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L'amnésie de l'Algérie visà vis des 'Algériens' de Nouvelle Calédonie

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  • L'amnésie de l'Algérie visà vis des 'Algériens' de Nouvelle Calédonie

    "Lorsque je suis arrivée sur le territoire calédonien, pour retrouver les descendants d’Algériens, je demandais l’itinéraire aux Kanaks. La première réponse qu’ils m’ont donnée, c’est : lorsque tu vois un dattier, c’est qu’il y a un «Vieil Arabe» qui est passé par là".

    Mélica Ouennoughi Docteur en anthropologie






    L’un des dossiers les plus pertinents que l’Algérie se doit de se réapproprier est celui de la mémoire. Sans vouloir verser dans la concurrence victimaire, en Algérie nous avons trop tendance à pardonner par incompétence par crainte d’être mal vu, par paresse et surtout par méconnaissance de cette mémoire en miettes suite à un tsunami qui a eu lieu un certain jour de débarquement, le 14 juin 1830, sur une plage de Sidi Fredj. Il semble et il faut le regretter que seule une histoire bâclée, revancharde, incomplète dans le temps et l’espace intéresse quelques officines qui en font, un fonds de commerce. J’ai souvenance d’avoir vu, il y a quelques années, une délégation de petits descendants-Laïfa et les autres- des déportés de 1971. Ils étaient venus de Nouvelle-Calédonie à près de 20.000 km se ressourcer dans cette Algérie mythique que leur ont chanté leurs parents, de père en fils. J’avais naïvement demandé à ce qu’on mette en place une bibliothèque virtuelle pour consolider un lien de plus en plus ténu depuis près de 140 ans. Je ne suis pas sûr d’avoir été entendu. En fait, c’est en écoutant en voiture la chanson El Menfi de Akli Yahyaten que je me suis hasardé à retracer, encore une fois et après bien d’autres plus autorisés que moi, un pan de notre histoire. Je me suis basé sur un ouvrage magistral de Melica Ouennoughi anthropologue qui, menant un travail de bénédictin a ressuscité un pan de cette douloureuse histoire à la fois sûr le plan anthropologique et sur le plan agricole avec ce «marqueur» qu’est le palmier dattier. L’histoire commence par une révolte- une de plus contre les hordes coloniales. Ce qui est remarquable, chez les peuples qui ne veulent pas mourir, c’est la lutte contre l’acculturation en tenant à leur repères ; la France, les a dépossédés, ruinés, déportés, tondus, mais elle n’a pas pu, malgré toutes les manoeuvres, les intégrer en les désintégrant. Arrachés à leur terre natale, séparés de leurs proches, déportés par convois successifs vers les bagnes du Pacifique, les déportés devaient aussi lutter contre l’acculturation, pour ne pas perdre leur âme et leurs coutumes. Jusqu’en 1936, leurs enfants étaient obligés de porter des noms chrétiens pour être scolarisés.

    Un autre échec Mais chez eux, à la maison, les enfants étaient appelés par des noms venus du fin fond du pays de leurs pères, «si bien que Jean-Pierre, Michel et Joseph deviennent une fois à la maison des Taïeb, Miloud et Ahmed», dira Mme Ouennoughi. Encore un échec, un de plus, de la colonisation et de ses différentes méthodes d’acculturation et d’assimilation. Ceci dura jusqu’en 1930 date à laquelle on leur permit de garder leur nom arabe. Après la levée de l’interdiction sur l’utilisation des prénoms musulmans, «tous les Jean, Christian, Joseph, Robert, Michel etc. redevinrent instantanément officiellement des Taïeb, Ahmed, Mohamed, Ali, Kader, etc.», relève le Dr Pierre-Philippe Rey, professeur des Universités, dans la préface de l’ouvrage de Mme Ouennoughi. «Cette remarquable résistance à l’acculturation ne se manifeste pas que sur ce point : l’auteur nous explique comment ces déportés masculins ont appris à leurs femmes françaises ou canaques la cuisine algérienne qui s’est ensuite transmise de génération en génération ; comment a été édifié un mausolée à la mémoire d’un cheikh décédé par noyade, à l’endroit de son accident et comment ce mausolée donne lieu à un pèlerinage annuel rappelant en tous points les ziaras du pays des ancêtres ; comment une association de descendants d’Algériens gère ce lieu de pèlerinage et le cimetière musulman qui l’entoure ; comment les dattiers sont vénérés comme témoins actuels de la présence en ces lieux du "Vieil-Arabe" qui les a plantés...», note le Dr Rey dans sa préface du livre de Melica Ouennoughi.(1) La politique d’acculturation des descendants des déportés a échoué. Mieux : elle a eu l’effet inverse. «Ce sont les femmes françaises, communardes ou d’origine pénale, qui ont adopté les coutumes algériennes et non l’inverse», ajoute le Dr Rey. Le dernier déporté, Kouider, est décédé en 1968. Les noms des déportés, tirés des archives poussiéreuses, rongées par l’humidité et le rance, ont permis d’ériger, à Bouraïl, en Nouvelle-Calédonie, une stèle à la mémoire des déportés. «C’est important, parce que les déportés n’étaient pas des orphelins», dira Mme Ouennoughi. Ils avaient des pères, des mères et des familles en Algérie. Ils étaient venus d’un village, d’une tribu, d’une région, enfin d’un pays pris dans les mâchoires d’un colonialisme meurtrier et dévastateur.(1)

