Mercredi dernier, j’ai participé à un colloque qui aurait pu instaurer un débat permettant d’avancer un peu sur les questions relatives à l’ « antisémitisme ». Ce colloque, qui s’est déroulé à l’Université d’Oxford, s’inscrivait dans le cadre du Sunday Times Oxford Literary Festival. Le débat était modéré par le légendaire reporter de la BBC Martin Bell. Autour de la table, nous avions Nick Cohen et David Aaronovitch. Ils étaient venus développer leur vision du « nouvel antisémitisme ». Heureuse coïncidence : tant Aaronovitch que Cohen furent des avocats éminents de la guerre illégale contre l’Irak, par l’entremise de la presse britannique. Ils sont bien connus pour leur ragots notoirement islamophobes et, au cas où cela ne suffirait pas, ils ont été également pris la main dans le sac en train de soutenjr l’offensive israélienne sanglante contre la bande de Gaza. Je participais, en ce qui me concerne, à ce débat afin de démontrer que l’antisémitisme est une vue de l’esprit, un mythe. Mon message, extrêmement simple, était celui-ci : l’antisémitisme, ça n’existe pas.
Le Pétage de plombs d’Aaronovitch et la Démolition du pouvoir juif par Gilad Atzmon
traduit de l’anglais par Marcel Charbonnier
J’attendais ce moment avec impatience. J’imaginais que cela risquait de ne pas être facile-facile, que d’affronter, seul, les lobbyistes sionistes les plus tonitruants de toute l’Angleterre. De fait, je me trompais. Cela fut du gâteau. Dénoncer et démolir l’argumentation sioniste bancale ne m’a coûté pratiquement aucun effort. Le sionisme n’est pas un discours dialogique, c’est plutôt une praxis pragmatique impitoyable, qui cherche en permanence à contrôler un territoire, et le discours.
Et puis (pourquoi ne pas le dire tout de suite ?) contrairement à Aaronovitch et à Cohen, je crois au dialogue et je soutiens toute forme de débat bien argumenté. De fait, je serais prêt à débattre avec tout le monde et n’importe qui, que ce soit avec un nazi ou avec un sioniste, qu’il s’agisse d’un suprématiste blanc ou d’un agitateur islamophobe judéo-centrique. Dans ma vision du monde, la tribune est ouverte à quiconque est capable de tenir une conversation policée. Toutefois, mercredi dernier, tant Aaronovitch que Cohen ne voulaient ni débattre, ni défendre leur argumentation. Ils étaient persuadé que le fait de me mettre K.O. servirait leur cause. Ce qui est marrant, c’est que non seulement ils ont échoué pitoyablement, mais aussi qu’ils ont fini sur leur défensive, suppliant l’auditoire d’arrêter de (m’) applaudir et perdant à vue d’œil la sympathie dont ils bénéficiaient au début.
David Aaronovitch
Malheureusement, le panel n’a pas été très brillant dans ses développements sur le sujet imposé (L’antisémitisme : vivant et bien-portant, en Europe ?)
David Aaronovitch, qui fut le premier à prendre la parole, insista sur le fait que, plutôt de débattre du sujet, il marquerait davantage de points en citant les bons morceaux de mes romans publiés. Il était déterminé à convaincre le public que j’étais le dernier des derniers et que jamais, au grand jamais, je n’aurais dû être invité à un débat aussi prestigieux. Non, non, je ne plaisante pas. Aaranovitch, notoirement connu pour avoir prôné une guerre qui a causé (jusqu’ici) la mort d’un million et demi de civils, un homme qui est compromis dans la diffusion d’une propagande sionisée islamophobe et anti-gauche, est convaincu qu’il est fondé à prêcher au public qui peut, ou non, participer au discours public. Aaronovitch avait escompté, follement, qu’une fois qu’il aurait lu mes propos, un haut-le-cœur de ressentiment à mon encontre se serait répandu sous le chapiteau.
Ce pauvre homme vite désillusionné avait dû investir une énergie énorme à réunir ces citations interminables. Il a dû lire chacun de mes articles, relevant ce qu’il interprétait, sionistement et stupidement, comme étant des « pensées outrageuses ». Moi, de mon côté, j’étais plutôt captivé et amusé. Cela n’arrive pas si souvent, que des gens lisent mes textes avec un tel enthousiasme, à une tribune aussi prestigieuse que celle-là. Ni moi-même, ni mes lecteurs les plus dévoués n’auraient pu mieux présenter mes idées.
