Le Maroc au bord de la révolte du pain
Sous un ciel, à la fois ombrageux, clément et généreux, la grogne monte du tréfond d’une société en quête d’espérance.
Le Maroc vient d’être l’objet d’une observation rigoureuse de sa situation économique et sociale, par une unité d’étude étrangère. Encore une fois, pourrait-on dire. Pourquoi pas, après tout, dès lors qu’un regard extérieur, potentiellement prospecteur et “diagnostiqueur”, est bon à prendre, quels que soient son angle d’approche et ses conclusions. Cette fois-ci, c’est un centre de recherche et de publications économiques britannique, sous le nom de The Economist Intelligence Unit (EIU), qui s’est chargé de passer au crible notre micro économie et les répercussions sociales, jugées prévisibles, qui pourraient en découler.
D’emblée, on nous “gratifie” d’un taux de croissance poussif d’à peine 2,3%. Une gratification plutôt pénalisante, rapportée aux 5% annoncés par Salaheddine Mezouar, ministre de l’Économie et des Finances.
Détresse
Il ne faut surtout pas aller chercher des comparaisons hasardeuses avec un pays comme la France, qui risque d’avoir un taux de croissance négatif pour l’année en cours et même la suivante. Ce genre de quantifications, quels qu’en soient les chiffres indicateurs, dépend de la base de départ et de l’état cumulatif des structures économiques créateurs de croissance et de développement social. Bref, cela dépend d’où l’on vient. Pour nous autres, nous ne cessons de revenir de loin. Alors, restons dans nos bottes et essayons de voire ce que cette étude anglaise nous apprend sur nous-mêmes.
Dans une parfaite tradition british, toute en subtilités et en formules pudiques, l’étude parle d’«inégalités économiques» et de «détresse sociale». Ce sont là des expressions génériques qui, sans les occulter, suggèrent bien des choses qui couvent à fleur de peau des individus concernés et à mi-surface d’un bouillonnement social sourd mais réel.
Quoi qu’on en dise, les Britanniques aussi savent être explicites quand il le faut. Ils ont pointé trois facteurs qui résument notre situation socio-économique: la pauvreté, le chômage et l’inflation. À l’output, on obtient immanquablement un mécontentement social qui gronde et tente de se faire entendre au grand jour. Qu’on le veuille ou non, nous sommes dans ce cas de figure. Une société en ébullition parfois audible, généralement diluée dans les impératifs de la routine quotidienne, persistants et têtus.
Finalement, les Britanniques ne nous ont appris que ce qu’on ne nous a pas dit et que nous savions, de science certaine, par notre vécu et notre curiosité citoyenne. Nous avons toujours été un pays ouvert sur le monde extérieur, depuis nos comptoirs commerciaux sur nos deux façades maritimes tout au long des siècles passés. Nous avons “mercantilisé” avec les grands ports d’Europe, d’Amérique et d’Asie. À titre d’exemple, juste pour illustrer, notre breuvage de tout instant, le thé, était importé de Chine dès les Grandes découvertes des XIVème et XVème siècles.
Ceci pour dire que la mondialisation, nous y sommes tombés en tant que jeune nation aguerrie, depuis des lustres. Mais voilà qu’on veut nous la cacher par un tamis que la circulation instantanée de l’information a rendu complètement poreux.
C’est un fait que nous subissons de plein fouet les effets de la crise financière et économique internationale. Encore une fois, il ne pouvait en être autrement. Des pans entiers de notre économie sont en souffrance. Particulièrement les industries à vocation exportatrice, ou les activités dont le rendement est tributaire des possibilités d’une clientèle résidente à l’étranger. Le textile, pourvoyeur d’emplois et contributeur à une prétention d’équilibre de notre balance de paiement, est aux premières loges. Les commandes fondent comme neige au soleil. Les machines tournent au ralenti, lorsqu’elles ne sont pas mises à l’arrêt.
Le tourisme, à la veille de la haute saison, n’est pas mieux loti. Pour ne considérer que le marché de l’Hexagone au jour d’aujourd’hui, 25% de Français, habituellement candidats à des vacances à l’étranger, dont la destination-Maroc, renoncent. Ils resteront chez eux. Nous n’avons aucun moyen de les persuader de venir chez nous pour peupler notre réseau hôtelier. Il en va de même pour d’autres réserves touristiques européennes, allemandes ou anglaises, entre autres.