    L’introduction du modèle et des fondements de la djemaâ «ont contribué énormément au mouvement associatif de 1886 en France», selon Mme Ouennoughi. Les codes coutumiers pratiqués par les déportés ont été utilisés par les autorités françaises de l’époque «pour solidariser les petits colons» en Nouvelle-Calédonie. Les Communards et autres anarchistes, comme Louise Michel, en avaient, eux aussi, emporté dans leurs bagages, «emprunté» à la djemaâ ce «petit trésor» d’organisation sociale en retournant en France, après la loi d’amnistie de juillet 1879. Une loi qui avait, faut-il le rappeler, «oublié» les déportés algériens qui devaient attendre 1895 pour bénéficier de ses dispositions. «D’ailleurs, la loi de 1901 est fortement imprégnée par ces codes coutumiers» des déportés algériens, nous a confié Mme Ouennoughi.(2) La djemaâ a intégré tous les déportés, qu’ils soient «politiques», ayant conduit ou participé aux révoltes et insurrections contre la France coloniale en Algérie, ou de «droit commun», parmi lesquels figureraient certainement ceux qu’on appelait les «bandits d’honneur» et qui étaient, pour certains d’entre eux, des révoltés contre l’ordre colonial, à l’image de Ahmed Oumerri et Arezki L’bachir en Kabylie et Messaoud Benzelmat dans les Aurès tués par les forces coloniales en Algérie. La démarche visant à ôter l’étiquette dévalorisante de «droit commun» à ce type de prisonniers a abouti à l’union de tous les déportés algériens. Aujourd’hui, leur descendance est estimée à 15.000 personnes. «Moi, j’estime qu’elle est plus importante», soutient Mme Ouennoughi.(2)

    Les descendants ont créé, en 1969/1970, une «Association des Arabes et des amis des Arabes» pour prendre en charge l’histoire et perpétuer la mémoire collective de leurs ancêtres. Elle fonctionne selon les principes et les règles de fonctionnement de la djemaâ ancestrale. D’ailleurs, ce travail de mémoire avait déjà été assuré, avec brio peut-on dire, bien des décennies auparavant, par des filles de déportés. «Notre mère était une grande femme ; elle était une fille rebelle aussi ; elle voulait toujours nous éduquer avec la coutume algérienne. Elle maîtrisait bien la langue de son père. Il fallait toujours qu’on soit réunis. Elle nous parlait quelques mots d’arabe. Elle avait une grande admiration pour son père. Elle en était fière et c’est comme si elle avait ce rôle de transmettre la coutume des anciens : c’était une femme autoritaire», disait le petit-fils d’un déporté cité par Mme Mélica Ouennoughi dans son ouvrage.Elles ont mis en application le concept de «devoir de mémoire» avant que celui-ci soit utilisé. «Chacune à leur manière avait le devoir de transmettre la tradition», à travers notamment «le port du foulard berbère, les plats traditionnels, les récits et les mots à consonance arabo-berbère. A chacune d’entre elles, on attribue un récit ou un conte légendaire parfois.»(2)

    Le chant de la résistance La chanson El Menfi (le Déporté) interprétée par le chanteur Akli Yahyaten était chantée en Nouvelle-Calédonie au XIXe siècle par les déportés algériens, selon Mme Ouennoughi. Le chant était accompagné d’une flûte fabriquée avec du bois de sagaie. Un bois servant aussi pour les Kanaks à fabriquer des lances. «Cette chanson était chantée en Nouvelle-Calédonie par des gens qui ne connaissent pas l’Algérie. Des petits descendants des déportés la chantaient dans les vallées perdues. C’est quand même incroyable», dira-t-elle. Le déporté Taïeb ben Mabrouk, réputé pour sa maîtrise de la flûte, répétait sans cesse cette chanson qu’on murmure toujours aujourd’hui. Il s’agit de El-Menfi, raconte sa petite cousine. Les mots dits dans la chanson «nous restent dans notre coeur, ils sont aussi pleins de détresse. Cette chanson, il la chantait toujours sous le dattier», confie-t-elle à Mme Ouennoughi. «Si l’Algérie n’ouvre pas le dossier des déportés, il ne s’ouvrira pas en Nouvelle-Calédonie parce qu’il n’y a pas de spécialistes qui s’intéressent à cette question», estime-t-elle.(1)
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

  • #2
    L’auteur suit également l’histoire du lien entre le Maghreb ancien et la Nouvelle-Calédonie grâce au fil conducteur de la culture du palmier dattier. La reconstruction identitaire d’une communauté maghrébine dans les pays d’Outre-mer ne pouvait être compréhensible, qu’après avoir reconstitué les étapes anthropologiques de leur histoire sociale, religieuse, économique et botanique. La formation de palmeraies pour souder la communauté ainsi que les effets au niveau des techniques et de l’outillage nous révèlent l’existence d’un héritage almoravide berbère qui prend son origine en Espagne médiévale (XIe siècle), dont l’auteur analyse les modes de diffusion permettant de suivre les mouvements migratoires des groupes humains. La première personne qui m’a introduit au dattier, c’est M.Aïfa ; je me souviens, il était perplexe sur mes recherches, ensuite en me voyant mener mes enquêtes jour après jour, mois après mois, il a compris que pour entreprendre un tel travail de recherche sur le terrain, il fallait un fil conducteur, un guide végétal, un marqueur culturel et agronomique que les Kanaks avaient accueilli : c’était bien le dattier de ses ancêtres qui était, selon lui, un symbole fort de résistance. Puis, il m’a amené vers son dattier d’origine, que son père Laïfa (son ancêtre en Calédonie) a planté et aujourd’hui il porte plus d’un siècle de naissance.(3)

