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  • Le degré zéro du marketing politique.

    L’image des candidats entre folklore et improvisation
    Le degré zéro du marketing politique


    A chaque élection, le même constat : la communication politique peine à entrer dans nos mœurs électorales. Place du 1er Mai. Une bâche géante à l’effigie du président candidat, déployée sur la façade d’un immeuble, fait l’éloge de Boutef, avec à la clé ce long slogan : « Oui pour un troisième mandat au moudjahid, au militant, à l’homme du consensus Abdelaziz Bouteflika. » L’affiche est déclinée en vert, couleur de l’Islam et de l’emblème national. L’affiche n’est pas à attribuer à la direction de communication de Bouteflika. Elle porte plutôt la signature de « la société civile de la commune de Sidi M’hamed ».Il faut noter qu’elle était là bien avant le coup d’envoi de la campagne. En contrebas de l’immeuble, un panneau arbore les affiches des autres candidats, écrasés par la super-affiche de « Radjoul al ijmaa. »


    L’image, fort symbolique, en dit long sur le rapport de forces entre le président sortant et ses challengers. Cela renseigne également sur les moyens, tout à fait disproportionnés, dont disposent les uns et les autres.
    Tapis « bleu » pour Bouteflika
    Une simple balade dans Alger corrobore cette impression : la capitale semble s’être muée en une gigantesque machine de campagne au profit d’un seul candidat, Abdelaziz Bouteflika. L’immense poster plaqué sur la façade de la Chambre de commerce (place des Martyrs), les affiches géantes recouvrant le bâtiment de l’UGTA ou encore ces murs entiers tagués à l’effigie de Boutef, à l’image de la rue Debbih Chérif (ex-Cadix) à Alger-Centre, sans compter les mille et une autres raisons sociales, entre centre commercial, épicerie, kheïma, kasma, siège de parti, « tabla doukhane » ou institution, tous envahis jusqu’à l’overdose par les posters du Président, autant d’images qui confortent cette impression d’une « ville-affiche » déroulant un tapis « bleu » à « fakhamatouhou ».« Cela provoque un effet de saturation. Généralement, le bleu est une couleur apaisante. Mais là, c’est trop. Ça sature », relève Sofia Djama, copywriter à l’agence de publicité JWT.
    Si, en termes quantitatifs, le portrait de Bouteflika domine le paysage électoral, qu’en est-il sur le plan qualitatif ? A chaque élection, le même constat : le marketing politique peine à s’installer dans nos mœurs. La com des candidats demeure marquée par le même amateurisme, la même improvisation, les mêmes poncifs, les mêmes dépliants et les mêmes slogans peu originaux. Combien s’entourent de vrais conseillers en image et sollicitent leur coaching ? Combien ont une charte visuelle, une ligne graphique ? Combien accordent de l’intérêt à leur façon de s’habiller, de poser pour une séance photo, de parler face à la caméra, d’optimiser leurs temps d’antenne à la télé ou à la radio, de soigner la scénographie de leurs meetings... bref, de « vendre » leur image à défaut de leur programme politique ? « Malheureusement, nos candidats n’admettent toujours pas qu’il faut des stratèges en communication pour soigner leur image. Les créatifs sont ainsi exclus du débat », souligne Khaled Samar, concepteur visuel qui a, à son actif, plusieurs affiches politiques (lire interview).
    Symbolique naïve et clichés folkloriques
    Une lecture sémiologique sommaire du matériel visuel et de la signalétique de campagne des candidats en lice appuie ce constat. De l’avis de tous les spécialistes que nous avons consultés, l’imagerie des candidats trahit une indigence esthétique et artistique flagrante. Peu d’efforts ont été concédés par les postulants à la magistrature suprême pour soigner leur image, leurs discours et leur gestuelle. L’exemple le plus emblématique à ce propos est la qualité des affiches concoctées par les uns et les autres. Comme nous le disions, s’il est indéniable que les moyens financiers et logistiques penchent scandaleusement en faveur d’un seul candidat qui rafle tous les soutiens, en accaparant, qui plus est, tous les moyens de l’Etat, cela ne dispense pas ses concurrents de faire preuve d’imagination, précisément parce que leur rival a saturé le paysage par ses posters et sa rhétorique.
    Or ce qu’il y a de frappant en passant en revue les affiches déployées – pour ne nous en tenir qu’à ce matériel de campagne – c’est le caractère résolument « naïf » et « folklo » des supports ainsi utilisés. Gestuelle irrésolue, regard fuyant, couleurs kitsch, slogans barbants, symbolique nationaliste éculée, tout milite pour rendre les affiches électorales rébarbatives et les candidats sans relief. Sur plusieurs panneaux, l’affiche déclinée est celle où on lit « Alger vote Bouteflika ». Pourtant, le slogan officiel de la campagne de Bouteflika est « Une Algérie forte et sereine ». Problème : le slogan décliné en arabe n’est pas tout à fait le même. Il est traduit par : « Djazaïr qawiya wa amina ». Or, la traduction littérale de « amina » est « sûre » ou bien « sécurisée », l’équivalent exact de « sereine » étant « moutmaïna ».
    Ainsi, dans la campagne en français, il est fait référence à une Algérie qui a laissé définitivement le spectre du terrorisme dans le rétroviseur, tandis que la campagne en arabe laisse entendre que l’on est encore dans la rhétorique sécuritaire et que la pacification vient à peine d’être réalisée. Sans parler du « brouillage » induit par une campagne « spontanée » qui est le fait de toutes ces organisations satellites qui gravitent autour du camp présidentiel et autres soutiens pléthoriques qui y vont chacun de son lot d’affiches et de ses initiatives.
    « L’Algérie : une grande colonie de vacances »
    Chez la concurrence, la qualité de l’imagerie électorale laisse largement à désirer, comme l’illustre l’analyse faite des affiches de campagne par notre ami Khaled Samar (lire encadré). Si l’on s’appesantit sur les autres aspects de la communication des candidats, là aussi les carences sont légion. L’état des permanences électorales des compétiteurs de Bouteflika, le peu d’engagement de leur staff de communication, l’accès difficile à leurs programmes, la qualité de leurs sites internet (quand sites internet il y a), autant de détails qui renseignent sur le peu de professionnalisme des personnels qui entourent nos hommes (et nos femmes) politiques. En tout état de cause, le constat est là : la communication politique en Algérie demeure encore fondamentalement archaïque, folklorique et « FLNeuse ».
    « Bouteflika joue sur l’image du patriarche », résume notre confrère Mohamed Bouhamidi. Ces images de courtisans qui se jettent sur le burnous du président candidat, d’artistes (au talent contestable) qui chantent ses louanges dans un registre suranné en exhumant leurs vieux tubes des musées, ces chants folkloriques qui fusent à longueur de journée des permanences électorales, ces bus bondés de bambins qui sillonnent les rues de la capitale brandissant des casquettes floquées « Boutef président », toute cette ambiance très « années 1970 » n’est-elle pas, en définitive, l’incarnation même du projet de société porté par le président sortant ? « Bouteflika a transformé l’Algérie en une grande colonie de vacances », résume un cadre manifestement agacé par une campagne menée avec un zèle assourdissant.
    El Watan
    Mieux vaut un cauchemar qui finit qu’un rêve inaccessible qui ne finit pas…
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