Le transfert des économies de nos MRE devrait subir la même cure d’amaigrissement. Un coup dur sur un poste principal d’approvisionnement en devises.
Amaigrissement
Face à ce tourbillon d’une crise mondiale à large spectre, nous ne pouvions être épargnés. Nous ne le sommes pas. Des fabriques de textile réduisent leurs productions, quand elles ne mettent pas la clé sous le paillasson. Les hôtels ont beau faire des offres alléchantes de séjour à prix défiant toute concurrence, ils tournent à personnel ramassé au maximum.
L’agriculture et la pêche hauturière ont leur fanion exportateur en berne. Voilà un tableau sombrissime de notre situation économique. Le problème, c’est que nous ne pouvons pas vivre que de paix sociale et d’eau fraîche, mais d’activités économiques productrices de richesses nationales et de bien-être pour tous, autant que faire se peut.
La réalité aujourd’hui est toute autre. Le chômage se propage. Il était suffisamment structurel, dans des proportions formellement encadrées par les statistiques de l’État; il devient un produit de conjoncture, encore plus fou et plus difficilement maîtrisable. Il est situé, au bas mot, à 25% de la population active, celle qui est, démographiquement et légalement, en âge de travailler. Encore faut-il ne pas y comptabiliser les enfants et les adolescents sur-exploités en tant qu’apprentis. Avec tout le respect que l’on doit à Ahmed Lahlimi, les 9 ou 10% de chômeurs officiellement reconnus, n’est pas une barre crédible.
Dans la mesure où n’est chômeur que celui qui se déclare comme tel. Exit donc l’armada des gardiens de voitures, cireurs de chaussures et les 200.000 mendiants recensés par les services de Nezha Skalli. À moins qu’il ne leur passe par la tête de faire grève, ces marginaux, qui vivotent et survivent, n’ont pas droit de cité dans les tablettes statistiques du chômage. Contrairement aux diplômés chômeurs qui ont, eux, l’insigne honneur d’un tabassage régulier, en récompense de leur visibilité.
source : maroc-hebdo.press.ma
Sous un ciel, à la fois ombrageux, clément et généreux, la grogne monte du tréfond d’une société en quête d’espérance.
Le Maroc vient d’être l’objet d’une observation rigoureuse de sa situation économique et sociale, par une unité d’étude étrangère. Encore une fois, pourrait-on dire. Pourquoi pas, après tout, dès lors qu’un regard extérieur, potentiellement prospecteur et “diagnostiqueur”, est bon à prendre, quels que soient son angle d’approche et ses conclusions. Cette fois-ci, c’est un centre de recherche et de publications économiques britannique, sous le nom de The Economist Intelligence Unit (EIU), qui s’est chargé de passer au crible notre micro économie et les répercussions sociales, jugées prévisibles, qui pourraient en découler.
D’emblée, on nous “gratifie” d’un taux de croissance poussif d’à peine 2,3%. Une gratification plutôt pénalisante, rapportée aux 5% annoncés par Salaheddine Mezouar, ministre de l’Économie et des Finances.
Détresse
Il ne faut surtout pas aller chercher des comparaisons hasardeuses avec un pays comme la France, qui risque d’avoir un taux de croissance négatif pour l’année en cours et même la suivante. Ce genre de quantifications, quels qu’en soient les chiffres indicateurs, dépend de la base de départ et de l’état cumulatif des structures économiques créateurs de croissance et de développement social. Bref, cela dépend d’où l’on vient. Pour nous autres, nous ne cessons de revenir de loin. Alors, restons dans nos bottes et essayons de voire ce que cette étude anglaise nous apprend sur nous-mêmes.
Dans une parfaite tradition british, toute en subtilités et en formules pudiques, l’étude parle d’«inégalités économiques» et de «détresse sociale». Ce sont là des expressions génériques qui, sans les occulter, suggèrent bien des choses qui couvent à fleur de peau des individus concernés et à mi-surface d’un bouillonnement social sourd mais réel.
