Après l'avoir longtemps occulté, le Japon découvre le phénomène de pauvreté
Par LeMonde.fr
lun 06 avr, 13h36
Au fond d'une venelle dans le quartier central de Iidabashi à Tokyo, une simple pancarte de bois sur une petite maison d'un étage porte l'inscription 'Moyai' ('L'Amarrage'). Au rez-de-chaussée, à côté d'un minuscule bureau avec bibliothèque, une autre pièce dotée d'une longue table basse fait office de café-restaurant deux fois par semaine. Portant le nom de 'La lumière qui filtre à travers le sous-bois', ce local est destiné aux nouveaux pauvres : sans-abri, laissés-pour-compte, mais aussi intérimaires dont les contrats à durée déterminée (CDD) n'ont pas été renouvelés.
Pour ces derniers, la rupture du contrat de travail peut entraîner aussi la perte de leur logement. Sur les 158 000 employés en CDD 'remerciés' depuis le début de l'année, la moitié bénéficiaient en effet de dortoirs.
'Certains se sont relogés dans leur famille ou chez des amis. Mais 3 000 sont sans logement. Et 20 000, dont on n'a pas de trace, sont potentiellement sans abri', dit Makoto Yuasa, qui dirige le Réseau de lutte contre la pauvreté. Agé de 39 ans, diplômé de la faculté de droit de l'université de Tokyo, il devait intégrer l'élite. Il a préféré aider les démunis en créant Moyai il y a dix ans. La presse a commencé à en parler fin 2006 en faisant le bilan des réformes néolibérales du gouvernement Koizumi (2001-2006) et en particulier de leurs effets sur le marché de l'emploi. En 2008, son livre, L'Anti-pauvreté, en finir avec la société toboggan, fut un succès.
Selon Makoto Yuasa, 'la protection sociale au Japon a été entamée sur trois plans : réduction des prestations étatiques, allégement des charges des firmes, extension du travail précaire'. 'Le néolibéralisme a eu raison du modèle nippon de l'emploi et le marché du travail a été entraîné vers le bas, juge-t-il. C'est la 'société toboggan' : vous commencez à descendre, passant d'un emploi dans une société importante à un poste dans une PME, puis à un autre et ainsi de suite. Vous finissez par franchir le seuil de la pauvreté. Il est pratiquement impossible de remonter. La société japonaise établit une corrélation entre travail et identité sociale. Si l'on perd son travail, on perd ses droits. Les démunis, prisonniers de cette perception, ont tendance à se percevoir comme des vaincus, responsables de leur sort.'
Par LeMonde.fr
lun 06 avr, 13h36
Au fond d'une venelle dans le quartier central de Iidabashi à Tokyo, une simple pancarte de bois sur une petite maison d'un étage porte l'inscription 'Moyai' ('L'Amarrage'). Au rez-de-chaussée, à côté d'un minuscule bureau avec bibliothèque, une autre pièce dotée d'une longue table basse fait office de café-restaurant deux fois par semaine. Portant le nom de 'La lumière qui filtre à travers le sous-bois', ce local est destiné aux nouveaux pauvres : sans-abri, laissés-pour-compte, mais aussi intérimaires dont les contrats à durée déterminée (CDD) n'ont pas été renouvelés.
Pour ces derniers, la rupture du contrat de travail peut entraîner aussi la perte de leur logement. Sur les 158 000 employés en CDD 'remerciés' depuis le début de l'année, la moitié bénéficiaient en effet de dortoirs.
'Certains se sont relogés dans leur famille ou chez des amis. Mais 3 000 sont sans logement. Et 20 000, dont on n'a pas de trace, sont potentiellement sans abri', dit Makoto Yuasa, qui dirige le Réseau de lutte contre la pauvreté. Agé de 39 ans, diplômé de la faculté de droit de l'université de Tokyo, il devait intégrer l'élite. Il a préféré aider les démunis en créant Moyai il y a dix ans. La presse a commencé à en parler fin 2006 en faisant le bilan des réformes néolibérales du gouvernement Koizumi (2001-2006) et en particulier de leurs effets sur le marché de l'emploi. En 2008, son livre, L'Anti-pauvreté, en finir avec la société toboggan, fut un succès.
Selon Makoto Yuasa, 'la protection sociale au Japon a été entamée sur trois plans : réduction des prestations étatiques, allégement des charges des firmes, extension du travail précaire'. 'Le néolibéralisme a eu raison du modèle nippon de l'emploi et le marché du travail a été entraîné vers le bas, juge-t-il. C'est la 'société toboggan' : vous commencez à descendre, passant d'un emploi dans une société importante à un poste dans une PME, puis à un autre et ainsi de suite. Vous finissez par franchir le seuil de la pauvreté. Il est pratiquement impossible de remonter. La société japonaise établit une corrélation entre travail et identité sociale. Si l'on perd son travail, on perd ses droits. Les démunis, prisonniers de cette perception, ont tendance à se percevoir comme des vaincus, responsables de leur sort.'
Commentaire