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Les hantises et les défis du roi Abdallah.

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  • Les hantises et les défis du roi Abdallah.

    Pour le souverain saoudien, le sommet de la Ligue arabe qui s'ouvre lundi au Qatar est un peu celui de la dernière chance dans la recherche d'une solution dans le conflit israélo-palestinien. Avec la modernisation du régime, ce sont les deux obsessions du roi Abdallah.

    À 85 ans, le roi Abdallah est hanté par l'impasse du conflit israélo-palestinien, le risque de désintégration du monde arabe et la montée en puissance de l'Iran. Le monarque saoudien voit avec tristesse Téhéran étendre son influence dans le monde arabe grâce à ses relais en Irak, en Syrie, en Palestine avec le Hamas, au Liban avec le Hezbollah. L'ambition du roi de faire taire les divisions de la famille arabe pour relancer la proposition de paix avec Israël dont il est l'auteur risque de se heurter une fois de plus aux réalités. Malgré tous ses efforts, le président égyptien Hosni Moubarak, l'autre pilier régional, devrait bouder le sommet. L'Égypte entend ainsi protester contre le soutien total du Qatar au Hamas palestinien, que Moubarak essaie en vain de persuader de participer à un gouvernement d'union nationale avec le Fatah de Mahmoud Abbas. Un crève-cœur pour le roi d'Arabie.
    Le roi octogénaire est habité par une deuxième obsession : réformer en douceur la très conservatrice Arabie saoudite, seul moyen, selon lui, de préserver le règne des Saoud. Là aussi, le temps presse. Mais Abdallah craint d'aller trop vite. Dirigeant de facto du royaume depuis l'attaque cérébrale qui frappa son frère Fahd en 1996, souverain depuis 2005 à la mort de Fahd, il a attendu février 2009 pour porter un véritable coup aux bastions ultraconservateurs des trois ministères clés. Limogeant le même jour le ministre de la Justice, le chef de la police religieuse et le ministre de l'Éducation. Et nommant même la première femme vice-ministre, Noura al-Fayez. Cantonnée, il est vrai, dans le domaine de l'éducation des filles. Pour le roi, c'est le maximum qu'il peut se permettre. Une prudence caractéristique d'un souverain longtemps sous-estimé, cachant sous une apparence bonhomme une profonde connaissance de son pays. Quand il prend les rênes, après un Fahd connu pour ses excès, ses pertes dans les casinos et son goût pour les affaires, les Saoudiens découvrent un prince à la réputation d'homme pieux, un peu provincial et, dit-on, économe. Il n'appartient pas au «clan des Sudairi», les fils de l'une des femmes d'Abd al-Aziz Ibn Saoud, fondateur du royaume moderne, et qui regroupe, entre autres, les puissants ministres de l'Intérieur et de la Défense, ainsi que le gouverneur de la capitale Riyad. Abdallah est le seul fils d'Abdelaziz et d'une princesse Shammar, une tribu présente aussi en Irak et en Syrie. Fahda, sa mère, a été mariée en premières noces à l'émir Saud, chef de la maison des Rachid, grands rivaux des Saoud vaincus par Abd al-Aziz en 1921. Abdallah garde d'ailleurs la haute main, jusqu'à aujourd'hui, sur la Garde nationale, recrutée dans les tribus. Cette enfance particulière dans l'Arabie d'avant la richesse pétrolière forgera certains traits de son caractère : droiture, respect de la parole donnée alliée à une méfiance envers les hommes, et piété véritable. Abdallah y ajoute un amour sincère de la poésie arabe, y compris la poésie antéislamique. Le monarque veut prendre en compte tout le passé de la péninsule arabique, faisant parfois grincer les dents des plus conservateurs. Sous son règne, l'ancienne cité de Madai'in Saleh, encore maudite par de nombreux Saoudiens pour avoir refusé la révélation, a été inscrite au patrimoine de l'humanité par l'Unesco. Le musée du Louvre prépare une exposition où figureront des objets saoudiens d'avant l'islam. «Abdallah cherche à créer une identité saoudienne qui ne soit pas seulement religieuse, tout en ancrant le royaume dans l'histoire de l'humanité», juge un spécialiste du pays. Sur le plan religieux, le roi déclenche une révolution tranquille. Des représentants de toutes les écoles de l'islam sunnite vont désormais siéger au Haut conseil des oulémas, l'instance religieuse suprême, aux côtés du hanbalisme, l'école la plus rigoriste, seule admise jusqu'ici. Une reconnaissance de la diversité du royaume qui ne s'étend pas aux chiites, mais fait évoluer en douceur l'alliance passée au XVIIIe siècle entre les Saoud et le réformateur Abdul Wahhab.
