: PREMIER JOUR DE VOTE POUR LES ALGÉRIENS DE FRANCE
Pas de rush, affluence timide
Samedi 4 avril, 9h30 mn : consulat général de Paris, à Jaurès, dans le XIXe arrondissement : une file d’une dizaine de personnes qui attendent d’entrer, les organisateurs ayant installé un contrôle des cartes d’électeurs pour orienter les arrivants vers les bureaux de vote et prendre en charge, pour les inscrire et les laisser voter, ceux qui ne sont pas munis de ces cartes.
De notre bureau de Paris, Khadidja Baba-Ahmed
Ce poste consulaire de Paris comprend 73 873 officiellement inscrits, soit le deuxième poste en importance numérique pour tout l’Hexagone. Dans l’immense salle qui nous fait face, la quarantaine d’électeurs n’a pas de mal à signer les registres, pas de file d’attente. C’est bien loin du rush, l’affluence n’est pas importante, mais le flot de tout petits groupes est régulier. Au simple coup d’œil aux urnes — en plexiglas transparent — pas beaucoup de bulletins déposés, mais il est vrai qu’il n’est que dix heures, soit deux heures après l’ouverture du scrutin. C’est, bien sûr, ce que nous dit M. Hassaïd, observateur officiel dans le bureau de vote du candidat Bouteflika. Il n’est pas le seul à «observer » pour le président-candidat: ils sont trois, assis en rang d’oignons, à scruter les entrées et sorties. Alors que nous nous éloignons, ma consœur d’ El Watan et moi-même, il nous rappelle pour nous dire : «S’il n’y a pas beaucoup de monde, c’est parce qu’on est samedi et que les électeurs sont d’abord allés faire leur marché. Vous allez voir, il y aura plus de monde cet après-midi.» Sur les murs, deux portraits géants et seulement deux : celui, bien sûr, du candidat Bouteflika et un autre, tout aussi grand, du candidat d’El Islah, Mohamed Djahid Younsi. Une électrice, la soixantaine, à qui nous demandons si elle pouvait nous dire pour qui elle a voté, nous répond, en arabe : «Pour errais Bouteflika, bien sûr.» Lorsque nous lui montrons le deuxième portrait et lui demandons si elle connaissait ce candidat, la réponse est nette : «Pas du tout, de toutes les façons, Bouteflika au moins on le connaît !» Discussion vive à quelques pas de là entre une représentante du candidat Bouteflika, encore une, députée du FLN de son état, et un jeune. Nous approchons ce jeune qui n’est autre que le représentant du candidat Younsi. Accessoirement, ce jeune, Djabri Ridha, est le demi-frère du candidat, avons-nous appris sur place. Pour lui, tout se passe normalement sauf «qu’il est anormal qu’en dehors des représentants du candidat Bouteflika et de notre candidat, il n’y ait aucun autre représentant pour les quatre autres adversaires». Lorsque nous lui faisons remarquer que son candidat a été totalement absent lors de la campagne électorale ici à Paris, il nous rétorque : «Nous n’avons pas les moyens de nous payer un avion pour venir en France battre campagne.» Vous avez tout de même eu un milliard et demi de centimes, non ? En guise de réponse : «Qu’est-ce que cette somme, cela ne fait que 150 000 euros.» Et d’enchaîner : «Malgré les faibles moyens qui nous ont été alloués, nous sommes les seuls, en dehors de Bouteflika, à s’être donné la peine d’apposer une affiche partout de notre candidat.» Le vice-consul et président de ce siège consulaire, Mohamed Bencharif, à qui nous demandons son sentiment sur ce début de scrutin, a eu cette réponse : «Vous le constatez vous-mêmes, c’est une ambiance conviviale et familiale» (quel doux euphémisme !). Au moment où il nous donnait quelques informations techniques et statistiques, il aperçoit l’ambassadeur qui venait voter. Il nous plaqua là aussi sec, en plein milieu de ses explications, pour rejoindre le premier diplomate. Nous aurons peut-être un peu plus de chances lors d’une prochaine virée.
