrairement à d’autres territoires et continents, l’Arctique n’a pas fait l’objet de conquêtes territoriales brutales ou de concurrence féroce. Il a plutôt été un corollaire des enjeux extrarégionaux dans les relations interétatiques.

    Le statut secondaire de l’Arctique était particulièrement évident pendant la guerre froide, une période d’environ 40 ans marquée par une profonde méfiance entre les États-Unis et ses alliés de l’Ouest, d’une part, et l’Union soviétique et ses alliés de l’Est, d’autre part. L’affrontement Est-Ouest était axé sur les habitants et les systèmes économiques et politiques de l’Europe continentale; c’est donc là que les camps opposés ont affecté leurs ressources et ont concentré leurs premières actions. Contrairement à d’autres régions du monde qui ont servi de théâtre d’affrontement par procuration pendant la guerre froide, l’Arctique a joué un rôle auxiliaire en tant que région offrant la voie la plus courte à partir de laquelle des technologies de défense de plus en plus pointues, comme les bombardiers à long rayon d’action, les sous-marins et les missiles, pouvaient être dirigées sur un adversaire. Dans le même ordre d’idées, l’Arctique a servi de base permettant de déceler rapidement de telles menaces. En d’autres mots, cette région n’était pas convoitée pour elle-même, mais plutôt pour son utilité sur le plan stratégique.

    Pendant la guerre froide, le statut secondaire de l’Arctique s’est précisé à mesure que les politiques étrangères des pays circumpolaires ont mûri et se sont développées, et que ces pays ont voulu établir des relations plus prometteuses et plus enrichissantes sur les plans de l’économie, de la politique et de la sécurité avec leurs voisins (États ou régions) situés au sud, ou du moins dans leur hémisphère immédiat ou transatlantique, plutôt qu’avec leurs voisins transarctiques. Par exemple, les pays nordiques de l’Europe ont été amenés à se joindre à des organismes comme le Conseil nordique (Danemark, Finlande, Islande, Norvège, Suède et leurs parlements infranationaux), l’Union européenne (Danemark, Finlande, Suède), l’Association européenne de libre-échange (Islande, Norvège) et l’OTAN (Danemark, Islande, Norvège). D’ailleurs, l’orientation baltique de la Suède est souvent invoquée pour rejeter ses prétentions d’État de l’Arctique. Dans le cas de la Finlande, les relations étrangères étaient dominées par la neutralité et définies par une relation spéciale avec l’Union soviétique. Celle-ci (devenue plus tard la Russie) était préoccupée par des intérêts stratégiques et le maintien de l’empire et mettait l’accent sur ses relations avec les pays du Pacte de Varsovie de l’Europe de l’Est et avec les États voisins situés le long de sa longue frontière au sud. Quant au Canada, ses priorités concernant l’économie et la sécurité, continentales ou transatlantiques, étaient de plus en plus définies par sa relation avec les États-Unis, eux-mêmes préoccupés par les tensions Est-Ouest.

    Géopolitique contemporaine

    La fin de la guerre froide a eu différentes répercussions sur l’importance relative de l’Arctique parmi les enjeux géopolitiques des États circumpolaires : d’une part, elle a diminué l’importance que revêtait l’Arctique pour la défense de l’Amérique du Nord; en revanche, les différends concernant la souveraineté qui persistaient en sourdine ont continué d’envenimer les relations. De plus, la géopolitique de l’Arctique a été influencée par de nouveaux enjeux – notamment les changements climatiques – qui ont rehaussé le profil de l’Arctique dans la dynamique des politiques étrangères. Voilà comment on en est venu à dépeindre la région dans certains milieux, particulièrement les médias, comme un foyer de conflits interétatiques réels et potentiels.

