Quels sont les grands enjeux pétroliers en Russie aujourd’hui ? Quel est l’avenir des pétroliers dans le contexte de la crise mondiale du pétrole et de la lutte contre le réchauffement climatique ? Le point de vue de Vincent Blagoievitch Golitsyne, jeune directeur général de la société russe Ekkoil.
Véronique Anger : Vous dirigez la société Ekkoil (ex groupe Severnaya Oil & gas Industry[1]) depuis le début de l’année. Vous êtes jeune, qu’est-ce qui vous a conduit à ces fonctions ?
Vincent Blagoievitch Golitsyne :A 38 ans, je possède une expérience solide dans le domaine des matières premières notamment grâce à IBS Company, mon ancienne société de trading (basée à Londres) et spécialisée dans les produits pétroliers. Je suis président de la société pétrolière russe Ekkoil depuis le 2 février 2009. Pendant les deux années précédentes, j’ai occupé différentes fonctions stratégiques au sein du groupe (depuis la sécurité des plateformes en passant par la direction des ventes jusqu’à la mise en place d’une politique de recherche et de développement).
Sans vous bombarder de chiffres, aujourd’hui, Ekkoil emploie 8.260 salariés et réalise un bénéfice de 6 milliards d’euros pour un chiffre d’affaires de 21,7 milliards d’euros. Le groupe produit 164.250.000 barils par an et possède 5 raffineries. Ekkoil se place au 72ème rang du Top 100 des entreprises russes en 2006. Le siège de la société est basé à Moscou, mais mon métier me conduit à souvent voyager sur Kashagan au Kazakhstan où Ekkoil possède une allocation et cinq plates formes en mer caspienne. Il est intéressant de noter que le groupe Ekkoil occupe une position stratégique sur l’échiquier géopolitique mondial en tant qu’opérateur majeur au Kazakhstan. Comme vous le savez, cette région se situe à un carrefour stratégique aussi bien au niveau du transport que de l’exploitation du pétrole. Les pipelines qui partent de Russie et arrivent en Chine traversent le Kazakhstan et vous avez d’un côté la Chine et, de l’autre, la Russie et l’Iran…
VA : Jusqu’à la crise il y a six mois, il était entendu que la demande de pétrole serait exponentielle alors que les réserves devraient rapidement s’épuiser. Contre toute attente, on découvre toujours plus de nouveaux gisements[2]. Cependant, à cause de la récession mondiale mais aussi d’autres facteurs (notamment la pression des populations occidentales impliquées dans le combat contre la pollution) la demande ne cesse de diminuer et le cours du brut chute[3].Dans le même temps, les pays riches veulent développer les énergies « propres » pour renforcer leur indépendance énergétique et lutter contre le réchauffement climatique. Pour d’autres raisons, les pays émergents se tournent eux aussi vers l’énergie électrique, surtout pour assurer leur indépendance énergétique. Alors que nous vivions dans une économie où c’est l’offre qui déterminait le prix du pétrole, nous découvrons aujourd’hui que le pétrole pourrait bien devenir un produit abondant mais non rentable… Dans ce contexte, quels sont, selon vous, les enjeux pétroliers en Russie aujourd’hui ? Et comment se place Ekkoil sur le marché mondial du pétrole ? Pour faire court : comment voyez-vous l’avenir de votre métier ?
VBG : Votre question me semble un peu paradoxale. Je pense que c’est une manière typiquement occidentale de présenter les choses… On peut aussi raisonner d’une toute autre manière. Quoi que les médias et certains « spécialistes » en disent, les énergies fossiles, et par conséquent le pétrole, continueront à être exploitées au siècle prochain. On ne pourra pas s’en passer avant au moins cent ans pour plusieurs raisons. Notamment parce que, comme vous le signalez, il existe encore suffisamment de réserves mais -et cet argument me semble fondamental- surtout parce que les compagnies pétrolières garantissent des millions d’heures de travail à des millions de salariés. Pour parler concrètement, 1 baril de pétrole n’est pas égal à 30 ou 40$ mais à 25.000 heures de travail. Chez Ekkoil, par exemple, on extrait 470.000 barils par jour. Si vous multipliez ces 470.000 barils par 25.000 heures de travail, vous obtenez le nombre d’heures de travail injectées par Ekkoil sur les marchés. Et, en l’état actuel des choses, personne n’a les moyens de faire l’impasse sur cette manne, tout simplement.
