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Parution. Mohammed VI ou la biographie espagnole

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    Traduction et éditing Zoé deback
    Parution. Mohammed VI ou la biographie espagnole


    “Le prince qui ne voulait pas être roi” (El principe que no queria ser rey), qui paraît en Espagne le 23 avril, dresse le portrait de Mohammed VI. Un livre sans concessions, parfois dur, qui n’échappe pas toujours aux raccourcis. Morceaux choisis.


    Premiers pas dans la diplomatie
    “La première fois que le monde s’est aperçu de l’existence du prince Sidi Mohammed, c’était en avril 1974. Le président français Georges Pompidou était décédé quelques jours auparavant. Sous les nervures

    gothiques de la cathédrale Notre-Dame de Paris avance alors un cortège composé d’une cinquantaine de chefs d’Etat, souverains, ministres, princes et émissaires, au milieu desquels ressort la minuscule figure d’un enfant vêtu d’une jellaba blanche. Il n’a pas encore 11 ans et quelqu’un, dans la lointaine Rabat, a placé sur ses petites épaules tout le poids de représenter un Etat. L’enfant continue d’avancer seul dans le couloir central de Notre-Dame, flanqué de la Garde républicaine, suivi par le colonel Ahmed Dlimi. Une fois assis, il s’est retrouvé encadré entre deux adultes en uniforme militaire et à la poitrine couverte de décorations : les princes Mahmoud Reza Pahlavi d’Iran et Herald de Norvège. Les amoureux de symboles pourraient tirer de cette circonstance toute une théorie sur la trajectoire du pouvoir. Le hasard a situé le futur roi du Maroc à un croisement, entre un Glucksbourg, représentant d’une monarchie démocratique et constitutionnelle, et un Pahlavi, représentant d’une monarchie absolue et despotique. Lequel des deux chemins prendre ? Aucun. Sidi Mohammed n’a pas encore l’âge de décider”. (…)

    Le père et le fils
    “Les relations père-fils entre Hassan II et Mohammed VI sont tourmentées. La communication est pratiquement impossible. Et le souverain n’arrive pas à intéresser son fils aux affaires d’Etat… Hassan II avait l’air de prendre plaisir à faire planer constamment au-dessus de la tête de l’héritier la candidature de n’importe lequel des deux princes, Moulay Rachid et Moulay Hicham. C’était une forme subtile de torture, la plus dure et la plus impitoyable, une torture psychologique qui laisse des blessures indélébiles (…) La mauvaise passe de Hassan II à New York, où il a été hospitalisé suite à une infection pulmonaire en octobre 1995, sonna comme un rappel à l’ordre. Tout le monde, le roi en premier, était conscient qu’effectivement le compte à rebours avait commencé. Il fallait se dépêcher, renforcer l’image de l’héritier en le faisant apparaître en scène comme l’unique successeur possible. Rapidement se profila ce que les stratèges à courte vue auraient pu baptiser “opération héritier”. La manœuvre était porteuse d’un message institutionnel de grande portée : trancher une fois pour toutes le débat de la succession, qui avait alimenté toutes sortes de rumeurs et d’inquiétudes.

    La première grande mise en scène de la personne de Sidi Mohammed eut finalement lieu fin août 1996. Hassan II lui donna un rôle prestigieux et spectaculaire, comme jamais on ne lui en avait accordé : négocier avec le Front Polisario. Mais l’échec des négociations était tellement évident que les médiateurs de la Maison Blanche conseillèrent que ce soit le roi en personne qui dialogue directement avec le Polisario, et qu’il ne le refasse plus via le prince héritier ou le ministre de l’Intérieur Driss Basri”. (…)

    Une interview sur commande
    “Un jour de mai 1997, mon téléphone a sonné. Le conseiller royal André Azoulay voulait me parler. “Je vous offre une interview avec le prince héritier Sidi Mohammed, qui effectuera un voyage en Espagne dans quelques jours”, me dit-il sans préambule. “Si c’est vous qui la faites, elle ne risque pas d’être complaisante et nous voulons que ce soit une interview crédible”, ajoute le conseiller du défunt roi. Le jour J, l’héritier était là, souriant, sur le perron de sa résidence. Pendant un instant, j’ai pensé que si par hasard nous avions été camarades au collège, il aurait fait partie du petit groupe avec qui je préférais partager mes histoires dans un coin de la cour, plutôt que de jouer au foot avec le reste de la classe. C’est peut-être pour cela que j’ai eu la tentation de le tutoyer (…) Au Palais, on m’a expliqué le procédé compliqué de l’interview. En fait, c’était eux qui menaient l’interview. Moi, j’étais purement un instrument : l’acteur chargé de lire les répliques qu’ils avaient rédigées. Je n’étais pas vraiment indigné. Plutôt ennuyé. Je n’étais pas le seul. Je me suis rendu compte que mon interlocuteur, le prince héritier Sidi Mohammed, ressentait la même chose. Il répondait aux questions de façon mécanique, comme s’il avait appris par cœur les réponses. Peut-être que la même équipe qui avait expurgé ma liste de questions avait rédigé ses réponses. (…)

