«Le modèle tunisien s’épuise»
InterviewMustafa ben Jaafar, candidat d’opposition à la présidentielle en Tunisie :
4 réactions
Recueilli par CHRISTOPHE AYAD, Liberation fce
Moustafa ben Jaafar, 69 ans, est le secrétaire général du Forum démocratique pour le travail et les libertés, parti d’opposition légal mais non toléré par le régime tunisien.
Vous êtes candidat à la présidentielle de l’automne 2009 contre Ben Ali, au pouvoir depuis 1987. A quoi bon ?
Tout le monde sait que les élections sont contrôlées de bout en bout par le pouvoir. C’est une sorte de récréation de quinze jours pendant laquelle l’opposition peut enlever son plâtre. Puis elle retourne à sa paralysie pour cinq nouvelles années. Malgré tout, ça reste une occasion de sortir les citoyens de leur léthargie et de montrer qu’il y a une alternative.
Avez-vous une chance d’être candidat ?
Normalement, il faut rassembler les signatures de 30 députés ou maires. Comme tous les élus sont membres du RCD (au pouvoir) ou des petits partis apparentés, ce n’est théoriquement pas possible. Mais le pouvoir tient à un minimum de pluralisme pour son image, et il fait voter à chaque fois une loi exceptionnelle. La dernière fois, les responsables de partis légaux avaient le droit de se présenter, à condition d’être depuis deux ans à la tête de leur formation. Si cette règle est reconduite, je devrais être éliminé, puisque mon parti n’a pas pu tenir de congrès ces deux dernières années. Ceux qui nous louent des salles annulent toujours au dernier moment sous la pression du pouvoir.
Quel peut être l’enjeu d’un tel scrutin ?
L’enjeu, c’est qu’il se déroule dans de meilleures conditions qu’en 2004. Plus que jamais, il faut s’attaquer aux règles du jeu pour les modifier. C’est le seul moyen pour qu’il y ait une véritable compétition. On peut accepter que les moyens soient disproportionnés, mais, au moins, que la règle du jeu soit la même pour tous : l’accès aux médias audiovisuels, la possibilité de tenir meeting, de faire campagne, c’est là-dessus que je vais insister. C’est la condition sine qua non de la démocratie.
L’opposition n’a-t-elle pas intérêt à s’unir et à présenter un seul candidat ?
C’est ce que je souhaite. Mais la priorité, c’est de desserrer l’étau et de montrer qu’il existe une opposition. Le pouvoir veut faire croire que c’est lui ou rien, même pas le chaos, rien.
Faut-il travailler avec les islamistes ?
Longtemps, le régime a monté l’opposition laïque contre les islamistes, jusqu’au moment où l’on s’est rendu compte que les islamistes n’étaient que la première des cibles et que toutes les voix contestataires finiraient pas faire l’objet de la même répression. Il faut absolument dialoguer avec les islamistes qui sont prêts à jouer le jeu démocratique et à refuser la violence.
Quel rôle jouent les Européens ?
Les Européens, et les Occidentaux en général, sont guidés par leurs intérêts, c’est-à-dire la sécurité et les échanges. Pour eux, les capitaux doivent circuler librement mais pas les hommes. Ce n’est pas ma vision d’un avenir commun. La Tunisie a longtemps été un havre de prospérité et de calme au Maghreb. Ce n’est plus le cas. Notre système éducatif forme des chômeurs qui cherchent à gagner l’Europe en barques. L’absence de liberté et de transparence, notamment dans le domaine économique, provoque la stagnation des investissements étrangers. Le modèle tunisien s’épuise. Nous sommes en train de perdre notre statut de bon élève.
InterviewMustafa ben Jaafar, candidat d’opposition à la présidentielle en Tunisie :
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Recueilli par CHRISTOPHE AYAD, Liberation fce
Moustafa ben Jaafar, 69 ans, est le secrétaire général du Forum démocratique pour le travail et les libertés, parti d’opposition légal mais non toléré par le régime tunisien.
Vous êtes candidat à la présidentielle de l’automne 2009 contre Ben Ali, au pouvoir depuis 1987. A quoi bon ?
Tout le monde sait que les élections sont contrôlées de bout en bout par le pouvoir. C’est une sorte de récréation de quinze jours pendant laquelle l’opposition peut enlever son plâtre. Puis elle retourne à sa paralysie pour cinq nouvelles années. Malgré tout, ça reste une occasion de sortir les citoyens de leur léthargie et de montrer qu’il y a une alternative.
Avez-vous une chance d’être candidat ?
Normalement, il faut rassembler les signatures de 30 députés ou maires. Comme tous les élus sont membres du RCD (au pouvoir) ou des petits partis apparentés, ce n’est théoriquement pas possible. Mais le pouvoir tient à un minimum de pluralisme pour son image, et il fait voter à chaque fois une loi exceptionnelle. La dernière fois, les responsables de partis légaux avaient le droit de se présenter, à condition d’être depuis deux ans à la tête de leur formation. Si cette règle est reconduite, je devrais être éliminé, puisque mon parti n’a pas pu tenir de congrès ces deux dernières années. Ceux qui nous louent des salles annulent toujours au dernier moment sous la pression du pouvoir.
Quel peut être l’enjeu d’un tel scrutin ?
L’enjeu, c’est qu’il se déroule dans de meilleures conditions qu’en 2004. Plus que jamais, il faut s’attaquer aux règles du jeu pour les modifier. C’est le seul moyen pour qu’il y ait une véritable compétition. On peut accepter que les moyens soient disproportionnés, mais, au moins, que la règle du jeu soit la même pour tous : l’accès aux médias audiovisuels, la possibilité de tenir meeting, de faire campagne, c’est là-dessus que je vais insister. C’est la condition sine qua non de la démocratie.
L’opposition n’a-t-elle pas intérêt à s’unir et à présenter un seul candidat ?
C’est ce que je souhaite. Mais la priorité, c’est de desserrer l’étau et de montrer qu’il existe une opposition. Le pouvoir veut faire croire que c’est lui ou rien, même pas le chaos, rien.
Faut-il travailler avec les islamistes ?
Longtemps, le régime a monté l’opposition laïque contre les islamistes, jusqu’au moment où l’on s’est rendu compte que les islamistes n’étaient que la première des cibles et que toutes les voix contestataires finiraient pas faire l’objet de la même répression. Il faut absolument dialoguer avec les islamistes qui sont prêts à jouer le jeu démocratique et à refuser la violence.
Quel rôle jouent les Européens ?
Les Européens, et les Occidentaux en général, sont guidés par leurs intérêts, c’est-à-dire la sécurité et les échanges. Pour eux, les capitaux doivent circuler librement mais pas les hommes. Ce n’est pas ma vision d’un avenir commun. La Tunisie a longtemps été un havre de prospérité et de calme au Maghreb. Ce n’est plus le cas. Notre système éducatif forme des chômeurs qui cherchent à gagner l’Europe en barques. L’absence de liberté et de transparence, notamment dans le domaine économique, provoque la stagnation des investissements étrangers. Le modèle tunisien s’épuise. Nous sommes en train de perdre notre statut de bon élève.
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