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La taramea dévoreuse des coraux de Tahiti

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  • La taramea dévoreuse des coraux de Tahiti

    La prolifération des «tarameas» s'ajoute aux autres périls, comme le réchauffement climatique ou la pollution, qui s'attaquent aux récifs coralliens de Tahiti.

    Punaauia, côte ouest de Tahiti. Sur le bateau, à quelques brasses d'une vague qui fait le bonheur des surfeurs, des plongeurs s'équipent : palmes, masque et bloc d'air comprimé. Nicolas, animateur d'un club local de plongée, saute à l'eau avec son arme, un fusil muni d'une aiguille d'une cinquantaine de centimètres. Cette fois-ci en effet, l'excursion tient plus de la partie de chasse que de la simple exploration des récifs polynésiens. Une chasse à la taramea, nom tahitien d'Acanthaster planci, l'étoile de mer dévoreuse de corail.

    En quelques minutes, dans l'eau limpide du lagon qui fourmille de poissons multicolores, Nicolas repère un beau spécimen lové sur du corail à sept mètres de profondeur. Les tarameas ont la forme caractéristique d'un disque rouge gros comme le poing surmonté d'épines, d'où naissent une quinzaine de branches. Précautionneusement (la bête est venimeuse), le plongeur enfonce l'aiguille en plein disque et y injecte quelques millilitres de bisulfate de sodium. L'opération est répétée en trois autres endroits. Deux heures plus tard, la mangeuse de corail aura rendu l'âme.

    «Depuis trois ans, il y a une explosion de tarameas en Polynésie française, explique Élodie Lagouy, consultante en biologie et coordinatrice de l'association Reef Check en Polynésie. Ce sont des habitants habituels des récifs, mais à trop forte concentration, elles représentent une grave menace.» En un an, chacun de ces échinodermes peut dévorer entre 5 et 10 m2 de coraux qui mettront des années à se reconstituer. Dans les années 1960, au nord de la grande barrière de corail d'Australie, 80 % du récif avait été ainsi détruit.

    Selon Élodie Lagouy, l'explosion actuelle des tarameas en Polynésie française pourrait être due à la surpêche de ses prédateurs (les mollusques de type triton et certains poissons). Pour limiter les dégâts, elle sensibilise la population et organise des opérations de ramassage. En outre, 17 clubs de plongée ont été équipés de kits d'injection létale afin d'éliminer les tarameas vivant plus en profondeur. Le programme est financé en partie par la fondation Rip Curl Planet et le WWF. Environ 3 500 individus ont déjà été éliminés, estime Élodie Lagouy.

    Sous haute surveillance


    À une vingtaine de kilomètres de Tahiti, sur son île sœur, Moorea, Yannick Chancerelle et Thierry Lison, deux biologistes du Centre de recherches insulaires et observatoire de l'environnement du CNRS (Criobe), tempèrent les inquiétudes sur le sujet.

    «Les invasions de tarameas sont des phénomènes naturels, avec des cycles de 20-25 ans. Elles s'expliquent par une relation prédateur-proie, un grand classique en écologie, précise Yannick Chancerelle. C'est surtout inquiétant quand cela s'ajoute à d'autres menaces pour les coraux.»

    Réchauffement des océans, catastrophes naturelles (cyclones, tsunamis) et, bien sûr, facteurs locaux (aménagement incontrôlé du littoral, déversement d'eaux usées, surpêche, etc.) : de multiples causes peuvent mettre en péril le fragile équilibre des récifs coralliens.

    Dans le monde, 54 % d'entre eux sont menacés, selon le dernier bilan de l'Initiative internationale pour les récifs coralliens (Icri). Surtout, 15 % de ces précieux écosystèmes pourraient disparaître dans les dix ou vingt prochaines années, notamment dans les Caraïbes et en Asie du Sud-Est.

    Pour l'heure, les récifs de la Polynésie française se portent plutôt bien. Mais ils sont sous haute surveillance. Pour assurer leur survie, les chercheurs du Criobe mènent une étude sans équivalent dans le monde. Il s'agit de prouver scientifiquement les bénéfices pour le milieu corallien des aires marines protégées (AMP). Autrement dit, des zones où la pêche et les autres activités humaines sont fortement réglementées ou interdites. Les premiers résultats sont attendus dans quelques mois.

    Par Le Figaro
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