Toutes catégories sociales, l’Algérie se shoote à la recherche désespérée du bonheur chimique. 2009, année de la drogue et des saisies records, du cannabis au crack en passant par la cocaïne ou l’héroïne, et surtout les produits phares, pas chers et populaires, les psychotropes. « Ara habba Valium bech n’hal 3iniya » (donnes-moi un Valium pour que je puisse ouvrir les yeux), chantait déjà Amazigh Kateb il y a plus de dix ans, en référence aux psychotropes, drogues du pauvre et du jeune.
Aujourd’hui, les supporters chantent la « zerga » dans les stades, yeux allumés et cerveau déchiré. Mais qu’est-ce qui a changé ? Au-delà des énormes quantités qui renseignent sur une consommation de masse, pas grand-chose. Sauf le nom, le Valium, un puissant anticonvulsivant de la famille des benzodiazépines, est devenu le Diazépam, la même molécule mais bleue. « Zerga mon amour. » Après l’ingestion, un sentiment de bien-être apparaît, puis une ataraxie, absence totale d’émotion. « Qelbek imout », ton cœur meurt. A partir de là, le cerveau se dérègle, la peur et l’inhibition de faire du mal disparaissent : « Tu peux tuer ta mère ». Ce n’est pourtant pas fait pour ça, le Diazépam (ezzerga) ou le Rivotril (el hamra, benzodiazépine aussi) sont des anxiolytiques.
L’alchimie
Mais la chimie du cerveau est complexe et suivant le dosage, l’accoutumance ou l’état psychique, ces pilules du bonheur peuvent donner des comportements paradoxaux, surtout quand elles sont mélangées à d’autres substances comme l’alcool. Agressivité, hallucinations et sentiment de puissance : « Nchouf enness sghaaaaar » (je vois les gens toooout petits). Comportement psychotique, envie de meurtre ou de suicide, puis passage à l’acte, avec amnésie totale. « Il avait violé sa sœur et on l’a embarqué », raconte un policier d’une brigade des stupéfiants. « Quand il s’est réveillé et a appris ce qu’il avait fait, il s’est suicidé. » Fin de l’opération pilule ? Non, puisque ces molécules neurotoxiques entraînent une dépendance très forte.
Le grand shoot
Douleurs, convulsions, violents troubles psychiques. « Net3awedj, nhess mouass idekhlou fi 3iniya », (je me tords de douleur, je sens des couteaux entrer dans mes yeux). Là encore, on peut tout faire, par exemple, s’automutiler ou tuer pour 250 DA, le prix d’un cachet de Diazépam ou Rivotril chez les revendeurs. Pourtant Saïdal commercialise un générique du Diazépam, le Valzepam, beaucoup moins cher, 130 DA el mechta (le peigne, la plaquette de 20 comprimés), qui fait d’ailleurs fureur. Bab El Oued, il fait nuit. « Trop dangereux », explique Nazim, propriétaire de l’une des trois pharmacies collées sous les arcades. « Ils viennent avec le syndrome de manque. Couteaux tirés, il faut gérer. » D’ailleurs, près de 90% des pharmaciens ont arrêté la vente des psychotropes. Pourtant à côté, dans la jnina, on vend de tout, mais c’est plus cher. Cachets, cannabis, morphine (1000 DA l’injection) et cocaïne, 2000 DA le gramme alors qu’elle était encore à 5000 l’année dernière. « Le prix d’un kilo de viande », explique un habitué. Halal. Si les psychotropes sont très prisés par les jeunes, il y a une forte consommation de toutes les drogues. Il y a un mois, un laboratoire de crack et d’héroïne a été démantelé à El Hamiz, dans la banlieue d’Alger. Du crack ? Oui, mais aussi près d’une tonne de cocaïne, 38 t de cannabis et 1 million de pilules psychotropes saisis en 2008, quatre fois les stocks saisis l’année d’avant et dix fois plus qu’en 2005. « On n’a jamais vu ça », se plaint l’officier de la brigade des stupéfiants. « C’est de la folie. » Hôpital psychiatrique de Chéraga, Alger. Des ouvriers s’affairent à repeindre les bureaux en blanc mais au secrétariat, l’horloge est arrêtée. Le professeur Kacha, directeur de l’établissement, explique que l’on a très peu de psychiatres spécialisés en toxicomanie. D’où la difficulté de tracer une limite entre un toxicomane devenu fou par abus de psychotropes et un fou auquel on donne des psychotropes. La drogue ? « Ça existe depuis que le monde est monde », précise-t-il. Le professeur Kacha a d’ailleurs ouvert une nouvelle branche, l’addictologie, où il intervient sur les addictions d’aujourd’hui, aux psychotropes, mais aussi au sexe ou au jeu et bien sûr aux drogues. « Une vraie réalité à prendre en compte. » D’autant plus que l’Algérie produit ses propres drogues. Ksar Kali, l’un des plus vieux ksour de Timimoun, dans la wilaya d’Adrar, la région qui arrive en tête dans la culture des plantes destinées à la production de drogue. 1200 plants de pavot saisis à Timimoun juste depuis le début de l’année et pour 2008, 77 000 plants de pavot et 8 350 plantes de cannabis. A l’échelle nationale, pour 2008, les saisies de cannabis sont déjà à 26 tonnes et pourraient en atteindre 60 en 2009. Devant cette production effarante, on ne fait pas dans le détail. Au Ksar Kali, un vieux de 75 ans est en prison à Adrar, parce que celle de Timimoun est déjà pleine. Deux plants de cannabis ont été trouvés chez lui. « Il fume depuis 3000 ans », explique un habitué du coin. « C’est culturel. » Pourtant, ajoute-t-il : « Au centre de Timimoun, le dealer qui vend de la mauvaise zetla dix fois coupée de Béchar, est toujours en poste. »
Aujourd’hui, les supporters chantent la « zerga » dans les stades, yeux allumés et cerveau déchiré. Mais qu’est-ce qui a changé ? Au-delà des énormes quantités qui renseignent sur une consommation de masse, pas grand-chose. Sauf le nom, le Valium, un puissant anticonvulsivant de la famille des benzodiazépines, est devenu le Diazépam, la même molécule mais bleue. « Zerga mon amour. » Après l’ingestion, un sentiment de bien-être apparaît, puis une ataraxie, absence totale d’émotion. « Qelbek imout », ton cœur meurt. A partir de là, le cerveau se dérègle, la peur et l’inhibition de faire du mal disparaissent : « Tu peux tuer ta mère ». Ce n’est pourtant pas fait pour ça, le Diazépam (ezzerga) ou le Rivotril (el hamra, benzodiazépine aussi) sont des anxiolytiques.