    Différends relatifs à la souveraineté

    L’enjeu géopolitique le plus fondamental des États arctiques est sans contredit la souveraineté, et plus particulièrement les intérêts, les politiques et les actions qui affirment la souveraineté des États les uns par rapport aux autres dans la région, comme la délimitation des frontières, les zones économiques exclusives (ZEE) et les principes juridiques internationaux régissant l’accès aux passages marins (voir l’encadré ci-dessus). Même si ces différends ne sont pas généralisés, leur existence et leur persistance donnent l’impression d’un foisonnement de conflits territoriaux dans l’Arctique.

    Le fait que ces conflits n’ont pas été réglés exacerbe les sensibilités géopolitiques des États en question. Des incidents isolés – intentionnels ou non, légers ou graves – ont dès lors été perçus comme des violations de la souveraineté et des droits d’accès, ce qui a eu pour effet d’élever la température géopolitique dans la région et, semble-t-il, de faire régner un climat de soupçon et de méfiance entre les États circumpolaires.

    Un profil accentué pour l’Arctique

    Dans les politiques étrangères des pays intéressés, le profil de l’Arctique a pris de l’importance depuis une vingtaine d’années, en grande partie à cause des changements climatiques et de leurs répercussions sur l’avenir de la région. Les effets des changements climatiques ont soit intensifié les conflits géopolitiques existants, soit provoqué de nouveaux conflits ou ouvert la voie à d’autres conflits. Par exemple, la fonte de la glace de mer a relancé les spéculations sur la possibilité d’utiliser davantage le passage du Nord-Ouest pour expédier des biens entre l’Europe et l’Asie. On prévoit que le raccourcissement de la distance pourrait réduire les coûts d’expédition, d’où l’intérêt de ce passage en remplacement du canal de Panama. Ainsi, la question de savoir si le passage du Nord-Ouest constitue un détroit international ou des eaux intérieures canadiennes prend une nouvelle dimension dans la relation entre le Canada et les États-Unis, parce qu’une décision finale concernant son statut déterminerait comment il y a lieu de réglementer l’augmentation du trafic maritime(3).

    De plus, la fonte de la glace de mer a facilité les efforts déployés par des États comme la Russie, le Canada et le Danemark pour effectuer le travail de cartographie nécessaire à la délimitation de leur plateau continental respectif en vertu de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (UNCLOS) de 1982, et ainsi soutenir leurs revendications juridiques pour en retirer des droits potentiellement lucratifs. Les résultats de ces démarches ont beaucoup retenu l’attention des médias et l’impression que le climat déjà chargé de soupçons et de méfiance s’exacerbait. L’annonce préliminaire des résultats indique d’ailleurs que le Canada et la Russie pourraient se trouver en conflit par rapport à la dorsale Lomonosov, qui s’étend sous l’océan Arctique entre l’Amérique du Nord et l’Eurasie. La réaction observée chez les Canadiens à l’été 2007, lorsque la Russie a déposé un drapeau dans une capsule en titane au fond de l’océan Arctique afin de démontrer sa capacité technologique, illustre bien la politisation croissante de la question. De fait, on s’attend à ce que les revendications territoriales et maritimes éventuellement contradictoires continuent de caractériser la géopolitique de l’Arctique pendant encore de nombreuses années, particulièrement en raison des longues procédures judiciaires internationales que nécessitera leur règlement.

  • #2
    Les changements climatiques dans l’Arctique, de même que l’amélioration des technologies et des conditions du marché, ont également facilité l’accès accru aux ressources naturelles de la région(4). Jusqu’à maintenant, la plupart des pays de l’Arctique limitaient leurs activités d’extraction aux territoires où leur souveraineté était reconnue. Toutefois, le fait que la plupart s’entendent pour croire à l’existence de vastes ressources encore inexploitées dans l’Arctique(5) a fait grimper les enjeux des différends frontaliers non résolus et risque de durcir les positions de négociation, particulièrement en ce qui touche les conflits entre la Norvège et la Russie dans la mer de Barents, entre les États-Unis et le Canada dans la mer de Beaufort, et entre la Russie et les États-Unis dans la mer de Béring (voir l’encadré).

