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Crise financière : Geithner et Summers se refusent à traiter le fond des problèmes

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  • Crise financière : Geithner et Summers se refusent à traiter le fond des problèmes

    par Michael Pomerleano

    17 avril 2009
    Le système bancaire US est virtuellement insolvable, nous dit Michael Pomerleano, contributeur invité par Martin Wolf sur le forum qu’il anime. Chiffres à l’appui, il confirme cette vérité désormais connue et admise par nombre d’analystes et non des moindres : quelles que soient les mirobolantes acrobaties comptables annoncées cette semaine, et qui ont provoqué le retour à la table de jeu des addicts de la cote new yorkaise, les banques de Wall Street sont bel et bien dans le rouge. Pourquoi donc faudrait-il se préoccuper de la capitalisation du système bancaire US ? En quoi le sort de ces établissements, largement responsables de la crise et de son lot de souffrances humaines devrait-ils nous concerner ? A plusieurs titres. Tout d’abord parce que - expérience des années 1930 et du Japon faisant foi - nous savons désormais fort bien qu’un retour au plein emploi est conditionné par le nettoyage du système bancaire, c’est à dire la liquidation des créances douteuses - sans oublier les dettes afférentes. Les séquences de déflation des actifs sont à la fois extrêmement douloureuses et inévitables. La fonction monétaire, imprudemment déléguée au seul profit de l’intérêt privé, ô combien abusivement identifié à l’expression autonome et décentralisée du collectif, est indispensable à la vie en société. Il convient donc de trancher au plus vite dans le vif, d’apurer les comptes, ce qui implique également de remettre en cause les réputations établies du moment. De ce fait, ces épisodes sont l’occasion d’une lutte forcenée des acteurs de la place pour préserver ce qui peut l’être des statuts et des richesses acquises - ou plus exactement de leurs signes - au détriment de l’intérêt collectif. Or la prudence de chattemite dont fait preuve en la matière l’administration Obama n’augure rien de bon. En adhérant contre toute évidence à la fiction de la solvabilité du système bancaire US, Geithner et Summers manifestent au mieux un optimisme déplacé, et au pire une coupable indulgence - voire une compromission, comme l’a suggéré l’ancien cadre du FMI Simon Johnson dans un essai très remarqué - avec le milieu qui est le leur et dont ils ne savent visiblement pas s’affranchir. D’où une première conclusion : que l’on soit adepte ou non de la mondialisation accrue des échanges, cette réalité est désormais installée, qui conditionne la vie quotidienne de millions de français. Les licenciements massifs auxquels nous assistons depuis l’automne sont là pour le rappeler. La situation du poids lourd de l’économie mondiale ne saurait donc laisser indifférent, et celle-ci dépend de la vigueur de l’action gouvernementale sur les problèmes du secteur financier. Nous sommes aujourd’hui loin du compte. Deuxième question : l’Atlantique, serait-il un sas de décontamination ? Comment croire, au vu des avis convergents des analystes informés sur la situation américaine que l’Europe puisse s’estimer indemne ? Jusqu’à présent, les politiques européennes (à l’exception notable du Royaume Uni) ont été réactives, des mesures conservatoires ont été prises, mais l’hypothèse de l’insolvabilité reste taboue. L’évocation d’une équivalence, un temps suggérée, entre le risque des subprimes aux USA, et celui d’une défaillance de l’est européen - qualifiée par certains de tentative de déstabilisation anglo-saxonne - semble avoir été écartée par le renforcement du trésor de guerre largement augmenté dont dispose désormais le FMI. Pour autant, tous les foyers de tensions potentiels n’ont pas été circonscrits - loin de là - comme le rappellent le sort de l’Espagne et de l’Irlande. La posture consistant à estimer l’Europe à l’abri de la débâcle financière dans laquelle se débattent les USA semble relever de la foi du charbonnier plutôt que d’une évaluation raisonnée des risques. Un dernier point. Lorsque les meilleurs esprits insistent tous sur la nécessité de remettre au plus vite à plat les - mauvais - comptes des anciens maîtres de la toute puissante finance et que les gouvernements semblent paralysés à l’idée d’ébranler les colonnes du temple, il peut sembler légitime de reconnaitre là en acte les mécanismes sociologiques à l’oeuvre sur d’autres terrains, à commencer par celui du changement climatique. Nous savons, nous pouvons, mais nos représentants, qui ont identifié leur destin à celui des réseaux, des formes et des conventions de pouvoir dans lesquels ils excellent, ne veulent, ne peuvent, ni ne savent faire le deuil de leurs habitus.
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