Aujourd’hui, la consommation de pétrole oscille entre 9 et 12 millions de barils par jour. Ce n’est pas une baisse d’1 million qui fera chuter les cours… Ce que l’on sait, en revanche, c’est que la production pétrolière fournit beaucoup de travail et permet de fabriquer et de transporter toutes sortes de marchandises, de voyager, de s’habiller. Vous l’ignorez peut-être mais, pour fabriquer les vêtements que vous portez sur vous, il a fallu brûler 1 baril de pétrole... Autrement dit, vous portez sur vous 1 baril de pétrole !
Je suis d’accord avec vous sur le fait que si le prix du baril continue à chuter, il est probable que le traitement des schistes bitumineux de l’Alberta au Canada ou l’extraction du pétrole d’Alaska reviendront trop cher et ne seront plus rentables. Cela étant dit, il faut savoir que même si le baril était vendu à 9$ sur les marchés, plus de la moitié des exploitations pétrolières continueraient à être bénéficiaires. Mais ces compagnies ne seraient plus en mesure d’investir dans la recherche et le développement pour améliorer la qualité de leur matière première et trouver des solutions pour qu’elle devienne de moins en moins polluante. Ce qui me ramène à l’autre aspect de votre question portant sur le respect de l’environnement.
La société que je dirige s’efforce de minimiser l’impact de ses activités sur l’environnement. Il faut vivre avec son temps et, aujourd’hui, tout le monde a compris qu’il était essentiel de préserver la planète. De même qu’il est important de véhiculer une image positive de son entreprise, fut-elle pétrolière ! Les compagnies pétrolières réfléchissent de plus en plus tôt, en amont, à la meilleure façon de limiter leur impact sur l’écosystème. Auparavant, lorsqu’on exploitait la matière première, on rejetait le CO2 dans l’atmosphère. Les chercheurs d’Ekkoil ont mis au point des unités de captage de CO2 qui permettent de stocker la totalité du CO2 généré par l’exploitation. Depuis un an, on parvient ainsi à récupérer le CO2 et à le réinjecter (sans aucune déperdition) dans les poches qui contenaient le pétrole qui a été extrait (pour l’instant, la solution consiste à stocker le CO2 là où se trouvaient d’anciennes nappes pétrolière). Ekkoil a lancé cette expérience sur tous les sites qui le permettent et on espère, qu’un jour, 100% de l’extraction pourra être « propre ».
Bien évidemment, ce type d’installation nécessite des moyens colossaux. C’est pourquoi je précisais tout à l’heure que, si le cours du brut descendait au-dessous des 15 ou 20$, les pétroliers seraient forcément moins enclins à investir de l’argent dans la recherche. Ekkoil, qui se place entre la 15ème et la 18ème place du Top 100 des plus grosses compagnies pétrolières, emploie 400 chercheurs et ingénieurs rien que dans ses laboratoires et a investi 800 millions d’euros dans la recherche au cours des deux dernières années. Aussi paradoxal que cela puisse paraître aux yeux de certains : Ekkoil entend bien continuer à extraire du pétrole tout en utilisant une technique d’extraction irréprochable. C’est pourquoi, d’ici à 2015, toute l’énergie utilisée par la société Ekkoil pour extraire le pétrole sera entièrement produite par de l’énergie photovoltaïque. Autre nouveauté : la mise au point d’une pastille révolutionnaire, qui s’adapte sur n’importe quel moteur à combustion (de chaudière, de voiture, de bateau,...) qui sera disponible dès 2010. Placée derrière les filtres à air, cette pastille optimise la combustion et permet aux industriels ou aux automobilistes de réduire de 30% leur consommation et ainsi de limiter le gâchis et la nocivité liés à la combustion du pétrole.
Quant aux enjeux pétroliers (je précise que la Russie est aujourd’hui le premier producteur mondial de pétrole et l’Arabie saoudite le premier exportateur) il ne me semble pas que les groupes pétroliers soient véritablement inquiets pour leur avenir… Parallèlement à leurs activités pétrolières, aujourd’hui, la plupart des compagnies développent des énergies de substitution et notamment l’éolien, les biomasses ou le photovoltaïque.
