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Les serments et les parjures

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  • Les serments et les parjures

    Il inaugurera demain, dimanche, sa troisième mandature. Et pour la troisième fois, il sacrifiera au rite immuable du serment. Une formalité festive érigée en contrat moral entre l’élu et les sujets. Le premier credo de l’exercice du pouvoir et à la fois son éthique.

    Bien évidemment, cette spectaculaire solennité n’engage en rien si ce n’est qu’elle autorise, de fait, à la transgresser au fil des événements.L’on mettra alors sur le compte de la «raison d’Etat» les multiples entorses faites à cette promesse initiale. Une formule absolutoire que seule la magie politicienne sait en faire usage tant il est vrai que les princes qui gouvernent n’entendent surtout pas être accusés de parjure.

    Ce vocable-ci, terrible par son sens, a une odeur de soufre. C’est, qu’habituellement, les tuteurs nés des urnes se veulent, en toutes circonstances, irréprochables. Que leurs fautes ou leurs erreurs les rattrapent ne doit, en aucun cas, constituer la preuve de leur faillite.

    Au pire, ils savent se défausser sur les contraintes inhérentes à leurs magistères en rappelant avec une candeur feinte que la politique se définit modestement comme «l’art du possible». A peine s’ils ne prennent pas à témoin leurs sujets pour les convaincre de leur bonne foi quand les choses vont mal et que les faits les malmènent.

    Ici, comme dans d’autres «ailleurs», un président assermenté s’engage de la même manière que ceux qui s’autoproclament à Tunis ou bien au Caire. Jamais tenu par la parole donnée, il organise et conduit son pouvoir sans garde-fous et sans restriction morale. D’où l’inutilité de ces shows à répétition.

    De grandioses mises en scène quinquennales sans autre intérêt que celui de renouveler le quitus pour d’autres mensonges d’Etat. Aussi, lorsque le rideau tombera sur ce cérémonial de la réinvestiture commenceront alors les véritables tractations du sérail. Celles qui, nécessairement, se déroulent à l’insu d’une opinion déjà désabusée mais qui a, cette fois, l’occasion de ricaner au sujet de la cohorte de courtisans faussement révérencieux. Au lendemain des promesses déclamatoires se négocieront les places et les prés carrés. Ceux qui ne concernent que cette minorité agissante à son seul profit mais qui prétend parler au nom du bien public.

    Appareils de propagande et hommes d’influence croiseront le fer pour emporter l’adhésion du président et conquérir quelques parcelles dans sa proximité. Un étrange ballet dont celui-ci a l’habitude et surtout plus d’expérience.

    C’est qu’après dix longues années ponctuées par plus d’échecs que de réussites, ce chef de l’Etat n’a plus l’excuse de l’homme abusé par son entourage. La cour qui l’accompagne depuis 1999 n’a plus de secret pour lui désormais. Dans le conglomérat pesant des intrigants, il lui faudra faire le tri tout en injectant du sang neuf dans l’appareil d’Etat en puisant dans d’autres pépinières politiques moins compromises. Particulière, à plus d’un aspect, la mandature qu’il entame sera plus exposée à la contestation que ne l’étaient les précédentes. Que la critique sera l’œuvre des «déclassés» de son sérail ou qu’elle viendra de l’opinion ne supportant plus le statu quo au sommet ne fera que l’affaiblir.

    Car, contrairement à l’idée qu’il se fait du vrai-faux plébiscite au 9 avril, il est désormais seul. Tragiquement seul à démêler l’écheveau d’une gouvernance jusque-là médiocre. Le soutien populaire qu’il croit tirer des résultats d’un scrutin n’en est pas un. Au mieux, celui-ci peut être interprété comme une sorte de viatique conditionnel et conditionné. Et parmi les nombreux préalables indexant cette reconduction celui de changer du tout au tout le style de son pouvoir et de recomposer, du point de vue moral, ses alliances. En effet, ceux qui l’ont poussé à commettre un quasi parjure le 12 novembre en ne respectant pas son serment d’avril 2004, celui de ne pas déroger à la Constitution, ne sont- ils pas les mêmes qui le rassurent actuellement sur sa fausse popularité ? Entendons-nous bien sur ce sujet.

    Quand bien même il est tout à fait légal ou légitime pour un pouvoir donné de réexaminer une constitution, il reste néanmoins que toute démarche doit obéir à des règles strictes. Celles qui relèvent de la procédure et de l’opportunité. Deux obstacles de taille qui ont été violentés. D’abord celui de ne jamais procéder à un quelconque amendement à la veille d’un renouvellement de pouvoir. Ensuite celui de privilégier l’acte référendaire quand les institutions électives (Parlement) ne sont pas fortement représentatives. Or il y a eu une gravissime transgression de ces deux obligations éthiques. C’est donc cette atteinte à la lettre et à l’esprit de la Constitution qui surcharge négativement son double magistère bien plus que ne le firent tous ses contestables choix politiques.

    En abordant son troisième mandat sous le signe de la suspicion, le président devra d’abord s’atteler à effacer ce détestable stigmate. Mais comment ? Vaste question à laquelle il va être longtemps confronté et à partir de laquelle il sera souvent interpellé. Comme quoi il ne suffit pas de prêter serment tous les cinq ans encore faut-il s’en souvenir dans tous les instants afin de grandir dans sa propre estime et le respect de ses sujets.

    Par Boubakeur Hamidechi, Le Soir

  • #2
    C'est le lot de biens des hommes politiques qui aspirent à l'exercice de la fonction élective...Combien de fois n'a -t-on pas entendu cette réplique devenue célébre de Laurent FABIUS, passée depuis lors à la postérité :

    " Responsable mais pas coupable..."

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