    L’ouvrage de Melica Ouennoughi met en lumière pour la première fois le grand répertoire des mouvements de la déportation algérienne et maghrébine depuis les insurrections politiques des Ouled Sidi Cheikh 1864, la grande insurrection de Hadj Mokrani et de Cheikh El Haddad 1871, l’ extension insurrectionnelle de El Amri 1876, celle des Aurès de 1879, les insurrections des Ouled Sidi Cheikh de 1881-1882. Les convois collectifs de l’insurrection de Hadj Mokrani ont été statués de la dénomination politique avec les insurgés de Biskra fortement apparentés aux Ouled Mokrane par la présence des familles réfugiées. (...)Le dernier convoi des droits communs est très présent dans la région de Bourail. Ces droits communs font partie du convoi de 1896 et la descendance a hérité de forts marqueurs culturels issus de l’ancienne djemâa en provenance du code coutumier et juridique initié par Hadj Mokrani dans cette résistance à la contre-acculturation.(2)

    «Pour que soit transféré un tel code coutumier, écrit Melica Ouennoughi, dans un espace kanak et calédonien, il y a eu des marqueurs précis qu’il a été nécessaire d’étudier sur le terrain, par l’observation des faits et des ritualisations coutumières mais pas seulement, la démarche d’anthropologie historique vise à étudier le contemporain de ses actes et ses représentations coutumières, par exemple ses symboles aussi, ses marqueurs et remonter à l’histoire des sources d’archives et en amont des ces sources aux sciences algériennes, berbères et arabes, pour reconstituer l’Histoire et le phénomène de causalité de tels marqueurs culturels dans cette forme de maintien d’une sauvegarde culturelle et historique de la résistance. Celle de la libération, de la liberté et de La solidarité par le système de la touiza.»(2)

    «Les affres de la déportation et l’exil ont été marqués par le chant célèbre El Menfi, l’exilé, et je crois que nous pouvons dire que cette chanson nous la devons à ces familles de déportés mais pas seulement à toutes ces grands-mères qui ont chanté leur tristesse lors de leur séparation de leurs fils et je crois que cela reste gravé dans cette mémoire du chant omniprésent comme marqueur culturel qui forme cette union entre l’Algérie et la Calédonie. Ce chant est une grande tristesse mais il est aussi une grande résistance et pour l’historienne que je suis, je devais trouver d’autres marqueurs de cette résistance car en Algérie nous avons un riche patrimoine à préserver qui a été transféré en Océanie. Mon appartenance à cette résistante vient du fait que mon père m’a donné deux principes d’enseignement : l’instruction et la cellule familiale comme préservation. L’Histoire de l’Algérie amène à rompre avec toute émotion forte à toute aliénation sans oublier que les douleurs et les horreurs de la colonisation, ce qui est dit doit être écrit et dans cet écrit des affres de la déportation, je fus persuadée qu’il y avait une résistance et je l’ai trouvée dans des fondements culturels scientifiques bien précis et cette réappropriation de notre histoire doit tenir compte des fondements culturels algériens à travers les espaces et les siècles.»(2)

    On ne peut parler justement des déportés sans citer quelques paroles douloureuses de la chanson interprétée magistralement par Akli Yahyaten - que Dieu lui prête longue vie - pour avoir su nous faire vibrer : «Aw ki dawni le tribunal jadarmiya kbaar wisghaar aa wissensla tewzen qantar darbouni aam wa n’haar 3ala dakhla haffouli raas wa aataouni zawra ou payas goulou lommi matebkeesh yal menfi waldek rabbi mayy khalleesh.» " Quand ils m’ont trainé au tribunal avec une chaine qui pèse un quintal , les gendarmes grands et petits ils m’ont comdamné à un an et un jour ;Ils m’ont tondu la tête et m’ont don une couverture et une paillasse ; Dites à ma mère de ne pas pleurer Ö ! déporté ! Diue l ne laissera pas tomber ton fils..." Cette supplique revendique deux repères : la religion et la mère. Cette mère, dernier lien ombilical qui lui reste et qu’il doit tenter de rassurer. Cette mère est en fait, notre mère, cette Algérie souffrante de voir ses meilleurs fils lui être arrachés pour l’inconnu et sans espoir de retour. Nous sommes assurément des nains juchés sur les épaules de ces géants qui ont commencé le combat libérateur- il faut s’en convaincre - dès l’arrivée de l’envahisseur.

    1.Mélica Ouennoughi:Les déportés maghrébins en Nouvelle-Calédonie et la culture du palmier dattier (1864 à nos jours) / ; préface de Pierre-Philippe Rey. -Paris : L’Harmattan, 2006.- Casbah Editions 2008.

    2.Mohamed Arezki Himeur : Devoir de mémoire envers les déportés algériens http://www.lecap-dz.info/index.php?i...d_article=1469.

    3.Entretien avec Me Ouennoughi réalisé par Bordj Bou Arréridj info (Algérie), 18 mars 2006.

    Pr Chems Eddine CHITOUR

    Ecole Polytechnique Alger
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

    Commentaire


    • #3
      L'amnésie de l'Algérie visà vis des 'Algériens' de Nouvelle Calédonie

      VOILA CE QUE J'APPEL UN ALGERIEN .........



      L'amnésie de l'Algérie visà vis des 'Algériens' de Nouvelle Calédonie




      "Lorsque je suis arrivée sur le territoire calédonien, pour retrouver les descendants d’Algériens, je demandais l’itinéraire aux Kanaks. La première réponse qu’ils m’ont donnée, c’est : lorsque tu vois un dattier, c’est qu’il y a un «Vieil Arabe» qui est passé par là".