Véronique Anger : Vous dirigez la société Ekkoil (ex groupe Severnaya Oil & gas Industry[1]) depuis le début de l’année. Vous êtes jeune, qu’est-ce qui vous a conduit à ces fonctions ?
Vincent Blagoievitch Golitsyne :A 38 ans, je possède une expérience solide dans le domaine des matières premières notamment grâce à IBS Company, mon ancienne société de trading (basée à Londres) et spécialisée dans les produits pétroliers. Je suis président de la société pétrolière russe Ekkoil depuis le 2 février 2009. Pendant les deux années précédentes, j’ai occupé différentes fonctions stratégiques au sein du groupe (depuis la sécurité des plateformes en passant par la direction des ventes jusqu’à la mise en place d’une politique de recherche et de développement).
Sans vous bombarder de chiffres, aujourd’hui, Ekkoil emploie 8.260 salariés et réalise un bénéfice de 6 milliards d’euros pour un chiffre d’affaires de 21,7 milliards d’euros. Le groupe produit 164.250.000 barils par an et possède 5 raffineries. Ekkoil se place au 72ème rang du Top 100 des entreprises russes en 2006. Le siège de la société est basé à Moscou, mais mon métier me conduit à souvent voyager sur Kashagan au Kazakhstan où Ekkoil possède une allocation et cinq plates formes en mer caspienne. Il est intéressant de noter que le groupe Ekkoil occupe une position stratégique sur l’échiquier géopolitique mondial en tant qu’opérateur majeur au Kazakhstan. Comme vous le savez, cette région se situe à un carrefour stratégique aussi bien au niveau du transport que de l’exploitation du pétrole. Les pipelines qui partent de Russie et arrivent en Chine traversent le Kazakhstan et vous avez d’un côté la Chine et, de l’autre, la Russie et l’Iran…
VA : Jusqu’à la crise il y a six mois, il était entendu que la demande de pétrole serait exponentielle alors que les réserves devraient rapidement s’épuiser. Contre toute attente, on découvre toujours plus de nouveaux gisements[2]. Cependant, à cause de la récession mondiale mais aussi d’autres facteurs (notamment la pression des populations occidentales impliquées dans le combat contre la pollution) la demande ne cesse de diminuer et le cours du brut chute[3].Dans le même temps, les pays riches veulent développer les énergies « propres » pour renforcer leur indépendance énergétique et lutter contre le réchauffement climatique. Pour d’autres raisons, les pays émergents se tournent eux aussi vers l’énergie électrique, surtout pour assurer leur indépendance énergétique. Alors que nous vivions dans une économie où c’est l’offre qui déterminait le prix du pétrole, nous découvrons aujourd’hui que le pétrole pourrait bien devenir un produit abondant mais non rentable… Dans ce contexte, quels sont, selon vous, les enjeux pétroliers en Russie aujourd’hui ? Et comment se place Ekkoil sur le marché mondial du pétrole ? Pour faire court : comment voyez-vous l’avenir de votre métier ?
VBG : Votre question me semble un peu paradoxale. Je pense que c’est une manière typiquement occidentale de présenter les choses… On peut aussi raisonner d’une toute autre manière. Quoi que les médias et certains « spécialistes » en disent, les énergies fossiles, et par conséquent le pétrole, continueront à être exploitées au siècle prochain. On ne pourra pas s’en passer avant au moins cent ans pour plusieurs raisons. Notamment parce que, comme vous le signalez, il existe encore suffisamment de réserves mais -et cet argument me semble fondamental- surtout parce que les compagnies pétrolières garantissent des millions d’heures de travail à des millions de salariés. Pour parler concrètement, 1 baril de pétrole n’est pas égal à 30 ou 40$ mais à 25.000 heures de travail. Chez Ekkoil, par exemple, on extrait 470.000 barils par jour. Si vous multipliez ces 470.000 barils par 25.000 heures de travail, vous obtenez le nombre d’heures de travail injectées par Ekkoil sur les marchés. Et, en l’état actuel des choses, personne n’a les moyens de faire l’impasse sur cette manne, tout simplement.