    Le prince n’a rien dit d’important, à part les références continues à son père. Sidi Mohammed a mis un soin particulier à montrer que ce qu’il pensait, ce qu’il disait ou ce qu’il faisait étaient conformes aux projets ou aux ordres de son père. Mais il y eut une erreur, une seule. Elle fut commise par le prince quand il dit que le problème du Sahara devait être résolu par une consultation démocratique. Une réponse surprenante, qui fut rectifiée quand le Palais a relu la transcription finale de l’interview”. (…)

    Comment tout a basculé
    “Rabat, vendredi 23 juillet 1999. La nuit commençait à tomber. Quand finalement le prince Sidi Mohammed apparut sur le petit écran, assis derrière une table en verre, couverte d’un tissu vert brodé de l’étoile chérifienne en argent et or, tous ressentirent une forme de soulagement. Tout était là à sa place et personne n’avait fait de coup d’Etat. Le soulagement en question se trouvait renforcé par deux détails apparemment banals : sur la droite de l’image, à l’extrémité de l’écran, quelqu’un avait pris le soin de placer une petite branche de roses ; sur la gauche, debout, vêtu de bleu marine, le visage sérieux, se tenait Moulay Rachid, le frère de Sidi Mohammed, l’héritier de l’héritier. Les scénographes royaux voulaient dissiper la plus minime sensation de vide.

    Hassan II est mort et Mohammed VI a commencé à gouverner avec un style différent. Une façon d’envoyer un message clair à ses sujets?: le Maroc va changer. Car la maison royale a besoin d’un nouveau visage. Propre. Mohammed VI a réussi par deux discours brefs, le premier de 1773 mots et le second de 2175, et en à peine plus de trois semaines, à nettoyer les toiles d’araignée de la couronne. Le premier à tomber fut Driss Basri. Le jeune Mohammed VI l’a officiellement sacrifié parce qu’il incarnait à lui seul la mauvaise image du royaume. La vérité, c’est que Mohammed VI avait toujours haï Driss Basri. C’était un secret de polichinelle et tout le monde savait que le ministre s’était consacré pendant des années à espionner le jeune héritier. Les rapports de Basri sur le prince se transformaient ainsi, dans les mains de Hassan II, en armes contre son fils, et compliquaient encore plus leurs relations personnelles. Pour toutes ces raisons, Mohammed VI haïssait Basri, et il l’exécuta politiquement”.

    Zoom. Un livre, un auteur

    Pour Ferran Sales, Le prince qui ne voulait pas être roi (éditions Catarata) n’a pas été conçu comme un bilan des dix premières années de Mohammed VI. Ce n’est qu’un hasard du calendrier. “Mon objectif n’a jamais été d’écrire un livre-choc, comme ont pu le faire plusieurs auteurs français”, nous a expliqué ce collaborateur d’El Pais, vétéran du journalisme au Maghreb et au Moyen-Orient. “Je voulais seulement apporter ma vision de ce roi finalement très mal connu des Espagnols”, ajoute-t-il. Le livre de 220 pages est donc plutôt une biographie, “construite comme un puzzle”. Dans la première partie du livre, Sales prend comme point de départ ses propres souvenirs et réflexions, datant des années où il était basé à Rabat (de 1990 à 1997), pour parler de la jeunesse du prince héritier et de la transition au Maroc. Il raconte, pour la première fois, ses impressions de l’interview que lui a accordée Sidi Mohammed, alors prince héritier, en 1997. La seconde partie du livre analyse les réalisations politiques du nouveau roi et l’évolution du pays depuis dix ans. Pour les besoins de la rédaction du livre, le journaliste est retourné au Maroc en 2008, pour rencontrer plusieurs acteurs politiques.

    © 2009 TelQuel Magazine. Maroc.
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