Quoi qu’on en dise, les Britanniques aussi savent être explicites quand il le faut. Ils ont pointé trois facteurs qui résument notre situation socio-économique: la pauvreté, le chômage et l’inflation. À l’output, on obtient immanquablement un mécontentement social qui gronde et tente de se faire entendre au grand jour. Qu’on le veuille ou non, nous sommes dans ce cas de figure. Une société en ébullition parfois audible, généralement diluée dans les impératifs de la routine quotidienne, persistants et têtus.
Finalement, les Britanniques ne nous ont appris que ce qu’on ne nous a pas dit et que nous savions, de science certaine, par notre vécu et notre curiosité citoyenne. Nous avons toujours été un pays ouvert sur le monde extérieur, depuis nos comptoirs commerciaux sur nos deux façades maritimes tout au long des siècles passés. Nous avons “mercantilisé” avec les grands ports d’Europe, d’Amérique et d’Asie. À titre d’exemple, juste pour illustrer, notre breuvage de tout instant, le thé, était importé de Chine dès les Grandes découvertes des XIVème et XVème siècles.
Ceci pour dire que la mondialisation, nous y sommes tombés en tant que jeune nation aguerrie, depuis des lustres. Mais voilà qu’on veut nous la cacher par un tamis que la circulation instantanée de l’information a rendu complètement poreux.
C’est un fait que nous subissons de plein fouet les effets de la crise financière et économique internationale. Encore une fois, il ne pouvait en être autrement. Des pans entiers de notre économie sont en souffrance. Particulièrement les industries à vocation exportatrice, ou les activités dont le rendement est tributaire des possibilités d’une clientèle résidente à l’étranger. Le textile, pourvoyeur d’emplois et contributeur à une prétention d’équilibre de notre balance de paiement, est aux premières loges. Les commandes fondent comme neige au soleil. Les machines tournent au ralenti, lorsqu’elles ne sont pas mises à l’arrêt.
Le tourisme, à la veille de la haute saison, n’est pas mieux loti. Pour ne considérer que le marché de l’Hexagone au jour d’aujourd’hui, 25% de Français, habituellement candidats à des vacances à l’étranger, dont la destination-Maroc, renoncent. Ils resteront chez eux. Nous n’avons aucun moyen de les persuader de venir chez nous pour peupler notre réseau hôtelier. Il en va de même pour d’autres réserves touristiques européennes, allemandes ou anglaises, entre autres.
Le transfert des économies de nos MRE devrait subir la même cure d’amaigrissement. Un coup dur sur un poste principal d’approvisionnement en devises.
Amaigrissement
Face à ce tourbillon d’une crise mondiale à large spectre, nous ne pouvions être épargnés. Nous ne le sommes pas. Des fabriques de textile réduisent leurs productions, quand elles ne mettent pas la clé sous le paillasson. Les hôtels ont beau faire des offres alléchantes de séjour à prix défiant toute concurrence, ils tournent à personnel ramassé au maximum.
L’agriculture et la pêche hauturière ont leur fanion exportateur en berne. Voilà un tableau sombrissime de notre situation économique. Le problème, c’est que nous ne pouvons pas vivre que de paix sociale et d’eau fraîche, mais d’activités économiques productrices de richesses nationales et de bien-être pour tous, autant que faire se peut.
La réalité aujourd’hui est toute autre. Le chômage se propage. Il était suffisamment structurel, dans des proportions formellement encadrées par les statistiques de l’État; il devient un produit de conjoncture, encore plus fou et plus difficilement maîtrisable. Il est situé, au bas mot, à 25% de la population active, celle qui est, démographiquement et légalement, en âge de travailler. Encore faut-il ne pas y comptabiliser les enfants et les adolescents sur-exploités en tant qu’apprentis. Avec tout le respect que l’on doit à Ahmed Lahlimi, les 9 ou 10% de chômeurs officiellement reconnus, n’est pas une barre crédible.
Dans la mesure où n’est chômeur que celui qui se déclare comme tel. Exit donc l’armada des gardiens de voitures, cireurs de chaussures et les 200.000 mendiants recensés par les services de Nezha Skalli. À moins qu’il ne leur passe par la tête de faire grève, ces marginaux, qui vivotent et survivent, n’ont pas droit de cité dans les tablettes statistiques du chômage. Contrairement aux diplômés chômeurs qui ont, eux, l’insigne honneur d’un tabassage régulier, en récompense de leur visibilité.
source : maroc-hebdo.press.ma
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