      Mélica Ouennoughi Docteur en anthropologie











      L’un des dossiers les plus pertinents que l’Algérie se doit de se réapproprier est celui de la mémoire. Sans vouloir verser dans la concurrence victimaire, en Algérie nous avons trop tendance à pardonner par incompétence par crainte d’être mal vu, par paresse et surtout par méconnaissance de cette mémoire en miettes suite à un tsunami qui a eu lieu un certain jour de débarquement, le 14 juin 1830, sur une plage de Sidi Fredj. Il semble et il faut le regretter que seule une histoire bâclée, revancharde, incomplète dans le temps et l’espace intéresse quelques officines qui en font, un fonds de commerce. J’ai souvenance d’avoir vu, il y a quelques années, une délégation de petits descendants-Laïfa et les autres- des déportés de 1971. Ils étaient venus de Nouvelle-Calédonie à près de 20.000 km se ressourcer dans cette Algérie mythique que leur ont chanté leurs parents, de père en fils. J’avais naïvement demandé à ce qu’on mette en place une bibliothèque virtuelle pour consolider un lien de plus en plus ténu depuis près de 140 ans. Je ne suis pas sûr d’avoir été entendu. En fait, c’est en écoutant en voiture la chanson El Menfi de Akli Yahyaten que je me suis hasardé à retracer, encore une fois et après bien d’autres plus autorisés que moi, un pan de notre histoire. Je me suis basé sur un ouvrage magistral de Melica Ouennoughi anthropologue qui, menant un travail de bénédictin a ressuscité un pan de cette douloureuse histoire à la fois sûr le plan anthropologique et sur le plan agricole avec ce «marqueur» qu’est le palmier dattier. L’histoire commence par une révolte- une de plus contre les hordes coloniales. Ce qui est remarquable, chez les peuples qui ne veulent pas mourir, c’est la lutte contre l’acculturation en tenant à leur repères ; la France, les a dépossédés, ruinés, déportés, tondus, mais elle n’a pas pu, malgré toutes les manoeuvres, les intégrer en les désintégrant. Arrachés à leur terre natale, séparés de leurs proches, déportés par convois successifs vers les bagnes du Pacifique, les déportés devaient aussi lutter contre l’acculturation, pour ne pas perdre leur âme et leurs coutumes. Jusqu’en 1936, leurs enfants étaient obligés de porter des noms chrétiens pour être scolarisés.

      Un autre échec Mais chez eux, à la maison, les enfants étaient appelés par des noms venus du fin fond du pays de leurs pères, «si bien que Jean-Pierre, Michel et Joseph deviennent une fois à la maison des Taïeb, Miloud et Ahmed», dira Mme Ouennoughi. Encore un échec, un de plus, de la colonisation et de ses différentes méthodes d’acculturation et d’assimilation. Ceci dura jusqu’en 1930 date à laquelle on leur permit de garder leur nom arabe. Après la levée de l’interdiction sur l’utilisation des prénoms musulmans, «tous les Jean, Christian, Joseph, Robert, Michel etc. redevinrent instantanément officiellement des Taïeb, Ahmed, Mohamed, Ali, Kader, etc.», relève le Dr Pierre-Philippe Rey, professeur des Universités, dans la préface de l’ouvrage de Mme Ouennoughi. «Cette remarquable résistance à l’acculturation ne se manifeste pas que sur ce point : l’auteur nous explique comment ces déportés masculins ont appris à leurs femmes françaises ou canaques la cuisine algérienne qui s’est ensuite transmise de génération en génération ; comment a été édifié un mausolée à la mémoire d’un cheikh décédé par noyade, à l’endroit de son accident et comment ce mausolée donne lieu à un pèlerinage annuel rappelant en tous points les ziaras du pays des ancêtres ; comment une association de descendants d’Algériens gère ce lieu de pèlerinage et le cimetière musulman qui l’entoure ; comment les dattiers sont vénérés comme témoins actuels de la présence en ces lieux du "Vieil-Arabe" qui les a plantés...», note le Dr Rey dans sa préface du livre de Melica Ouennoughi.(1) La politique d’acculturation des descendants des déportés a échoué. Mieux : elle a eu l’effet inverse. «Ce sont les femmes françaises, communardes ou d’origine pénale, qui ont adopté les coutumes algériennes et non l’inverse», ajoute le Dr Rey. Le dernier déporté, Kouider, est décédé en 1968. Les noms des déportés, tirés des archives poussiéreuses, rongées par l’humidité et le rance, ont permis d’ériger, à Bouraïl, en Nouvelle-Calédonie, une stèle à la mémoire des déportés. «C’est important, parce que les déportés n’étaient pas des orphelins», dira Mme Ouennoughi. Ils avaient des pères, des mères et des familles en Algérie. Ils étaient venus d’un village, d’une tribu, d’une région, enfin d’un pays pris dans les mâchoires d’un colonialisme meurtrier et dévastateur.(1)

      L’introduction du modèle et des fondements de la djemaâ «ont contribué énormément au mouvement associatif de 1886 en France», selon Mme Ouennoughi. Les codes coutumiers pratiqués par les déportés ont été utilisés par les autorités françaises de l’époque «pour solidariser les petits colons» en Nouvelle-Calédonie. Les Communards et autres anarchistes, comme Louise Michel, en avaient, eux aussi, emporté dans leurs bagages, «emprunté» à la djemaâ ce «petit trésor» d’organisation sociale en retournant en France, après la loi d’amnistie de juillet 1879. Une loi qui avait, faut-il le rappeler, «oublié» les déportés algériens qui devaient attendre 1895 pour bénéficier de ses dispositions. «D’ailleurs, la loi de 1901 est fortement imprégnée par ces codes coutumiers» des déportés algériens, nous a confié Mme Ouennoughi.(2) La djemaâ a intégré tous les déportés, qu’ils soient «politiques», ayant conduit ou participé aux révoltes et insurrections contre la France coloniale en Algérie, ou de «droit commun», parmi lesquels figureraient certainement ceux qu’on appelait les «bandits d’honneur» et qui étaient, pour certains d’entre eux, des révoltés contre l’ordre colonial, à l’image de Ahmed Oumerri et Arezki L’bachir en Kabylie et Messaoud Benzelmat dans les Aurès tués par les forces coloniales en Algérie. La démarche visant à ôter l’étiquette dévalorisante de «droit commun» à ce type de prisonniers a abouti à l’union de tous les déportés algériens. Aujourd’hui, leur descendance est estimée à 15.000 personnes. «Moi, j’estime qu’elle est plus importante», soutient Mme Ouennoughi.(2)

