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Recréer des astres miniatures

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    Pour un coût d’environ 1,8 milliard de dollars, la National Ignition Facility (NIF) installée à Livermore, en Californie, va braquer le laser le plus puissant du monde sur un point à peine plus gros qu’une tête d’épingle. But de l’opération : récréer pendant une fraction de seconde les conditions qu’on trouve au centre des planètes, et même des étoiles. Les chercheurs de Livermore espèrent ainsi réaliser une fusion nucléaire, la réaction à l’origine du rayonnement solaire, ce qui permettrait aussi à terme d’envisager l’aménagement de centrales à fusion produisant des quantités presque illimitées d’énergie propre.

    Avant de parvenir à un tel résultat, les scientifiques aimeraient utiliser la puissance phénoménale de ce laser pour simuler ce qui se passe au cœur des planètes. Ils peuvent le faire grâce à un faisceau laser capable de concentrer sur un point pendant un milliardième de seconde une énergie équivalant à 1 000 fois celle produite par l’ensemble du réseau électrique des Etats-Unis. Grâce à cette énergie, les chercheurs vont pouvoir comprimer des matériaux à des pressions des milliards de fois supérieures à celle que l’on trouve au niveau de la mer.

    Comme on peut l’imaginer, une telle débauche de puissance demande une infrastructure colossale. Le bâtiment qui abrite le laser est de la taille de trois stades de football. Le faisceau de 500 billions de watts y parcourt près de 1,6 kilomètre de lentilles, de miroirs et d’amplificateurs, avant d’être divisé en 192 rayons, focalisés au centre d’une chambre de réaction de 10 mètres de large, aux parois en béton revêtues d’aluminium.

    A l’intérieur de la chambre, on place une cible – un échantillon de liquides simulant la composition de la planète que l’on veut étudier. Cet échantillon est maintenu à l’intérieur d’une capsule en or, qui génère des rayons X à haute énergie quand elle est frappée par les rayons laser. Ceux-ci créent des pressions équivalant à celles qu’on trouve au centre des corps célestes – des pressions à partir desquelles il se produit des choses parfois très surprenantes. Car le comportement des éléments les plus simples devient alors tout à fait imprévisible.

    Aux pressions qu’on trouve couramment sur la Terre, l’hydrogène et l’oxygène peuvent par exemple se *combiner pour prendre trois formes : soit un gaz (la vapeur d’eau) ; soit un liquide (l’eau) ; soit encore un solide (la glace). Mais, à des pressions plus extrêmes, les liaisons moléculaires entre l’hydrogène et l’oxygène peuvent *s’étirer, se rompre et se reconstituer pour prendre des formes inattendues, qui ne ressemblent à aucun de ces états. Et c’est également le cas pour d’autres éléments et matériaux. “Nous ne savons pas vraiment ce qu’il y a au centre des planètes”, explique Bruce Remington, physicien au Lawrence Livermore National Laboratory, où est installé le NIF. “A la haute densité et aux énormes pressions dont nous parlons, la matière commence à se comporter de façon étrange. En utilisant le laser, on peut simuler de telles pressions, depuis la surface jusqu’au centre.”

    Pour ce qui est de la Terre, la question la plus pressante est de savoir enfin ce qu’elle recèle en son cœur. Des recherches récentes utilisant les données sismiques ont fait apparaître que le noyau de fer solide qui génère le champ électromagnétique de notre planète pourrait en fait être un cristal géant unique, porté à une température de plus de 6 000 °C, une température supérieure à celle qui règne à la surface du Soleil. Quant aux planètes qui nous entourent, elles sont loin, elles aussi, d’avoir révélé tous leurs secrets. Ainsi, les astrophysiciens ne comprennent toujours pas pourquoi le champ magnétique de Jupiter est dix fois plus puissant que celui de la Terre, alors que sa densité est quatre fois moindre que celle de notre planète. “Dans la chambre de réaction, nous arrivons à créer des conditions complètement différentes de celles qui existent sur la Terre”, commente Ed Moses, directeur du NIF. “Nous pouvons par exemple essayer de savoir pourquoi il pleut du méthane à l’intérieur de Saturne. C’est un environnement à haute pression que nous pouvons simuler.”

    La fusion nucléaire constitue le moteur qui brûle au cœur des étoiles. Jusqu’à présent, ce “moteur” n’a pu être simulé qu’en faisant exploser des bombes nucléaires. Mais, en générant des températures de plus de 100 millions de degrés et des pressions de plus de 100 milliards d’atmosphères, les chercheurs vont pouvoir produire des étoiles miniatures à la demande. Ils espèrent que le NIF leur permettra de simuler le cycle de vie stellaire, et même de reproduire les conditions qui provoquent la mort des étoiles sous forme de violentes supernovas.


    Par Richard Gray The Daily Telegraph, Courrier International
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