Ce qui se passe sur l’immense champ de bataille pour le contrôle de l’Eurasie permettra de comprendre l’intrigue qui se déroule dans la ruée tumultueuse vers un nouvel ordre mondial polycentrique, connue également sous le nom de « Nouvelle Partie Formidable » [New Great Game]
Tous les junkies géopolitiques ont besoin de leur dose. Moi, depuis la seconde moitié des années 90, c’est aux pipelines que je suis devenu accro. J’ai traversé la Caspienne dans un bateau-cargo azéri juste pour suivre le pipeline Bakou/Tbilissi/Ceyhan à 4 milliards de dollars, mieux connu dans cette partie d’échec sous son acronyme « BTC », qui traverse le Caucase. (Au fait, soit dit en passant, la carte du Pipelineistan est gribouillée de sigles, alors mieux vaut vous y habituer !)
J’ai également sillonné diverses Routes de la Soie modernes qui se chevauchent - ou, peut-être, des Pipelines de la Soie -, de possibles futurs flux d’énergie depuis Shanghai jusqu’à Istanbul, annotant mes propres itinéraires bricolés pour le GNL (gaz naturel liquéfié). J’avais l’habitude de suivre avec ferveur les aventures de ce Roi-Soleil d’Asie Centrale, ce président à vie sans avenir, le Turkmenbachi aujourd’hui décédé, « le dirigeant des Turkmènes », Saparmourat Niazov, à la tête de la République du Turkménistan, immensément riche en gaz, comme s’il avait été un héros à la Conrad.
A Almaty, l’ancienne capitale du Kazakhstan (avant que celle-ci ne soit déplacée à Astana, au milieu de nulle part), les habitants étaient perplexes lorsque j’exprimais l’envie irrésistible de me rendre en voiture dans cette ville pétrolière en plein essor, Aktau. (« Pourquoi ? Il n’y a rien là-bas ».) Entrer dans la salle de commandement, façon Odyssée de l’Espace, du siège moscovite du géant russe de l’énergie Gazprom - qui détaille par affichage numérique le moindre pipeline d’Eurasie - ou au siège de la Compagnie Nationale du Pétrole Iranien à Téhéran, avec ses rangs bien alignés d’expertes en tchador des pieds à la tête, équivalait pour moi à entrer dans la caverne d’Ali Baba. Et ne jamais lire les mots « Afghanistan » et « pétrole » dans la même phrase est toujours pour moi une source d’amusement.
L’année dernière, le pétrole valait l’équivalent d’une rançon de roi. Cette année, il est relativement bon marché. Mais ne vous méprenez pas ! Le prix n’est pas la question ici. Que vous le vouliez ou non, l’énergie est toujours ce sur quoi tout le monde veut mettre la main. Alors, considérez ce reportage comme étant juste le premier épisode d’une très longue histoire de quelques-uns des coups qui ont été portés - ou seront portés - dans cette Nouvelle Partie Formidable d’une complexité exaspérante, qui a cours de façon incessante, peu importe quoi d’autre s’immisce cette semaine dans les gros titres.
Oubliez l’obsession des médias du courant dominant avec al-Qaïda, Oussama ben Laden « mort ou vif », les Taliban - néo, modérés ou classiques - ou cette « guerre contre la terreur », quel que soit le nom qu’on lui donne. Ce sont des diversions comparées aux enjeux élevés de cette partie pure et dure de géopolitique qui se déroule le long des pipelines de la planète.
Qui a dit que le Pipelineistan ne pouvait pas être amusant ?
Notre bonne vieille amie, l’absurde « guerre mondiale contre la terreur » que le Pentagone a malicieusement rebaptisée « la Longue Guerre », porte en elle une jumelle beaucoup plus importante, même si cette dernière est à moitié cachée - la guerre mondiale pour l’énergie. J’aime la désigner sous le nom de Guerre Liquide, parce que son circuit sanguin est constitué des pipelines qui s’entrecroisent sur les champs de bataille impériaux potentiels de la planète. Pour le dire autrement, si sa lisière essentielle, assaillie ces temps-ci, est le Bassin de la Caspienne, l’ensemble de l’Eurasie est son échiquier. Au plan géographique, pensez-y comme du Pipelineistan.
Tous les junkies géopolitiques ont besoin de leur dose. Moi, depuis la seconde moitié des années 90, c’est aux pipelines que je suis devenu accro. J’ai traversé la Caspienne dans un bateau-cargo azéri juste pour suivre le pipeline Bakou/Tbilissi/Ceyhan à 4 milliards de dollars, mieux connu dans cette partie d’échec sous son acronyme « BTC », qui traverse le Caucase. (Au fait, soit dit en passant, la carte du Pipelineistan est gribouillée de sigles, alors mieux vaut vous y habituer !)
J’ai également sillonné diverses Routes de la Soie modernes qui se chevauchent - ou, peut-être, des Pipelines de la Soie -, de possibles futurs flux d’énergie depuis Shanghai jusqu’à Istanbul, annotant mes propres itinéraires bricolés pour le GNL (gaz naturel liquéfié). J’avais l’habitude de suivre avec ferveur les aventures de ce Roi-Soleil d’Asie Centrale, ce président à vie sans avenir, le Turkmenbachi aujourd’hui décédé, « le dirigeant des Turkmènes », Saparmourat Niazov, à la tête de la République du Turkménistan, immensément riche en gaz, comme s’il avait été un héros à la Conrad.
A Almaty, l’ancienne capitale du Kazakhstan (avant que celle-ci ne soit déplacée à Astana, au milieu de nulle part), les habitants étaient perplexes lorsque j’exprimais l’envie irrésistible de me rendre en voiture dans cette ville pétrolière en plein essor, Aktau. (« Pourquoi ? Il n’y a rien là-bas ».) Entrer dans la salle de commandement, façon Odyssée de l’Espace, du siège moscovite du géant russe de l’énergie Gazprom - qui détaille par affichage numérique le moindre pipeline d’Eurasie - ou au siège de la Compagnie Nationale du Pétrole Iranien à Téhéran, avec ses rangs bien alignés d’expertes en tchador des pieds à la tête, équivalait pour moi à entrer dans la caverne d’Ali Baba. Et ne jamais lire les mots « Afghanistan » et « pétrole » dans la même phrase est toujours pour moi une source d’amusement.
L’année dernière, le pétrole valait l’équivalent d’une rançon de roi. Cette année, il est relativement bon marché. Mais ne vous méprenez pas ! Le prix n’est pas la question ici. Que vous le vouliez ou non, l’énergie est toujours ce sur quoi tout le monde veut mettre la main. Alors, considérez ce reportage comme étant juste le premier épisode d’une très longue histoire de quelques-uns des coups qui ont été portés - ou seront portés - dans cette Nouvelle Partie Formidable d’une complexité exaspérante, qui a cours de façon incessante, peu importe quoi d’autre s’immisce cette semaine dans les gros titres.
Oubliez l’obsession des médias du courant dominant avec al-Qaïda, Oussama ben Laden « mort ou vif », les Taliban - néo, modérés ou classiques - ou cette « guerre contre la terreur », quel que soit le nom qu’on lui donne. Ce sont des diversions comparées aux enjeux élevés de cette partie pure et dure de géopolitique qui se déroule le long des pipelines de la planète.
Qui a dit que le Pipelineistan ne pouvait pas être amusant ?
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