Aujourd’hui, la consommation de pétrole oscille entre 9 et 12 millions de barils par jour. Ce n’est pas une baisse d’1 million qui fera chuter les cours… Ce que l’on sait, en revanche, c’est que la production pétrolière fournit beaucoup de travail et permet de fabriquer et de transporter toutes sortes de marchandises, de voyager, de s’habiller. Vous l’ignorez peut-être mais, pour fabriquer les vêtements que vous portez sur vous, il a fallu brûler 1 baril de pétrole... Autrement dit, vous portez sur vous 1 baril de pétrole !
Je suis d’accord avec vous sur le fait que si le prix du baril continue à chuter, il est probable que le traitement des schistes bitumineux de l’Alberta au Canada ou l’extraction du pétrole d’Alaska reviendront trop cher et ne seront plus rentables. Cela étant dit, il faut savoir que même si le baril était vendu à 9$ sur les marchés, plus de la moitié des exploitations pétrolières continueraient à être bénéficiaires. Mais ces compagnies ne seraient plus en mesure d’investir dans la recherche et le développement pour améliorer la qualité de leur matière première et trouver des solutions pour qu’elle devienne de moins en moins polluante. Ce qui me ramène à l’autre aspect de votre question portant sur le respect de l’environnement.
La société que je dirige s’efforce de minimiser l’impact de ses activités sur l’environnement. Il faut vivre avec son temps et, aujourd’hui, tout le monde a compris qu’il était essentiel de préserver la planète. De même qu’il est important de véhiculer une image positive de son entreprise, fut-elle pétrolière ! Les compagnies pétrolières réfléchissent de plus en plus tôt, en amont, à la meilleure façon de limiter leur impact sur l’écosystème. Auparavant, lorsqu’on exploitait la matière première, on rejetait le CO2 dans l’atmosphère. Les chercheurs d’Ekkoil ont mis au point des unités de captage de CO2 qui permettent de stocker la totalité du CO2 généré par l’exploitation. Depuis un an, on parvient ainsi à récupérer le CO2 et à le réinjecter (sans aucune déperdition) dans les poches qui contenaient le pétrole qui a été extrait (pour l’instant, la solution consiste à stocker le CO2 là où se trouvaient d’anciennes nappes pétrolière). Ekkoil a lancé cette expérience sur tous les sites qui le permettent et on espère, qu’un jour, 100% de l’extraction pourra être « propre ».
Bien évidemment, ce type d’installation nécessite des moyens colossaux. C’est pourquoi je précisais tout à l’heure que, si le cours du brut descendait au-dessous des 15 ou 20$, les pétroliers seraient forcément moins enclins à investir de l’argent dans la recherche. Ekkoil, qui se place entre la 15ème et la 18ème place du Top 100 des plus grosses compagnies pétrolières, emploie 400 chercheurs et ingénieurs rien que dans ses laboratoires et a investi 800 millions d’euros dans la recherche au cours des deux dernières années. Aussi paradoxal que cela puisse paraître aux yeux de certains : Ekkoil entend bien continuer à extraire du pétrole tout en utilisant une technique d’extraction irréprochable. C’est pourquoi, d’ici à 2015, toute l’énergie utilisée par la société Ekkoil pour extraire le pétrole sera entièrement produite par de l’énergie photovoltaïque. Autre nouveauté : la mise au point d’une pastille révolutionnaire, qui s’adapte sur n’importe quel moteur à combustion (de chaudière, de voiture, de bateau,...) qui sera disponible dès 2010. Placée derrière les filtres à air, cette pastille optimise la combustion et permet aux industriels ou aux automobilistes de réduire de 30% leur consommation et ainsi de limiter le gâchis et la nocivité liés à la combustion du pétrole.
Quant aux enjeux pétroliers (je précise que la Russie est aujourd’hui le premier producteur mondial de pétrole et l’Arabie saoudite le premier exportateur) il ne me semble pas que les groupes pétroliers soient véritablement inquiets pour leur avenir… Parallèlement à leurs activités pétrolières, aujourd’hui, la plupart des compagnies développent des énergies de substitution et notamment l’éolien, les biomasses ou le photovoltaïque.
Commentaire