      Les descendants ont créé, en 1969/1970, une «Association des Arabes et des amis des Arabes» pour prendre en charge l’histoire et perpétuer la mémoire collective de leurs ancêtres. Elle fonctionne selon les principes et les règles de fonctionnement de la djemaâ ancestrale. D’ailleurs, ce travail de mémoire avait déjà été assuré, avec brio peut-on dire, bien des décennies auparavant, par des filles de déportés. «Notre mère était une grande femme ; elle était une fille rebelle aussi ; elle voulait toujours nous éduquer avec la coutume algérienne. Elle maîtrisait bien la langue de son père. Il fallait toujours qu’on soit réunis. Elle nous parlait quelques mots d’arabe. Elle avait une grande admiration pour son père. Elle en était fière et c’est comme si elle avait ce rôle de transmettre la coutume des anciens : c’était une femme autoritaire», disait le petit-fils d’un déporté cité par Mme Mélica Ouennoughi dans son ouvrage.Elles ont mis en application le concept de «devoir de mémoire» avant que celui-ci soit utilisé. «Chacune à leur manière avait le devoir de transmettre la tradition», à travers notamment «le port du foulard berbère, les plats traditionnels, les récits et les mots à consonance arabo-berbère. A chacune d’entre elles, on attribue un récit ou un conte légendaire parfois.»(2)

      Le chant de la résistance La chanson El Menfi (le Déporté) interprétée par le chanteur Akli Yahyaten était chantée en Nouvelle-Calédonie au XIXe siècle par les déportés algériens, selon Mme Ouennoughi. Le chant était accompagné d’une flûte fabriquée avec du bois de sagaie. Un bois servant aussi pour les Kanaks à fabriquer des lances. «Cette chanson était chantée en Nouvelle-Calédonie par des gens qui ne connaissent pas l’Algérie. Des petits descendants des déportés la chantaient dans les vallées perdues. C’est quand même incroyable», dira-t-elle. Le déporté Taïeb ben Mabrouk, réputé pour sa maîtrise de la flûte, répétait sans cesse cette chanson qu’on murmure toujours aujourd’hui. Il s’agit de El-Menfi, raconte sa petite cousine. Les mots dits dans la chanson «nous restent dans notre coeur, ils sont aussi pleins de détresse. Cette chanson, il la chantait toujours sous le dattier», confie-t-elle à Mme Ouennoughi. «Si l’Algérie n’ouvre pas le dossier des déportés, il ne s’ouvrira pas en Nouvelle-Calédonie parce qu’il n’y a pas de spécialistes qui s’intéressent à cette question», estime-t-elle.(1)






      Pr Chems Eddine CHITOUR

      Ecole Polytechnique Alger ..

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      • #4
        L'amnésie de l'Algérie visà vis des 'Algériens' de Nouvelle Calédonie

        L’auteur suit également l’histoire du lien entre le Maghreb ancien et la Nouvelle-Calédonie grâce au fil conducteur de la culture du palmier dattier. La reconstruction identitaire d’une communauté maghrébine dans les pays d’Outre-mer ne pouvait être compréhensible, qu’après avoir reconstitué les étapes anthropologiques de leur histoire sociale, religieuse, économique et botanique. La formation de palmeraies pour souder la communauté ainsi que les effets au niveau des techniques et de l’outillage nous révèlent l’existence d’un héritage almoravide berbère qui prend son origine en Espagne médiévale (XIe siècle), dont l’auteur analyse les modes de diffusion permettant de suivre les mouvements migratoires des groupes humains. La première personne qui m’a introduit au dattier, c’est M.Aïfa ; je me souviens, il était perplexe sur mes recherches, ensuite en me voyant mener mes enquêtes jour après jour, mois après mois, il a compris que pour entreprendre un tel travail de recherche sur le terrain, il fallait un fil conducteur, un guide végétal, un marqueur culturel et agronomique que les Kanaks avaient accueilli : c’était bien le dattier de ses ancêtres qui était, selon lui, un symbole fort de résistance. Puis, il m’a amené vers son dattier d’origine, que son père Laïfa (son ancêtre en Calédonie) a planté et aujourd’hui il porte plus d’un siècle de naissance.(3)

        L’ouvrage de Melica Ouennoughi met en lumière pour la première fois le grand répertoire des mouvements de la déportation algérienne et maghrébine depuis les insurrections politiques des Ouled Sidi Cheikh 1864, la grande insurrection de Hadj Mokrani et de Cheikh El Haddad 1871, l’ extension insurrectionnelle de El Amri 1876, celle des Aurès de 1879, les insurrections des Ouled Sidi Cheikh de 1881-1882. Les convois collectifs de l’insurrection de Hadj Mokrani ont été statués de la dénomination politique avec les insurgés de Biskra fortement apparentés aux Ouled Mokrane par la présence des familles réfugiées. (...)Le dernier convoi des droits communs est très présent dans la région de Bourail. Ces droits communs font partie du convoi de 1896 et la descendance a hérité de forts marqueurs culturels issus de l’ancienne djemâa en provenance du code coutumier et juridique initié par Hadj Mokrani dans cette résistance à la contre-acculturation.(2)

        «Pour que soit transféré un tel code coutumier, écrit Melica Ouennoughi, dans un espace kanak et calédonien, il y a eu des marqueurs précis qu’il a été nécessaire d’étudier sur le terrain, par l’observation des faits et des ritualisations coutumières mais pas seulement, la démarche d’anthropologie historique vise à étudier le contemporain de ses actes et ses représentations coutumières, par exemple ses symboles aussi, ses marqueurs et remonter à l’histoire des sources d’archives et en amont des ces sources aux sciences algériennes, berbères et arabes, pour reconstituer l’Histoire et le phénomène de causalité de tels marqueurs culturels dans cette forme de maintien d’une sauvegarde culturelle et historique de la résistance. Celle de la libération, de la liberté et de La solidarité par le système de la touiza.»(2)

