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  • les derniers témoins du 11.11

    Les ders des ders

    Dans le journal Le Monde

    Ils ont vécu plus qu'une vie d'homme, chevauché trois siècles, traversé la mitraille des années. A 20 ans, dans leur uniforme bleu horizon, ils ont échappé au carnage. La suite ne fut que du rabiot. Dans les tranchées, ils ont engrangé la force des mille jeunesses fauchées à leur côté. Cet élixir et une solide nature en ont fait des centenaires bien pesés.
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    Tout fripés, si beaux pour cela, ces poilus sont arrivés jusqu'à nous, du fond des temps. Leurs visages parcheminés nous relient physiquement à une époque qui prend déjà des teintes sépia dans les esprits. Ils sont pourtant là, en chair et en os, pour témoigner.

    Des huit millions de combattants français de 14-18, ils ne sont plus, officiellement, que six poilus présents au rapport, en cette veille de 11 novembre 2005. Ils forment le dernier carré, les "ders des ders".

    Louis de Cazenave fredonne "Vous n'aurez pas l'Alsace et la Lorraine". Par dérision. La ligne bleue des Vosges, "y penser toujours, en parler jamais" , toute cette rhétorique guerrière, on ne la lui fait plus, au Louis, 108 ans aux prunes. Une fois tombées dans la bonne oreille, les questions provoquent des réponses sèches comme des coups de Lebel. La guerre ? "Hay, hay, hay ! Un truc absurde, inutile ! A quoi ça sert de massacrer des gens ? Rien ne peut le justifier, rien !" La gloire, l'héroïsme ? "De la fumisterie !" Le patriotisme ? "Un moyen de vous faire gober n'importe quoi !" Les médailles ? "Certains de mes camarades n'ont même pas eu le droit à une croix de bois !"

    Il aura fallu supplier pour que Louis accepte la Légion d'honneur. "Je m'en serais bien passé", bougonne-t-il. Il aurait préféré bénéficier de la pension de réversion de sa femme, une postière décédée en 1973. "Dites-le bien, que l'Etat n'a pas été correct avec moi." Dans sa maison de Brioude (Haute-Loire), pas plus grande qu'une casemate, assortie d'un coin de jardin qu'il binait encore il y a peu, le patriarche s'emporte contre les fausses vanités.

    Il y croyait encore, à tout ce tremblement, en janvier 1916, lorsqu'il avait devancé l'engagement. Et puis, il y a eu le chemin des Dames. "Il faut avoir entendu les blessés entre les lignes. Ils appelaient leur mère, suppliaient qu'on les achève. C'était une chose horrible. Les Allemands, on les retrouvait quand on allait chercher de l'eau au puits. On discutait. Ils étaient comme nous, ils en avaient assez."

    Louis est affecté un an dans un régiment de tirailleurs sénégalais. "Forcément, on ne nous mettait pas dans les endroits les plus calmes." Puis il est muté dans l'artillerie. "Là, ce n'était pas comparable." Il s'en est sorti et se demande toujours pourquoi : "Le hasard des tirs veut que je sois encore là alors que je pourrais être ailleurs depuis longtemps."

    Rendu à la vie civile, il devient cheminot. Il milite dans les associations d'anciens combattants pacifistes, s'abonne à La Patrie humaine, journal libertaire. Il prend sa retraite en 1941, mènera ensuite "une vie calme" , agrémentée de trois pipes par jour, qu'il s'autorise encore aujourd'hui. Dans une vieille valise, en bas de l'armoire, il fouille la paperasse jaunie à la recherche des lettres qu'il avait écrites du front à sa mère. Il ne les retrouve pas, s'agace.

    Il sort ses médailles, les touche d'un doigt noueux. Il enchaîne avec La Madelon et, le regard pétillant de malice, titille l'infirmière qui vient le bichonner : "Je le proclame, les mains de femme, sont des bijoux, dont je suis fou." Puis son esprit s'égare doucement. "Je voulais vous dire... Je ne me souviens plus." "Je crois qu'il est temps de le laisser", murmure l'infirmière. Avant que la brume ne les estompe, Lazare Ponticelli a consigné ses souvenirs dans un opuscule édité à compte d'auteur. Dans la maison du Kremlin-Bicêtre (Val-de-Marne), qu'il habite depuis 1922, il reçoit volontiers les détrousseurs de mémoire, se doute des raisons de leur tardif empressement. "On n'est plus très nombreux, hein !" A près de 108 ans, il livre le secret de sa longévité : "La patience."
    (...)
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    Dernière modification par Virginie, 10 novembre 2005, 17h06.

  • #2

    Justin Tuveri, 107 ans.


    Lazare Ponticelli, 108 ans. Ferdinand Gilson, 107 ans.




    Louis de Cazenave, 108 ans

    photo par Pierre-Jean Santini

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