Consulat de Bobigny : même affluence aussi timide
Le consulat de Bobigny est le poste consulaire qui regroupe le plus grand nombre d’électeurs en France, soit 85 575 inscrits. Vraiment très peu de monde sur le parcours qui nous y amène et pourtant il est midi passé. Après le passage par un service d’ordre qui fouille les sacs et autres bagages, nous pénétrons une vaste cour assez déserte, mais au loin, là aussi, une file de citoyens, 80 à 100 personnes, qui attendent d’être orientés vers les bureaux de vote. A l’intérieur de ces derniers, pas beaucoup de monde. L’organisation semble huilée, parfaite. Chérif Benfoddil, vice-consul et responsable de ce centre de vote, à qui nous demandons son point de vue sur ce début de scrutin, nous répond : «Je suis très satisfait, les choses se passent normalement et nous n’avons aucun problème matériel.» Quant à l’appréciation de l’affluence, sans vouloir s’engager, il se risque à dire qu’elle est meilleure que lors des dernières élections (législatives). Il ne va pas plus loin dans ses explications et nous met en contact avec Mme Mebarki Fouzia, chargée de la communication pour ce scrutin dans cette circonscription. Il faut relever que c’est là une première, même au consulat général, aucune personne n’a été spécialement dédiée à la communication et au contact avec la presse. La diplomate chargée de la communication nous explique que tout se passe bien et qu’il n’y a eu aucun incident et dans aucun des dix bureaux de vote ouverts pour la circonstance. Elle ajoute que si elle avait un commentaire à faire pour cette première matinée de vote, c’est celui relatif «au nombre plus important de femmes par rapport aux hommes alors qu’aux consultations précédentes, les femmes votaient généralement l’après-midi». Nous apercevons, là aussi, le représentant du candidat d’El Islah qui tourne partout. A la sortie, sur le long chemin qui nous mène au métro, nous abordons un couple venu voter accompagné de leur jeune enfant. «Nous vous avons vus voter tout à l’heure. Nous sommes journalistes. Est-ce que vous pourriez nous dire pourquoi vous avez voté et pour qui ?» «Nous avons voté pour être en règle et ne pas avoir la peur au ventre lorsque nous rentrons au pays si jamais ils nous demandaient notre carte d’électeur…» Il est très vite interrompu par sa femme qui lui demande d’arrêter et nous l’entendons lui crier : «Tu es très imprudent, et tu ne lui as même pas demandé pour quel journal elle travaille. »
K. B.-A.
Pas de rush, affluence timide
Samedi 4 avril, 9h30 mn : consulat général de Paris, à Jaurès, dans le XIXe arrondissement : une file d’une dizaine de personnes qui attendent d’entrer, les organisateurs ayant installé un contrôle des cartes d’électeurs pour orienter les arrivants vers les bureaux de vote et prendre en charge, pour les inscrire et les laisser voter, ceux qui ne sont pas munis de ces cartes.
De notre bureau de Paris, Khadidja Baba-Ahmed
Ce poste consulaire de Paris comprend 73 873 officiellement inscrits, soit le deuxième poste en importance numérique pour tout l’Hexagone. Dans l’immense salle qui nous fait face, la quarantaine d’électeurs n’a pas de mal à signer les registres, pas de file d’attente. C’est bien loin du rush, l’affluence n’est pas importante, mais le flot de tout petits groupes est régulier. Au simple coup d’œil aux urnes — en plexiglas transparent — pas beaucoup de bulletins déposés, mais il est vrai qu’il n’est que dix heures, soit deux heures après l’ouverture du scrutin. C’est, bien sûr, ce que nous dit M. Hassaïd, observateur officiel dans le bureau de vote du candidat Bouteflika. Il n’est pas le seul à «observer » pour le président-candidat: ils sont trois, assis en rang d’oignons, à scruter les entrées et sorties. Alors que nous nous éloignons, ma consœur d’ El Watan et moi-même, il nous rappelle pour nous dire : «S’il n’y a pas beaucoup de monde, c’est parce qu’on est samedi et que les électeurs sont d’abord allés faire leur marché. Vous allez voir, il y aura plus de monde cet après-midi.» Sur les murs, deux portraits géants et seulement deux : celui, bien sûr, du candidat Bouteflika et un autre, tout aussi grand, du candidat d’El Islah, Mohamed Djahid Younsi. Une électrice, la soixantaine, à qui nous demandons si elle pouvait nous dire pour qui elle a voté, nous répond, en arabe : «Pour errais Bouteflika, bien sûr.» Lorsque