    Les mesures prises et les annonces faites récemment par les États circumpolaires confirment l’importance actuelle et croissante du nouveau profil de l’Arctique. Par exemple, plusieurs dirigeants militaires américains ont affirmé, en août 2008, que les États-Unis doivent porter une plus grande attention aux risques sur le plan de la sécurité que posent dans la région les changements climatiques, l’accès accru et la mise en valeur des ressources. L’évaluation de la capacité des États-Unis, notamment en ce qui concerne les brise-glaces, figure au nombre des mesures à prendre(6).

    Par ailleurs, l’Union européenne (UE) s’intéresse davantage à l’Arctique sur le plan des politiques. En 2006, elle a adopté une politique sur la dimension septentrionale en partenariat avec l’Islande, la Norvège et la Russie, pour encourager le dialogue et le développement durable dans le nord de l’Europe. On attend avec intérêt la diffusion, prévue pour 2008, d’une communication de la Commission européenne sur la région arctique qui devrait insister sur le rôle de l’UE pour ce qui est de protéger l’environnement et de gérer l’exploitation durable des ressources dans l’Arctique, et de jouer un rôle de premier plan visant une nouvelle entente multilatérale sur la gestion de cette région(7).

    De son côté, la Russie a accru son activité militaire dans la région, souvent à proximité des frontières internationales, ce qui amène les pays voisins à s’inquiéter de leur sécurité(8). En septembre 2008, le conseil national russe de la sécurité s’est réuni sur une base située dans un de ses territoires les plus septentrionaux, l’archipel François-Joseph. On rapporte également que le président russe Dmitri Medvedev veut voir adopter des lois qui délimiteront unilatéralement les frontières russes dans l’Arctique(9).

    Coopération et géopolitique dans l’Arctique

    Les enjeux géopolitiques ne sont pas uniquement des conflits de défense d’intérêts, même si c’est souvent le cas. Il peut aussi s’agir d’initiatives multilatérales de coopération permettant à un État de défendre ses intérêts vis-à-vis d’autres États. Ces initiatives de coopération sont souvent jugées souhaitables et même inévitables lorsqu’un État tente d’obtenir un résultat et qu’il ne peut y arriver unilatéralement. Il n’est pas rare que la coopération donne lieu à la mise en place plus ou moins officielle d’un palier de gouvernance où une compréhension mutuelle clarifie les intentions et aide à établir un climat de confiance.

    De même, les États du Nord circumpolaire ont conclu différentes ententes multilatérales qui leur permettent de gérer les attentes et de corriger les perceptions erronées. Pendant la guerre froide, ces ententes étaient généralement conclues par de petits groupes d’États, définis en sous-régions, comme nous l’avons dit plus tôt. Mentionnons l’entente conclue entre le Canada et les États-Unis ayant trait à la défense de l’Amérique du Nord(10), qui était elle-même un sous-ensemble de la coopération entre les États du Nord membres de l’OTAN (le Canada, le Danemark, les États-Unis, l’Islande et la Norvège), ou le regroupement des pays nordiques (le Danemark, la Finlande, l’Islande, la Norvège et la Suède). Les avantages de telles ententes sont manifestes dans le cas de l’Islande. Incapable de maintenir une force militaire, ce pays a dû conclure des alliances pour atteindre ses objectifs, parce que sa souveraineté et ses intérêts étaient menacés sur différents fronts. Malgré tout, dans des secteurs comme la coopération scientifique et technique et, dans une certaine mesure, le désarmement nucléaire, certaines ententes de coopération sur des préoccupations communes ont été conclues par des États adhérant à des idéologies différentes.

    Les institutions et les ententes relatives à l’Arctique n’avaient toutefois aucune chance de progresser avant la fin de la guerre froide. À cet égard, les préoccupations environnementales, comme les changements climatiques, la pollution et la protection des ressources, transcendent les frontières et les réactions unilatérales. Un des exemples les plus frappants a été l’UNCLOS, qui régit l’utilisation des océans et des mers de la planète, dont l’océan Arctique et ses mers avoisinantes, et qui vise en partie à assurer leur intégrité environnementale. La Stratégie de protection de l’environnement arctique de 1991, signée par les huit États circumpolaires, est une entente environnementale définie à l’échelon régional et selon laquelle les parties s’engagent à protéger l’environnement marin de l’Arctique, à répondre conjointement aux urgences, à protéger la flore et la faune, et à surveiller et à évaluer les contaminants(11).

