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Transports. code, no pasaran !

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  • Transports. code, no pasaran !

    Par Hassan Hamdani
    Transports. code, no pasaran !


    Sortis victorieux de la grève, les syndicats des transports exigent de nouveaux amendements au Code de la route de Karim Ghellab. Le ministre des Transports est rappelé à la table des négociations, le stylo à la main, contraint de revoir sa copie.


    Karim Ghellab ne ressemble ni à Tom Hanks ni à une fille mère. Pourtant, il donne le sentiment d’être seul au monde, un marmot encombrant sur les bras. Esseulé face aux syndicats du secteur qui refusent d’adopter son bébé : le nouveau Code de la route. Pas très

    soutenu par la chambre des Conseillers qui n’a pas voulu baptiser le bambin. Son président Maâti Benkeddour a même préféré se débarrasser de l’enfant, renvoyant du même coup Karim Ghellab à la table de négociations avec les syndicats. Ghellab y sera assis avec Abbas El Fassi, qui a été bien silencieux au plus fort de la grève, laissant à son ministre des Transports le rôle ingrat de porte-voix unique du nouveau Code de la route. Le Premier ministre n’est sorti de son mutisme que pour annoncer le report de l’examen du projet à une date indéterminée. Dans le rôle flatteur de porteur de bonnes nouvelles pour les grévistes. “J’ai eu le soutien du gouvernement, affirme pour sa part Ghellab. Mais je suis en front line et eux en back-office. C’est la règle quand on défend un projet qui dépend de votre ministère”. Un ministre au front face à des bataillons de grévistes. Des acteurs institutionnels incapables d’assurer ses arrières. Comment en est-on arrivé là ?

    La corde au cou
    Ghellab avait réussi à franchir l’étape de la Chambre des représentants, avec une mouture de son texte contenant plus de 275 amendements. Le résultat d’âpres négociations ouvertes avec les syndicats des transports, suite à la grève de 2007. Aujourd’hui, on prend presque les mêmes et on recommence. En étouffant Casablanca, poumon de l’économie du pays, les grévistes du secteur du transport ont de nouveau pris à la gorge le gouvernement. Blocage du port, stations d’essence en quasi-panne sèche, chômage partiel, activité marchande au ralenti et Marocains sans transports pour se rendre à leur travail… Des conséquences sociales et économiques, trop lourdes à supporter, qui ont été autant de raisons de faire marche arrière. “Le gouvernement ne s’est pas déculotté, mais il y a un temps pour la souplesse et un temps pour la fermeté. Il était nécessaire de ne pas laisser les citoyens en otages”, justifie Ghellab. Sauf que cette fois ci, contrairement à 2007, le débrayage s’est poursuivi. “Les syndicats de taxis blancs ont changé de leaders depuis les négociations de 2007. Ces derniers ont voulu montrer à la base leur capacité de nuisance”, accuse Ghellab. Ils réclament désormais plus, le “retrait pur et simple”, à l’instar de Mohamed Kherraq, secrétaire général de la CDT.

    Un Code, deux décodeurs
    Et pour bien mobiliser leurs troupes, les syndicats grévistes ont appuyé là où ça fait mal à leurs bases : le permis à points, les amendes jugées excessives et les peines privatives de liberté. Une dernière doléance qui a le don de hérisser le poil du ministre : “Insister sur les peines privatives de liberté est mobilisateur pour eux. Mais ils mentent à leurs troupes. Ils n’expliquent jamais que les peines de prison prévues dans le Code initial ont été supprimées. Il ne reste que celles inscrites au Code pénal”. En langage clair, on met en doute la bonne foi des meneurs de la grève, qui n’ont jamais présenté aucun cahier revendicatif, selon le ministère des Transports. “On apprenait leurs doléances par voie de presse”, ironise-t-on au cabinet de Ghellab. En réponse, le ministre communique avec les médias, explique le cercle vertueux qu’il veut instituer, afin de mettre fin à la guerre des routes : un conflit qui fait 11 morts par jour et coûte 11 milliards de dirhams, soit 2 % du PNB. En face, les leaders syndicaux rétorquent sur le terrain que le nouveau Code viendra nourrir un cercle vicieux : “Qui dit amendes excessives dit bakchichs plus importants”, juge un leader gréviste. Au final, entre la tournée pédagogique de Ghellab et les piquets de grève, il n’y aura pas eu photo. En débrayant, les syndicats des transports se savaient en position de force. Le timing était mauvais pour Ghellab et, au contraire, excellent pour eux. Année électorale oblige.

    Otage des élections
    Avoir sur le dos des grévistes n’était pas réjouissant pour le gouvernement à l’approche du 1er mai, et encore moins avec la perspective des communales de juin. Mais c’était encore plus triste pour Ghellab. Son Code de la route est passé devant la Chambre des conseillers, l’année où elle doit renouveler un tiers de ses membres. Comble de malchance pour le ministre, selon un mode de scrutin qui donne l’avantage aux grévistes dans le bras de fer qu’ils lui ont livré. Les conseillers sont élus au suffrage indirect par des collèges électoraux comprenant notamment des représentants syndicaux, issus pour une bonne partie des centrales qui ont mené le mouvement. Elles ont même leurs groupes au sein de la deuxième Chambre, qui ont joint leurs voix aux mécontents, protestant de manière plus feutrée, mais en phase avec les piquets de grève. Un double feu qui, selon Ghellab, relèverait d’une “exploitation politicienne à but électoraliste”. “Il n’y a pas eu d’opposition de principe au Code de Karim Ghellab. Nous l’avons étudié comme n’importe quel autre projet soumis à la Chambre des conseillers”, modère Mohamed Khaddouri, président du groupe USFP à la deuxième Chambre. Le projet avait tout de même une singularité. Son côté patate chaude à refiler vite à son plus proche voisin. Elle est tombée dans les mains de Abbas El Fassi, qui n’a pas voulu se brûler. Il a vite tempéré la chaleur du légume en rouvrant le cahier des doléances aux centrales syndicales. Ghellab, qui va devoir à nouveau amender sa copie, se veut cependant optimiste : “le Code de la route n’est ni mort, ni blessé”. Il est cependant à craindre que le prochain round des négociations en fasse un moribond…

    Grève. L’arrêt moteur

    Les professionnels du transport, maillon central de la chaîne économique, ont enrayé la mécanique en débrayant. “Les marchés de gros sur tout le territoire national ont été quasi à l’arrêt pendant 8 jours. La situation n’a commencé à se débloquer qu’a partir de lundi soir”, explique, Ahmed Abid, président de la Fédération nationale des marchés de gros. Une perte sèche pour plusieurs professionnels de l’agriculture. Le président de l’Association des producteurs et exportateurs des fruits et légumes (APEFEL), estime que 5000 tonnes par jour n’ont pas pu être écoulé sur le marché interne. Selon un principe élémentaire : pas de camions, pas de livraison. Encore moins d’exportations. On parle d’un manque à gagner de 50 millions de dirhams, dû notamment au blocage du port de Casablanca, où près de 90% des chargements n’ont pas pu s’effectuer. Perturbé par les grèves, l’approvisionnement en carburant est vite devenu un sujet d’inquiétude pour les deux poumons du Maroc : Casablanca et Rabat. Les automobilistes des deux villes ont fait la queue aux stations-service pour ne pas tomber en panne sèche. Piétons malgré eux, sans taxis à l’horizon…

    © 2009 TelQuel Magazine. Maroc.
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