Malheureusement (pour Aaronovitch), son plan a queuté : il n’y eut aucune réaction notable, dans l’assistance. Il n’y eut pas le moindre soupir de désapprobation. Et pourtant, il faut dire la vérité, Aaronovitch est un acteur épique mélodramatique très talentueux. Il a brillamment sur-dramatisé mes idées, il a magnifiquement souligné les diverses nuances des différents mots commençant par un « J ». Avant de les prononcer, il ralentissait, il me fixait du regard avec un mépris exagérément appuyé, il gloussait, attendant que la foule se joigne à lui. Ce qu’à aucun moment, elle ne fit.
Pour une raison qui m’échappe totalement, Aaronovitch et Cohen n’ont pas compris que l’Université d’Oxford n’était pas exactement une yéshiva. Ni non plus un territoire occupé. Ils n’ont pas compris qu’il ne leur appartenait pas, ni au Comité de la Hasbara [propagande] Israélienne, de décidé qui était, ou non, autorisé à participer à un débat public. Au minimum, nos deux fomenteurs de guerres auraient du avoir l’intégrité intellectuelle minimale leur intimant de s’exclure de la vue du public, pour avoir prôné une guerre qui a entraîné un génocide. Nos deux fomenteurs de guerres auraient du avoir suffisamment d’honnêteté pour prendre conscience du fait que s’il y a de l’antisémitisme, comme ils le disent, la cause première d’un tel phénomène ne peut être qu’eux-mêmes.
Aaronovitch n’a pas compris que les gens qui assistent à des manifestations littéraires sont dans une large mesure des gens curieux, à l’esprit ouvert, des gens qui sont bien plus intéressé à écouter des idées éclairantes qu’à être endoctrinés ou chapitrés par un agitateur propagandiste sioniste de droite.
Apparemment, Aaronovitch n’a pas pris conscience du fait que les gens, là, autour de lui, lisent les informations, de temps à autre. Ils lisent des choses à propos de Charles Freeman et du lobby juif, ils lisent des choses à propos de l’escroc Madoff, de « Lord » Caisse Enregistreuse Levy, du donateur (au parti travailliste) par délégation David Abrahams, des Amis Travaillistes d’Israël, d’Alan Greenspan et de l’effondrement de la pyramide financière. Les gens se rendent bien compte qu’il y a une flopée de juifs sionistes éminents qui se trouvent aujourd’hui dans l’œil de pas mal de cyclones (Irak, finance, Gaza…) Aaronovitch, qui a lui-même reconnu surveiller mes écrits depuis des années, aurait quand même dû intégrer que PERSONNE, en dehors du ghetto juif, ne prend ombrage de mes observations quant à l’excessif lobbying juif et quant au pouvoir du sionisme. Si quelque chose a changé, c’est au contraire le fait que ma dénonciation du tribalisme politique m’a rendu de plus en plus populaire auprès de publics de plus en plus larges.
Dois-je préciser ? Je n’ai moi-même jamais recherché ce genre de notoriété. Je suis musicien de jazz, j’ai une carrière musicale très gratifiante. Quant à mon intervention sur l’identité juive, j’écris ce que je considère être la vérité, en ayant bien conscience qu’il peut y en avoir plusieurs. Je publie mes pensées tout en sachant que ma vérité d’aujourd’hui peut, demain, être ébranlée. Ma tâche est très simple : j’essaie d’être cohérent, ne serait-ce qu’afin de m’assurer que je suis à même, ne serait-ce que moi-même, à suivre le fil de mes pensées. J’ai conscience du fait que mes écrits peuvent dévaster quelqu’un, très souvent, j’ai moi-même été concerné par les idées auxquelles je suis parvenu. Contrairement à Cohen et à Aaronovitch, pour moi, cela n’a jamais été une bataille politique, cela n’a jamais tourné autour de l’idée du pouvoir, ou autour de celle de marquer un point. Non ; il n’a jamais été question d’autre chose que de l’éthique et de l’intégrité intellectuelle. Apparemment, la morale et l’honnêteté intellectuelle sont exactement ce dont les siocons à l’Aaronovitch/Cohen sont totalement dépourvus. Apparemment, c’est à l’évidence l’absence d’engagement éthique et d’intégrité intellectuelle qui repousse Cohen et Aaronovitch vers ce à quoi ils appartiennent, j’ai nommé le cyber-ghetto cachère insulaire ségrégué.
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