    En 1996, le Conseil de l’Arctique, un forum intergouvernemental dirigé par le Canada, a été lancé de concert avec les huit États circumpolaires. Depuis, il agit à titre de principale association circumpolaire permettant de discuter des problèmes et des défis liés à l’environnement, au développement durable, et aux questions sociales et économiques. Il a intégré la Stratégie de protection de l’environnement arctique à ses activités et s’est penché sur d’autres enjeux environnementaux et non environnementaux, notamment la planification d’urgence et la prévention, ainsi que la santé des populations de l’Arctique. En octobre 2008, le Parlement européen a adopté une résolution dans laquelle il exhorte la Commission européenne à étudier la possibilité de siéger en tant qu’observateur au Conseil de l’Arctique et d’établir un bureau consacré à l’Arctique(12).

    Certaines initiatives multilatérales ont un caractère moins officiel. Par exemple, cinq des pays circumpolaires (Canada, Danemark, États-Unis, Norvège et Russie) se sont réunis au Groenland en mai 2008 et ont convenu de baser la résolution des revendications concurrentes sur les procédures établies par l’UNCLOS.

    Un aspect important de la coopération dans l’Arctique est l’existence de forums non gouvernementaux qui se préoccupent de plus en plus des intérêts des peuples et des nations – particulièrement les groupes autochtones – et de leurs liens interculturels. Les intérêts et les craintes non seulement des États, mais aussi des groupes non étatiques, ont donc eu une incidence sur la géopolitique de l’Arctique et lui ont donné une nouvelle dimension(13). Soulignons à ce propos la participation de ces groupes au Conseil de l’Arctique, de même que la création d’autres forums de coopération comme le Conseil circumpolaire inuit, l’Arctic Athabaskan Council, le Gwich’in Council International, l’Aleut International Association, l’Association russe des populations autochtones du Nord et le Saami Council. Ces groupes s’intéressent notamment à la promotion des droits et des intérêts des Autochtones à l’échelle internationale.

    Malgré la présence de ces conseils et organismes, l’Arctique ne dispose toujours d’aucun régime distinct, complet et élaboré permettant de gérer les comportements des États dans la région. Selon les tenants d’un tel régime, le rayon d’action des organismes et conseils existants est limité, le nombre de membres dont ils disposent est inégal, leurs processus décisionnels sont confus en raison de la variété des paliers en cause et leurs actions sont généralement inefficaces. Ils rappellent que les États-Unis n’ont toujours pas ratifié l’UNCLOS, même s’ils l’ont signée en 1994, et que cela pourrait miner l’efficacité potentielle de cette convention et la confiance des parties quant à son utilité pour ce qui est de gérer les attentes liées aux prolongements du plateau continental(14). Ainsi, sans régime complet abordant toutes les questions et regroupant tous les intervenants en cause (étatiques et non étatiques), le risque d’impressions erronées et d’inefficacité demeure présent(15).

    D’autres considèrent toutefois qu’une division du travail est utile et efficace et qu’il est avantageux de pouvoir compter sur une multitude d’organisations. À leur avis, les membres d’une organisation ont de meilleures chances d’obtenir des résultats s’ils se concentrent sur un nombre limité d’enjeux susceptibles de faire l’objet d’une entente. Il est donc logique que le Conseil de l’Arctique ne s’intéresse pas à des questions comme la sécurité et la défense, qui seraient fortement susceptibles de susciter la division et de nuire aux tentatives de collaboration(16).