    Le roi Abdallah poursuit ainsi son ambition de devenir le principal interlocuteur des autres religions, discutant d'égal à égal avec la Pape, qu'il a rencontré à Rome, serrant la main d'un rabbin lors d'un «dialogue entre les religions» à Madrid en 2008. Début mars, encore, la première étape d'un «dialogue des civilisations» franco-saoudien organisé du côté français par l'Observatoire d'études géopolitiques et l'université Paris-Descartes, a rassemblé à Riyad universitaires et religieux des deux pays. Dont un prêtre catholique, chaleureusement accueilli à l'université de l'Imam-Saoud, bastion de l'orthodoxie islamique.
    Abdallah a voulu marquer sa différence dès le début de sa «régence», en tentant de s'opposer, en vain, à certains contrats d'armement générateurs de commissions énormes. À l'époque, même Oussama Ben Laden l'épargne dans ses diatribes.
    Mais Abdallah, bouleversé par le 11 Septembre, sera l'homme de la lutte à mort contre l'islamisme violent. D'abord réticent, le royaume s'engage à fond dans la lutte contre le terrorisme à partir de 2003, quand des attentats commencent à frapper les étrangers sur son sol, et que l'on assassine au hasard des policiers saoudiens. La confrontation du roi avec la contestation politique est plus subtile. Il s'essaie à un difficile équilibre entre les courants qui parcourent l'Arabie, sous une apparence trompeuse d'immobilité. Abdallah favorise l'expression dans la presse d'intellectuels qui plaident pour des changements dans la société. Avec les auteurs de pétitions, modernistes, chiites ou «islamo-progressistes» qui réclament tous un contrôle du pouvoir, il manie la carotte et le bâton. Les pétitionnaires sont tour à tour reçus, emprisonnés, graciés ou cooptés. Les lignes rouges apparaissent rapidement : la monarchie constitutionnelle n'est pas à l'ordre du jour. La tentative d'élections de 2005, où les électeurs mâles votent pour la moitié des sièges de conseillers municipaux, ne change rien au problème. Bien organisée, la mouvance islamiste contestataire contourne l'interdiction des partis en envoyant sur des centaines de milliers de portables saoudiens les listes de ses candidats, qui sont tous élus. Prévues cette année, les nouvelles élections ont été reportées.
    Le roi a cherché à compenser la fermeture du champ politique en nommant une assemblée d'experts, le majlis al-Choura, et en instaurant le «dialogue national» dont les séances brisent quelques tabous. On y voit pour la première fois des chiites dialoguer avec l'establishment religieux officiel, des femmes réclamer le droit de conduire…
    Ce ne sera pas pour tout de suite. Toutefois des portes s'ouvrent. Les programmes de formation aux métiers réservés aux femmes se multiplient, encouragés par la princesse Adela, la fille du roi, dont il a fait une porte-parole. Sa volonté d'ouverture rencontre malgré tout de fortes résistances, comme on a pu le voir en mars au Salon du livre de Riyad, transformé en champ de batailles entre réformistes et traditionalistes. La nomination, samedi, du prince Nayef, beaucoup plus conservateur, au poste de deuxième vice-premier ministre laisse planer une incertitude sur l'avenir des réformes. Sans que l'on sache très bien si le nouveau système de succession, plus collégial, permettra son accession au pouvoir. Tout le pari d'Abdallah est de créer un mouvement irréversible qui lui survivra.




    Le Figaro.
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