  • #2
    Par Michael Pomerleano, Forum des économistes du Financial Times, 13 avril 2009
    Le programme de l’administration Obama destiné à traiter la fragilité du système bancaire est basé sur deux grandes mesures. Tout d’abord, le gouvernement a mis en place le plan Geithner et Summers qui consiste à racheter auprès des banques les titres adossés aux actifs subprimes. Ce plan de rachat concerne les titres négociables qui représentent moins de 40% des actifs inscrits au bilan des banques. Il ne traite pas des autres 60% du bilan des banques américaines, correspondant à des prêts qui ne sont pas soumis à la règle de la valorisation aux cours du marché. En outre, la mise en oeuvre de ce programme nécessitera six mois. Ce plan a suscité les critiques d’analystes à la réputation établie, dont Paul Krugman. Comme le souligne Krugman dans sa chronique du New York Times ce plan est la troisième mouture de mesures du même type déjà utilisées par le passé et qui consistent à essayer de soutenir la valeur des actifs toxiques. Ce plan répond à la définition que donnait Einstein de la folie : continuer à faire la même chose, en espérant un résultat différent. Jeff Sachs (FT, 23 Mars), Joseph Stiglitz (NYT, le 1er avril) et Peyton Young (FT, le 1er avril) ont également fait part de leurs préoccupations, craignant que ce plan ne conduise à nationaliser les pertes et privatiser les profits.
    La deuxième partie du programme de l’administration Obama consiste en ces désormais fameux tests de stress auxquels sont soumis les plus grandes banques du pays. Les autres mesures du plan Geithner sont le programme de rachat des prêts géré par la FDIC, l’achat de titres du Trésor relevant du PPIP [1] , l’élargissement du progamme TALF [2] et les diverses mesures visant à réduire les taux du marché hypothécaire pour les prêts éligibles pour le refinancement des GSE.
    Nous estimons que l’administration Obama est dans un état de déni en ce qui concerne les problèmes du système financier. Les pertes dans le système bancaire ne sont pas un « inconnu inconnu » [3]. Comme indiqué ci-dessous, les calculs des tests de stress peuvent être effectués par tout analyste informé, et les pertes sont connues avec un degré raisonnable à l’aide d’estimations. Le test de stress est tout simplement un « écran de fumée » visant à retarder l’inévitable moment où l’administration devra faire face aux graves problèmes du système bancaire, qui sont parfaitement connus.
    Comme avec la crise des subprimes, nous constatons une réticence collective à examiner et analyser l’information disponible et observons la manifestation d’une timidité face à d’évidents problèmes. La publication trimestrielle de la FDIC [4] sur la situation des banques fournit la première vue synthétique des résultats financiers pour l’ensemble des institutions qui sont garanties par la FDIC. Une lecture attentive du bilan du système bancaire au 31 Décembre 2008 montre que le capital Tier 1 [5] est de 1 296 milliards de dollars, dont seulement 1000 milliards correspondent à un capital tangible, tandis que le reste de cette catégorie 1 relève d’actifs incorporels dont le « good will » [6] Les crédits accordés s’élèvent à 7 873 milliards de dollars. Le rapport informe également que le Ratio de Couverture de Réserve ( montant des réserves par rapport aux crédits en retard de paiement) a baissé de plus de 220% en 2005 à un peu moins de 80% en 2008. En outre, à ce stade, les réserves pour pertes sur les prêts par rapport à l’encours moyen des prêts accordés sont d’un peu plus de 2%. Les économistes de Goldman Sachs ont récemment estimé que les banques valorisaient leurs prêts hypothécaires à environ 91 cents du dollar [7].
    Un test de stress des bilans bancaires qui se voudrait charitable retiendrait les hypothèses prudentes que voici : augmentation du pourcentage de crédits défaillants à 8%, soit le niveau observé durant de la récession des années 1991 1992, et préservation d’un modeste taux de couverture par rapport aux pertes de 100%. Sans entrer dans les détails sanglants de mes calculs, le déficit du capital de type Tier 1 s’élève à 753 milliards de dollars en retenant ces hypothèses très bienveillantes. 630 milliards de dollars (soit 8%) de prêts non performants représentent une estimation très bénigne. McKinsey, ainsi que d’autres, comme Goldman Sachs, ont calculé que les banques américaines pourraient détenir actuellement plus de 2000 milliards d’actifs douteux [8]. Dans son nouveau Rapport Mondial sur la Stabilité Financière, le FMI devrait chiffrer les pertes potentielles sur les actifs adossés aux crédits émis aux USA et qui sont détenus par les banques et les autres établissements financiers à 2800 milliards de dollars. Une estimation prudente, tablant sur un taux de défaillance des crédits comparable à celui observé durant la récession de 1982, avec un taux de couverture de 200 %, amène à chiffrer un déficit en capital supérieur à 1500 milliards de dollars.
    Le système bancaire est gravement sous-capitalisé, et de nombreuses banques sont insolvables. Il est clair qu’un système bancaire consolidé nécessiterait beaucoup plus de capitaux et une solide réserve pour pertes sur l’activité de crédit, venant s’ajouter aux fonds propres. Jusqu’à ce que mille milliards au moins d’actifs douteux soient constatés et que le système bancaire soit recapitalisé, l’activité du crédit restera limitée. Dans ce contexte, il reste incompréhensible que l’administration Obama se contente de bricoler à la marge avec des programmes visant à enrichir Wall Street. Geithner et Summers doivent prendre les problèmes du système bancaire à bras-le-corps.

    Publication originale [ Financial Times, traduction Contre Info
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

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