L’alchimie
Mais la chimie du cerveau est complexe et suivant le dosage, l’accoutumance ou l’état psychique, ces pilules du bonheur peuvent donner des comportements paradoxaux, surtout quand elles sont mélangées à d’autres substances comme l’alcool. Agressivité, hallucinations et sentiment de puissance : « Nchouf enness sghaaaaar » (je vois les gens toooout petits). Comportement psychotique, envie de meurtre ou de suicide, puis passage à l’acte, avec amnésie totale. « Il avait violé sa sœur et on l’a embarqué », raconte un policier d’une brigade des stupéfiants. « Quand il s’est réveillé et a appris ce qu’il avait fait, il s’est suicidé. » Fin de l’opération pilule ? Non, puisque ces molécules neurotoxiques entraînent une dépendance très forte.
Le grand shoot
Douleurs, convulsions, violents troubles psychiques. « Net3awedj, nhess mouass idekhlou fi 3iniya », (je me tords de douleur, je sens des couteaux entrer dans mes yeux). Là encore, on peut tout faire, par exemple, s’automutiler ou tuer pour 250 DA, le prix d’un cachet de Diazépam ou Rivotril chez les revendeurs. Pourtant Saïdal commercialise un générique du Diazépam, le Valzepam, beaucoup moins cher, 130 DA el mechta (le peigne, la plaquette de 20 comprimés), qui fait d’ailleurs fureur. Bab El Oued, il fait nuit. « Trop dangereux », explique Nazim, propriétaire de l’une des trois pharmacies collées sous les arcades. « Ils viennent avec le syndrome de manque. Couteaux tirés, il faut gérer. » D’ailleurs, près de 90% des pharmaciens ont arrêté la vente des psychotropes. Pourtant à côté, dans la jnina, on vend de tout, mais c’est plus cher. Cachets, cannabis, morphine (1000 DA l’injection) et cocaïne, 2000 DA le gramme alors qu’elle était encore à 5000 l’année dernière. « Le prix d’un kilo de viande », explique un habitué. Halal. Si les psychotropes sont très prisés par les jeunes, il y a une forte consommation de toutes les drogues. Il y a un mois, un laboratoire de crack et d’héroïne a été démantelé à El Hamiz, dans la banlieue d’Alger. Du crack ? Oui, mais aussi près d’une tonne de cocaïne, 38 t de cannabis et 1 million de pilules psychotropes saisis en 2008, quatre fois les stocks saisis l’année d’avant et dix fois plus qu’en 2005. « On n’a jamais vu ça », se plaint l’officier de la brigade des stupéfiants. « C’est de la folie. » Hôpital psychiatrique de Chéraga, Alger. Des ouvriers s’affairent à repeindre les bureaux en blanc mais au secrétariat, l’horloge est arrêtée. Le professeur Kacha, directeur de l’établissement, explique que l’on a très peu de psychiatres spécialisés en toxicomanie. D’où la difficulté de tracer une limite entre un toxicomane devenu fou par abus de psychotropes et un fou auquel on donne des psychotropes. La drogue ? « Ça existe depuis que le monde est monde », précise-t-il. Le professeur Kacha a d’ailleurs ouvert une nouvelle branche, l’addictologie, où il intervient sur les addictions d’aujourd’hui, aux psychotropes, mais aussi au sexe ou au jeu et bien sûr aux drogues. « Une vraie réalité à prendre en compte. » D’autant plus que l’Algérie produit ses propres drogues. Ksar Kali, l’un des plus vieux ksour de Timimoun, dans la wilaya d’Adrar, la région qui arrive en tête dans la culture des plantes destinées à la production de drogue. 1200 plants de pavot saisis à Timimoun juste depuis le début de l’année et pour 2008, 77 000 plants de pavot et 8 350 plantes de cannabis. A l’échelle nationale, pour 2008, les saisies de cannabis sont déjà à 26 tonnes et pourraient en atteindre 60 en 2009. Devant cette production effarante, on ne fait pas dans le détail. Au Ksar Kali, un vieux de 75 ans est en prison à Adrar, parce que celle de Timimoun est déjà pleine. Deux plants de cannabis ont été trouvés chez lui. « Il fume depuis 3000 ans », explique un habitué du coin. « C’est culturel. » Pourtant, ajoute-t-il : « Au centre de Timimoun, le dealer qui vend de la mauvaise zetla dix fois coupée de Béchar, est toujours en poste. »
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