        «Les affres de la déportation et l’exil ont été marqués par le chant célèbre El Menfi, l’exilé, et je crois que nous pouvons dire que cette chanson nous la devons à ces familles de déportés mais pas seulement à toutes ces grands-mères qui ont chanté leur tristesse lors de leur séparation de leurs fils et je crois que cela reste gravé dans cette mémoire du chant omniprésent comme marqueur culturel qui forme cette union entre l’Algérie et la Calédonie. Ce chant est une grande tristesse mais il est aussi une grande résistance et pour l’historienne que je suis, je devais trouver d’autres marqueurs de cette résistance car en Algérie nous avons un riche patrimoine à préserver qui a été transféré en Océanie. Mon appartenance à cette résistante vient du fait que mon père m’a donné deux principes d’enseignement : l’instruction et la cellule familiale comme préservation. L’Histoire de l’Algérie amène à rompre avec toute émotion forte à toute aliénation sans oublier que les douleurs et les horreurs de la colonisation, ce qui est dit doit être écrit et dans cet écrit des affres de la déportation, je fus persuadée qu’il y avait une résistance et je l’ai trouvée dans des fondements culturels scientifiques bien précis et cette réappropriation de notre histoire doit tenir compte des fondements culturels algériens à travers les espaces et les siècles.»(2)

        On ne peut parler justement des déportés sans citer quelques paroles douloureuses de la chanson interprétée magistralement par Akli Yahyaten - que Dieu lui prête longue vie - pour avoir su nous faire vibrer : «Aw ki dawni le tribunal jadarmiya kbaar wisghaar aa wissensla tewzen qantar darbouni aam wa n’haar 3ala dakhla haffouli raas wa aataouni zawra ou payas goulou lommi matebkeesh yal menfi waldek rabbi mayy khalleesh.» " Quand ils m’ont trainé au tribunal avec une chaine qui pèse un quintal , les gendarmes grands et petits ils m’ont comdamné à un an et un jour ;Ils m’ont tondu la tête et m’ont don une couverture et une paillasse ; Dites à ma mère de ne pas pleurer Ö ! déporté ! Diue l ne laissera pas tomber ton fils..." Cette supplique revendique deux repères : la religion et la mère. Cette mère, dernier lien ombilical qui lui reste et qu’il doit tenter de rassurer. Cette mère est en fait, notre mère, cette Algérie souffrante de voir ses meilleurs fils lui être arrachés pour l’inconnu et sans espoir de retour. Nous sommes assurément des nains juchés sur les épaules de ces géants qui ont commencé le combat libérateur- il faut s’en convaincre - dès l’arrivée de l’envahisseur.

        1.Mélica Ouennoughi:Les déportés maghrébins en Nouvelle-Calédonie et la culture du palmier dattier (1864 à nos jours) / ; préface de Pierre-Philippe Rey. -Paris : L’Harmattan, 2006.- Casbah Editions 2008.

        2.Mohamed Arezki Himeur : Devoir de mémoire envers les déportés algériens http://www.lecap-dz.info/index.php?i...d_article=1469.

        3.Entretien avec Me Ouennoughi réalisé par Bordj Bou Arréridj info (Algérie), 18 mars 2006.

        Pr Chems Eddine CHITOUR

        Ecole Polytechnique Alger ..

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        • #5
          L'amnésie de l'état algérien peut être, mais pas des algériens.
          http://fr.wikipedia.org/wiki/Kabyles_du_Pacifique

          Et le maire actuel de Bourail est descendant de ces premiers déportés.

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          • #6
            L’un des dossiers les plus pertinents que l’Algérie se doit de se réapproprier est celui de la mémoire. Sans vouloir verser dans la concurrence victimaire, en Algérie nous avons trop tendance à pardonner par incompétence par crainte d’être mal vu, par paresse et surtout par méconnaissance de cette mémoire en miettes suite à un tsunami qui a eu lieu un certain jour de débarquement, le 14 juin 1830, sur une plage de Sidi Fredj. Il semble et il faut le regretter que seule une histoire bâclée, revancharde, incomplète dans le temps et l’espace intéresse quelques officines qui en font, un fonds de commerce. J’ai souvenance d’avoir vu, il y a quelques années, une délégation de petits descendants-Laïfa et les autres- des déportés de 1971. Ils étaient venus de Nouvelle-Calédonie à près de 20.000 km se ressourcer dans cette Algérie mythique que leur ont chanté leurs parents, de père en fils. J’avais naïvement demandé à ce qu’on mette en place une bibliothèque virtuelle pour consolider un lien de plus en plus ténu depuis près de 140 ans. Je ne suis pas sûr d’avoir été entendu. En fait, c’est en écoutant en voiture la chanson El Menfi de Akli Yahyaten que je me suis hasardé à retracer, encore une fois et après bien d’autres plus autorisés que moi, un pan de notre histoire. Je me suis basé sur un ouvrage magistral de Melica Ouennoughi anthropologue qui, menant un travail de bénédictin a ressuscité un pan de cette douloureuse histoire à la fois sûr le plan anthropologique et sur le plan agricole avec ce «marqueur» qu’est le palmier dattier. L’histoire commence par une révolte- une de plus contre les hordes coloniales. Ce qui est remarquable, chez les peuples qui ne veulent pas mourir, c’est la lutte contre l’acculturation en tenant à leur repères ; la France, les a dépossédés, ruinés, déportés, tondus, mais elle n’a pas pu, malgré toutes les manoeuvres, les intégrer en les désintégrant. Arrachés à leur terre natale, séparés de leurs proches, déportés par convois successifs vers les bagnes du Pacifique, les déportés devaient aussi lutter contre l’acculturation, pour ne pas perdre leur âme et leurs coutumes. Jusqu’en 1936, leurs enfants étaient obligés de porter des noms chrétiens pour être scolarisés.

