Par Fadoua Ghannam
Consommation. Lourd, lourd le pa nierMalgré une bonne campagne agricole, les prix des fruits et légumes ont plus que doublé ces derniers mois. Tour des étals.
Quoi de mieux qu’une salade de crudités à déguster, un jus de fruits à siroter et une pomme à croquer pour casser la croûte en ces jours printaniers. Sauf que les produits maraîchers frais, qui constituent l’essentiel de l’alimentation des Marocains, deviennent de moins en moins accessibles à Monsieur tout le monde. Les prix sur les différents marchés de fruits et légumes atteignent des records à s’en retourner
Du jamais vu
“De mémoire de commerçant, c’est du jamais vu”, peste ce marchand ambulant casablancais. Et encore, lui s’approvisionne (à ses prix) au marché de gros de Casablanca. Le consommateur final paie bien plus cher son panier. Et pour cause, une multitude d’intermédiaires vivent de la complexité du circuit de commercialisation des fruits et légumes. Grossistes, courtiers et commerçants prélèvent chacun sa commission. Ainsi, en moyenne, les prix entre marché de gros et souk de quartier sont gonflés de 30 % à 70 % selon les produits et la région. Cette marge couvre, selon un grossiste à Agadir, les coûts du transport ou encore les coûts de la main d’œuvre pour charger et décharger les cargaisons. A ceci s’ajoute une multitude de taxes à payer. Elles totalisent 7,24 % de la valeur de la marchandise qui accède au marché de gros, passage censé être incontournable pour tout fruit et légume. Et pour calculer ces taxes, on tient compte d’une valeur imposée par des commissions constituées au niveau de chaque marché. “Cela ne manque pas de donner des situations incongrues”, explique un intermédiaire. Exemple : la tomate, en début de semaine, était vendue à 2 DH à la ferme alors que “la commission des valeurs” du marché de gros de Casablanca l’estimait à 2,80 DH. Autre exemple édifiant : la banane, dont les prix de vente par les agriculteurs varient entre 3 et 3,5 DH le kilo alors même que le ticket d’entrée sur le marché de gros est de 4,60 DH. Ces survalorisations contribuent à renchérir davantage les prix de vente au consommateur final.
Sauvé par le Souss…
Si le panier devient de plus en plus lourd, c’est que les raisons sont multiples et variées. D’abord, la tension sur le marché s’explique par l’état des récoltes. Certes, la pluie a été au rendez-vous pour cette saison agricole, mais les fortes précipitations ont fortement détérioré les récoltes dans les régions qui alimentent le marché national en fruits et légumes. C’est le cas du Gharb où les intempéries du mois de janvier ont concerné plus de 60 000 hectares. “Les inondations du Gharb étaient les plus spectaculaires. Et les cultures maraîchères dans d’autres régions, comme Doukkala, Abda et Chaouia, ont également pâti du taux élevé de pluviométrie”, explique Ahmed Abid, président de la Fédération nationale des marchés de gros. Résultat des courses : tout le Maroc, sans exception, s’approvisionne désormais dans la région du Souss. “En règle générale, entre octobre et mai, la région d’Agadir répond aux besoins du marché national à hauteur de 80%. Mais cette année est exceptionnelle puisque ce taux atteint les 100 % actuellement”, précise Abderrazak Mouisset. Sauf que les tensions sociales dans le Souss sont également fréquentes. “Il y a deux mois, la région a été touchée par une série de grèves des ouvriers qui ont mis à l’arrêt toutes les exploitations agricoles, explique le président de l’APEFEL. Ceci s’est ressenti sur l’approvisionnement du marché national”.
S’ajoute une conjoncture de crise. La grève que connaît le secteur du transport depuis une dizaine de jours aggrave la situation. Les difficultés d’accès aux exploitations agricoles et les obstacles d’approvisionnement des différents marchés de gros accentuent la pression sur les prix. “En début de semaine, nous sommes arrivés au marché d’Agadir à des pics de 15 DH pour la pomme de terre et de 20 DH pour les pommes marocaines”, souligne le président de l’APEFEL. Cette association a été d’ailleurs parmi les premières organisations professionnelles à fustiger les conséquences jugées “catastrophiques” de la grève des transports sur le secteur agricole.
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Tomate, banane. Les exceptions marocaines
Deux produits maraîchers tirent leur épingle du jeu : la tomate et la banane. Leurs prix ont baissé ou “au moins stagné”, comme le précise Ahmed Abid, président de la Fédération des marchés de gros. Pour la tomate, la baisse des exportations marocaines vers l’Europe permet d’avoir une abondance de produits de bonne qualité sur le marché national. Et comme il s’agit de produits rapidement périssables, les prix sont parfois bradés. Pour la banane, Mohamed Yahi, vice-président de la Comader (Confédération marocaine d’agriculture et de développement rural) explique que le secteur est en surproduction. La hausse des cours de la banane à l’international a poussé les agriculteurs à s’adonner davantage à cette culture.
© 2009 TelQuel Magazine. Maroc.
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