nous lui montrons le deuxième portrait et lui demandons si elle connaissait ce candidat, la réponse est nette : «Pas du tout, de toutes les façons, Bouteflika au moins on le connaît !» Discussion vive à quelques pas de là entre une représentante du candidat Bouteflika, encore une, députée du FLN de son état, et un jeune. Nous approchons ce jeune qui n’est autre que le représentant du candidat Younsi. Accessoirement, ce jeune, Djabri Ridha, est le demi-frère du candidat, avons-nous appris sur place. Pour lui, tout se passe normalement sauf «qu’il est anormal qu’en dehors des représentants du candidat Bouteflika et de notre candidat, il n’y ait aucun autre représentant pour les quatre autres adversaires». Lorsque nous lui faisons remarquer que son candidat a été totalement absent lors de la campagne électorale ici à Paris, il nous rétorque : «Nous n’avons pas les moyens de nous payer un avion pour venir en France battre campagne.» Vous avez tout de même eu un milliard et demi de centimes, non ? En guise de réponse : «Qu’est-ce que cette somme, cela ne fait que 150 000 euros.» Et d’enchaîner : «Malgré les faibles moyens qui nous ont été alloués, nous sommes les seuls, en dehors de Bouteflika, à s’être donné la peine d’apposer une affiche partout de notre candidat.» Le vice-consul et président de ce siège consulaire, Mohamed Bencharif, à qui nous demandons son sentiment sur ce début de scrutin, a eu cette réponse : «Vous le constatez vous-mêmes, c’est une ambiance conviviale et familiale» (quel doux euphémisme !). Au moment où il nous donnait quelques informations techniques et statistiques, il aperçoit l’ambassadeur qui venait voter. Il nous plaqua là aussi sec, en plein milieu de ses explications, pour rejoindre le premier diplomate. Nous aurons peut-être un peu plus de chances lors d’une prochaine virée.
Consulat de Bobigny : même affluence aussi timide
Le consulat de Bobigny est le poste consulaire qui regroupe le plus grand nombre d’électeurs en France, soit 85 575 inscrits. Vraiment très peu de monde sur le parcours qui nous y amène et pourtant il est midi passé. Après le passage par un service d’ordre qui fouille les sacs et autres bagages, nous pénétrons une vaste cour assez déserte, mais au loin, là aussi, une file de citoyens, 80 à 100 personnes, qui attendent d’être orientés vers les bureaux de vote. A l’intérieur de ces derniers, pas beaucoup de monde. L’organisation semble huilée, parfaite. Chérif Benfoddil, vice-consul et responsable de ce centre de vote, à qui nous demandons son point de vue sur ce début de scrutin, nous répond : «Je suis très satisfait, les choses se passent normalement et nous n’avons aucun problème matériel.» Quant à l’appréciation de l’affluence, sans vouloir s’engager, il se risque à dire qu’elle est meilleure que lors des dernières élections (législatives). Il ne va pas plus loin dans ses explications et nous met en contact avec Mme Mebarki Fouzia, chargée de la communication pour ce scrutin dans cette circonscription. Il faut relever que c’est là une première, même au consulat général, aucune personne n’a été spécialement dédiée à la communication et au contact avec la presse. La diplomate chargée de la communication nous explique que tout se passe bien et qu’il n’y a eu aucun incident et dans aucun des dix bureaux de vote ouverts pour la circonstance. Elle ajoute que si elle avait un commentaire à faire pour cette première matinée de vote, c’est celui relatif «au nombre plus important de femmes par rapport aux hommes alors qu’aux consultations précédentes, les femmes votaient généralement l’après-midi». Nous apercevons, là aussi, le représentant du candidat d’El Islah qui tourne partout. A la sortie, sur le long chemin qui nous mène au métro, nous abordons un couple venu voter accompagné de leur jeune enfant. «Nous vous avons vus voter tout à l’heure. Nous sommes journalistes. Est-ce que vous pourriez nous dire pourquoi vous avez voté et pour qui ?» «Nous avons voté pour être en règle et ne pas avoir la peur au ventre lorsque nous rentrons au pays si jamais ils nous demandaient notre carte d’électeur…» Il est très vite interrompu par sa femme qui lui demande d’arrêter et nous l’entendons lui crier : «Tu es très imprudent, et tu ne lui as même pas demandé pour quel journal elle travaille. »
K. B.-A.
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