            Un autre échec Mais chez eux, à la maison, les enfants étaient appelés par des noms venus du fin fond du pays de leurs pères, «si bien que Jean-Pierre, Michel et Joseph deviennent une fois à la maison des Taïeb, Miloud et Ahmed», dira Mme Ouennoughi. Encore un échec, un de plus, de la colonisation et de ses différentes méthodes d’acculturation et d’assimilation. Ceci dura jusqu’en 1930 date à laquelle on leur permit de garder leur nom arabe. Après la levée de l’interdiction sur l’utilisation des prénoms musulmans, «tous les Jean, Christian, Joseph, Robert, Michel etc. redevinrent instantanément officiellement des Taïeb, Ahmed, Mohamed, Ali, Kader, etc.», relève le Dr Pierre-Philippe Rey, professeur des Universités, dans la préface de l’ouvrage de Mme Ouennoughi. «Cette remarquable résistance à l’acculturation ne se manifeste pas que sur ce point : l’auteur nous explique comment ces déportés masculins ont appris à leurs femmes françaises ou canaques la cuisine algérienne qui s’est ensuite transmise de génération en génération ; comment a été édifié un mausolée à la mémoire d’un cheikh décédé par noyade, à l’endroit de son accident et comment ce mausolée donne lieu à un pèlerinage annuel rappelant en tous points les ziaras du pays des ancêtres ; comment une association de descendants d’Algériens gère ce lieu de pèlerinage et le cimetière musulman qui l’entoure ; comment les dattiers sont vénérés comme témoins actuels de la présence en ces lieux du "Vieil-Arabe" qui les a plantés...», note le Dr Rey dans sa préface du livre de Melica Ouennoughi.(1) La politique d’acculturation des descendants des déportés a échoué. Mieux : elle a eu l’effet inverse. «Ce sont les femmes françaises, communardes ou d’origine pénale, qui ont adopté les coutumes algériennes et non l’inverse», ajoute le Dr Rey. Le dernier déporté, Kouider, est décédé en 1968. Les noms des déportés, tirés des archives poussiéreuses, rongées par l’humidité et le rance, ont permis d’ériger, à Bouraïl, en Nouvelle-Calédonie, une stèle à la mémoire des déportés. «C’est important, parce que les déportés n’étaient pas des orphelins», dira Mme Ouennoughi. Ils avaient des pères, des mères et des familles en Algérie. Ils étaient venus d’un village, d’une tribu, d’une région, enfin d’un pays pris dans les mâchoires d’un colonialisme meurtrier et dévastateur.(1)

            L’introduction du modèle et des fondements de la djemaâ «ont contribué énormément au mouvement associatif de 1886 en France», selon Mme Ouennoughi. Les codes coutumiers pratiqués par les déportés ont été utilisés par les autorités françaises de l’époque «pour solidariser les petits colons» en Nouvelle-Calédonie. Les Communards et autres anarchistes, comme Louise Michel, en avaient, eux aussi, emporté dans leurs bagages, «emprunté» à la djemaâ ce «petit trésor» d’organisation sociale en retournant en France, après la loi d’amnistie de juillet 1879. Une loi qui avait, faut-il le rappeler, «oublié» les déportés algériens qui devaient attendre 1895 pour bénéficier de ses dispositions. «D’ailleurs, la loi de 1901 est fortement imprégnée par ces codes coutumiers» des déportés algériens, nous a confié Mme Ouennoughi.(2) La djemaâ a intégré tous les déportés, qu’ils soient «politiques», ayant conduit ou participé aux révoltes et insurrections contre la France coloniale en Algérie, ou de «droit commun», parmi lesquels figureraient certainement ceux qu’on appelait les «bandits d’honneur» et qui étaient, pour certains d’entre eux, des révoltés contre l’ordre colonial, à l’image de Ahmed Oumerri et Arezki L’bachir en Kabylie et Messaoud Benzelmat dans les Aurès tués par les forces coloniales en Algérie. La démarche visant à ôter l’étiquette dévalorisante de «droit commun» à ce type de prisonniers a abouti à l’union de tous les déportés algériens. Aujourd’hui, leur descendance est estimée à 15.000 personnes. «Moi, j’estime qu’elle est plus importante», soutient Mme Ouennoughi.(2)

            Les descendants ont créé, en 1969/1970, une «Association des Arabes et des amis des Arabes» pour prendre en charge l’histoire et perpétuer la mémoire collective de leurs ancêtres. Elle fonctionne selon les principes et les règles de fonctionnement de la djemaâ ancestrale. D’ailleurs, ce travail de mémoire avait déjà été assuré, avec brio peut-on dire, bien des décennies auparavant, par des filles de déportés. «Notre mère était une grande femme ; elle était une fille rebelle aussi ; elle voulait toujours nous éduquer avec la coutume algérienne. Elle maîtrisait bien la langue de son père. Il fallait toujours qu’on soit réunis. Elle nous parlait quelques mots d’arabe. Elle avait une grande admiration pour son père. Elle en était fière et c’est comme si elle avait ce rôle de transmettre la coutume des anciens : c’était une femme autoritaire», disait le petit-fils d’un déporté cité par Mme Mélica Ouennoughi dans son ouvrage.Elles ont mis en application le concept de «devoir de mémoire» avant que celui-ci soit utilisé. «Chacune à leur manière avait le devoir de transmettre la tradition», à travers notamment «le port du foulard berbère, les plats traditionnels, les récits et les mots à consonance arabo-berbère. A chacune d’entre elles, on attribue un récit ou un conte légendaire parfois.»(2)