    Conclusion


    Jusqu’à maintenant, la haute politique est absente du paysage géopolitique de l’Arctique. Cela pourrait toutefois changer, puisque l’on accorde toujours plus d’importance aux avantages et aux enjeux dont la région est porteuse. Au fur et à mesure que ce paysage se transformera, au sens propre et au sens figuré, la multitude d’acteurs du Nord et d’autres régions(17) – les États, les populations autochtones, les villes, les industries et les différents réseaux transfrontaliers – deviendra une caractéristique importante lorsqu’on examinera les intérêts dominants et la portée des initiatives de coopération. La manière dont l’identité régionale de l’Arctique continuera d’évoluer, et l’ampleur de cette évolution, restent à déterminer.

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    • #3
      Différends en suspens entre les États de la région de l’Arctique circumpolaire (1)

      Le Canada et le Danemark : l’île Hans. Une petite île (1,3 km2) non habitée située dans le détroit de l’Arctique entre le Groenland et l’île d’Ellesmere, l’île Hans est revendiquée à la fois par le Canada et le Danemark, qui ont convenu en 1973, alors qu’ils négociaient les limites de l’Arctique, de reporter la conclusion d’une entente finale à ce sujet. Depuis, le Danemark et le Canada ont tenté de réaffirmer leur souveraineté sur l’île en effectuant des visites diplomatiques et militaires irrégulières, ce qui suscite des protestations de l’autre pays.

      La Norvège et la Russie : la mer de Barents. Une entente conclue par la Norvège et la Russie en 1976 concernant la délimitation de la zone économique exclusive (ZEE) dans la mer de Barents exclut la région de 155 000 km2 désignée comme la « zone grise » entre l’archipel norvégien et les îles russes de Novaya Zemlya et l’archipel François-Joseph. Une entente sur la zone grise conclue entre les deux pays en 1978 gère leur accès à cette région pour des besoins économiques jusqu’à ce qu’une entente finale soit conclue; l’entente a été renouvelée tous les ans depuis 1978 par la Norvège et la Russie.

      Le Traité de Paris de 1920 a accordé à la Norvège la souveraineté sur l’archipel et l’île de Svalbard (anciennement Spitzberg) dans la mer de Barents. Par conséquent, depuis 1977, la Norvège se prévaut de la ZEE de 200 miles en vertu du droit international et y a établi des mesures de protection des pêches, malgré les protestations de la Russie qui soutient avoir des droits d’accès à la même région.

      La Russie et les États-Unis : la mer de Béring. En 1990, l’Union soviétique a signé avec les États-Unis une entente délimitant leurs frontières maritimes dans la mer de Béring, l’océan Arctique et le nord de l’océan Pacifique. Elle accorde une zone contestée de 50 000 km2 aux États Unis. Le parlement russe, la Douma, s’est opposé au transfert du territoire russe et à la perte des revenus générés par les ressources halieutiques. L’entente n’a donc pas été ratifiée par la Russie, qui a uniquement accepté de la respecter provisoirement(2). Le Sénat des États Unis a ratifié l’entente en 1991.

      Le Canada et les États-Unis : la mer de Beaufort et le passage du Nord-Ouest. Une convention conclue en 1825 par la Grande-Bretagne et la Russie établit une frontière maritime entre le territoire actuel de l’Alaska et le Canada le long du 141e méridien. Cette frontière a été remise en question en raison des richesses que cette zone renferme peut-être – pétrole marin et gisements de gaz. Les États-Unis rejettent la délimitation de 1825 et souhaitent en établir une autre à égale distance entre les deux masses terrestres. Le différend n’est toujours pas résolu.

      Le Canada considère que les eaux du passage du Nord-Ouest sont des eaux intérieures pour lesquelles il revendique le droit de contrôler la navigation et l’accès. Les États Unis considèrent quant à eux que les eaux constituent un détroit international et soutiennent que le contrôle et l’accès doivent être régis en conséquence.