            Le chant de la résistance La chanson El Menfi (le Déporté) interprétée par le chanteur Akli Yahyaten était chantée en Nouvelle-Calédonie au XIXe siècle par les déportés algériens, selon Mme Ouennoughi. Le chant était accompagné d’une flûte fabriquée avec du bois de sagaie. Un bois servant aussi pour les Kanaks à fabriquer des lances. «Cette chanson était chantée en Nouvelle-Calédonie par des gens qui ne connaissent pas l’Algérie. Des petits descendants des déportés la chantaient dans les vallées perdues. C’est quand même incroyable», dira-t-elle. Le déporté Taïeb ben Mabrouk, réputé pour sa maîtrise de la flûte, répétait sans cesse cette chanson qu’on murmure toujours aujourd’hui. Il s’agit de El-Menfi, raconte sa petite cousine. Les mots dits dans la chanson «nous restent dans notre coeur, ils sont aussi pleins de détresse. Cette chanson, il la chantait toujours sous le dattier», confie-t-elle à Mme Ouennoughi. «Si l’Algérie n’ouvre pas le dossier des déportés, il ne s’ouvrira pas en Nouvelle-Calédonie parce qu’il n’y a pas de spécialistes qui s’intéressent à cette question», estime-t-elle.(1)

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            • #7
              Mdrrrrrrrr
              Tu découvres en 2009 sur internet ce pan de l'histoire algérienne

              Je la connais parce qu'elle a été transmise de père en fils.
              Et si tu ne sais pas ce à quoi faire référence la djema3 ancestrale... :/

              Enfin bref apparemment c'est à la mode d'enlever toute personnalité à l'Algérie ...
              Décrispe toi un peu (je t'explique: on peut porter et choisir de donner un prénom Arabe sans l'être, et surtout choisir se définir "Arabe" pour s'opposer aux colons...)
              Dernière modification par TMSN, 13 avril 2009, 14h57.

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              • #8
                Bon apparemment il faut que je sois plus explicite :
                Voila à quoi je veux faire allusion (Un autre échec Mais chez eux, à la maison, les enfants étaient appelés par des noms venus du fin fond du pays de leurs pères, «si bien que Jean-Pierre, Michel et Joseph deviennent une fois à la maison des Taïeb, Miloud et Ahmed»,)
                Contrairement a certains de ces generations actuels qui une fois en occident se font appelé michel , jean pierre ou Nathan:22:

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                • #9
                  Bon apparemment il faut que je sois plus explicite :
                  Bah j'fais pas de la télépathie. Et on peut déduire plusieurs messages de ta précédente intervention.

                  Contrairement a certains de ces générations actuels qui une fois en occident se font appelé michel , jean pierre ou Nathan:22:
                  On peut essayer d'expliquer ça

                  Les gens qui ont émigré au nord de la méditerranée l'ont choisi (pour quitter la misère, nourrir plus décemment la famille, etc), avec une certaine volonté de pouvoir réussir dans ce nouveau pays qui passe par l'assimilation dans les pays francophones. D'ici deux à trois générations ils auront brûlé leurs papiers Algériens (ou reviendront avec d'autres étrangers si il y a embellie économique en Algérie)

                  Alors que les calédoniens ont été opprimés et déracinés d'où au contraire le besoin de se récréer de leur terre d'origine (avant les colons fr et türkçe, l'Algérie était en pleine période d'expansion de l'Islam, avec tout ce que cela implique sur l'usage de l'arabe etc)

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                  • #10
                    On peut essayer d'expliquer ça

                    Les gens qui ont émigré au nord de la méditerranée l'ont choisi (pour quitter la misère, nourrir plus décemment la famille, etc), avec une certaine volonté de pouvoir réussir dans ce nouveau pays qui passe par l'assimilation dans les pays francophones. D'ici deux à trois générations ils auront brûlé leurs papiers Algériens (ou reviendront avec d'autres étrangers si il y a embellie économique en Algérie)
                    c'est une étude que tu as fait dans ta famille? il faut arrêter les généralités idiotes.

                    ceux que je connais sont des Mohameds, Fatimas......et la quatrième génération c'est pareil.
                    Mr NOUBAT

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                    • #11
                      c'est une étude que tu as fait dans ta famille? il faut arrêter les généralités idiotes.
                      Bah je parle de ceux qui ont choisi de donner à leur enfant des noms à consonance "européenne". Par quoi d'autre pourrait être motivé ce choix?

                      Quant à moi et ma famille, elle te dit hamsa gg allenik.

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                      • #12
                        noubat ne semble pas connaitre ce phenomene de christinisation des prénoms
                        de certains emigres.
                        et pourtant ça existait du temps meme de la colonisation.
                        les patrons européens , pour ne pas choquer leur clientèle , rebaptisaient volontiers leurs employés de robert lucien etc.
                        les juifs algeriens eux avaient commencé a le faire des le decret cremieux.

                        je ne sais pas si mre le pratiquent.

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                        • #13
                          M ange dit:

                          noubat ne semble pas connaitre ce phenomene de christinisation des prénoms
                          de certains emigres.



                          Ce phénomène a commencé des l'invasion de l'Algerie e"n Kabylie et c'est l'une des principales raisons de la Revolte du Cheikh Mohamed El-Mokrani .
                          Apres que le peuple de la region fut affamé le Cheikh alla demandé un pret ou de l'aide au Gouverneur d'Alger celui-ci refusa mais par contre envoya des pères Blans et qui proposées aux familles de leurs cofiées leurs enfants pour les nourires et c'était pas le cas c'était surtout pour les christianisées d'ou la colère du Cheikh El-Mokrani........


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