      Sources

      1. Pour une présentation des revendications frontalières territoriales et maritimes, voir aussi François Côté et Robert Dufresne, L’Arctique : Les revendications juridiques du Canada, PRB 08-05F, Ottawa, Service d’information et de recherche parlementaires, Bibliothèque du Parlement, 24 octobre 2008, ainsi que Philippe Rekacewicz, « Géopolitique de l’Arctique : La course pour les ressources », Cartographier le présent : L’énergie du XXIe siècle : Enjeux, défis et perspectives, 19 octobre 2007, une carte de la région résumant les litiges entre les États de la région circumpolaire arctique (consultée le 23 octobre 2008).
      2. Pavel Baev, « Russia’s Race for the Arctic and the New Geopolitics of the North Pole » pdf (17 pages), Washington (DC), The Jamestown Foundation, document hors série, octobre 2007, p. 7.
      3. Pour une discussion sur les questions connexes, voir John Christopher et Eleanor Fast, L’Arctique : Transport, infrastructures et communications, PRB 08-08F, Ottawa, Service d’information et de recherche parlementaires, Bibliothèque du Parlement, 24 octobre 2008.
      4. Randy Boswell, « US stakes claim in Arctic sea », The Gazette [Montréal], 13 février 2008, p. A15.
      5. Pour une discussion sur le potentiel de production de ressources énergétiques dans l’Arctique, voir Frédéric Beauregard-Tellier, L’Arctique : Les hydrocarbures, PRB 08-07F, Ottawa, Service d’information et de recherche parlementaires, Bibliothèque du Parlement, 24 octobre 2008.
      6. Randy Boswell, « Canada’s Arctic sovereignty bid begins in ’busy place’ », National Post [Toronto], 22 août 2008, p. A8.
      7. Joe Borg, « The Arctic: A matter of concern to us all », allocution au Conseil des ministres des pays nordiques à la conférence « Common Concern for the Arctic », Ilulissat (Groenland), 9 septembre 2008.
      8. « The Arctic contest heats up », The Economist, 9 octobre 2008; Andrew Mayeda, « Russia watched ‘closely’ in Arctic », Ottawa Citizen, 20 août 2008, p. A3.
      9. Canadian Press Wire, « Medvedev says Arctic resources crucial for Russia’s economic future », 17 septembre 2008; Randy Boswell, « Russian leader pushes for Arctic boundaries: Medvedev’s goal might collide with Canadian territorial claims », National Post [Toronto], 18 septembre 2008, p. A8.
      10. Le NORAD a été créé en 1958 et s’appelait alors Commandement de la défense aérienne de l’Amérique du Nord. En 1981, l’appellation est devenue « Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord ». Pour une analyse complète et récente du NORAD, voir Joseph Jockel, Canada in NORAD, 1957–2007: A History, Montreal & Kingston, McGill-Queen’s University Press, 2007.
      11. Première conférence ministérielle sur la protection de l’environnement dans l’Arctique, Arctic Environmental Protection Strategy: Declaration on the Protection of Arctic Environment pdf (45 pages, 79.64ko), Rovaniemi (Finlande), 14 juin 1991.
      12. Tony Barber, « EU’s Arctic challenge », Financial Times, 9 octobre 2008.
      13. Sanjay Chaturvedi, « Arctic Geopolitics Then and Now », dans Mark Nuttall et Terry V. Callaghan (dir.), The Arctic: Environment, People, Policy, Amsterdam, Harwood Academic Publishers, 2000, p. 441 à 458 (p. 453).
      14. Boswell (13 février 2008).
      15. Randy Boswell, « Beware Danes’ Arctic agenda, Canada warned », Ottawa Citizen, 27 mai 2008, p. A5.
      16. Lassi Heininen et Heather N. Nicol, « The Importance of Northern Dimension Foreign Policies in the Geopolitics of the Circumpolar North », Geopolitics, vol. 12, no 2, 2007, p. 133 à 165; CBC News, « Denmark defends list of nations for Arctic meeting », 20 mai 2008.
      17. CBC News, « Non-northern nations get more interested in Arctic Council », 11 avril 2008.

      Par Natalie Mychajlyszyn, ivision des affaires internationales du commerce et des finances

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